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Loi sur les associations – 1 juillet 1901

Tuesday, October 30th, 2007

TITRE Ier

Article premier

    L’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations.

Article 2

    Les associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration préalable, mais elles ne jouiront de la capacité juridique que si elles se sont conformées aux dispositions de l’article 5.

Article 3

    Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet.

Article 4

    Tout membre d’une association qui n’est pas formée pour un temps déterminé peut s’en retirer en tout temps, après paiement des cotisations échues et de l’année courante, nonobstant toute clause contraire.

Article 5
(modifié ensuite par l’ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 art. 4 – Journal Officiel du 29 juillet 2005 – en vigueur le 1er janvier 2006)

    Toute association qui voudra obtenir la capacité juridique prévue par l’article 6 devra être rendue publique par les soins de ses fondateurs.
    La déclaration préalable en sera faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l’arrondissement où l’association aura son siège social. Elle fera connaître le titre et l’objet de l’association, le siège de ses établissements et les noms, professions et domiciles de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction. Il en sera donné récépissé.
    Deux exemplaires des statuts seront joints à la déclaration.
  Les associations sont tenues de faire connaître, dans les trois mois, tous les changements survenus dans leur administration ou direction, ainsi que toutes les modifications apportées à leurs statuts.

    Ces modifications et changements ne sont opposables aux tiers qu’à partir du jour où ils auront été déclarés.

   Les modifications et changements seront en outre consignés sur un registre spécial qui devra être présenté aux autorités administratives ou judiciaires chaque fois qu’elles en feront la demande.

Article 6
(modifié ensuite par l’ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 art. 2 – Journal Officiel du 29 juillet 2005 – en vigueur le 1er janvier 2006)

    Toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer, en dehors des subventions de l’État, des départements et des communes :

1° Les cotisations de ses membres ou les sommes au moyen desquelles ces cotisations ont été rédimées, ces sommes ne pouvant être supérieures à 500 F ;
2° Le local destiné à l’administration de l’association et à la réunion de ses membres ;
3° Les immeubles strictement nécessaires à l’accomplissement du but qu’elle se propose.

Article 7
(modifié ensuite par la loi n° 71-604 du 20 juillet 1971 – Journal Officiel du 21 juillet 1971)

    En cas de nullité prévue par l’article 3, la dissolution de l’association sera prononcée par le tribunal civil, soit à la requête de tout intéressé, soit à la diligence du ministère public.
    En cas d’infraction aux dispositions de l’article 5, la dissolution pourra être prononcée à la requête de tout intéressé ou du ministère public.

Article 8
(modifié ensuite par l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 – Journal Officiel du 22 septembre 2000 – en vigueur le 1er janvier 2002)

    Seront punis d’une amende de 16 à 200 F, et, en cas de récidive, d’une amende double, ceux qui auront contrevenu aux dispositions de l’article 5.
    Seront punis d’une amende de 16 à 5.000 F, et d’un emprisonnement de six jours à un an, les fondateurs, directeurs ou administrateurs de l’association qui se serait maintenue ou reconstituée illégalement après le jugement de dissolution.
    Seront punies de la même peine toutes les personnes qui auront favorisé la réunion des membres de l’association dissoute, en consentant l’usage d’un local dont elles disposent.

Article 9

    En cas de dissolution volontaire, statutaire ou prononcée par justice, les biens de l’association seront dévolus conformément aux statuts ou, à défaut de disposition statutaire, suivant les règles déterminées en assemblée générale.

TITRE II

Article 10
(modifié ensuite par la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 art. 17 – Journal Officiel du 24 juillet 1987)

    Les associations peuvent être reconnues d’utilité publique par décret rendus en la forme des règlements d’administration publique.

Article 11
(modifié ensuite par l’ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 art. 2 – Journal Officiel du 29 juillet 2005 – en vigueur le 1er janvier 2006)

    Ces associations peuvent faire tous les actes de la vie civile qui ne sont pas interdits par leurs statuts, mais elles ne peuvent posséder ou acquérir d’autres immeubles que ceux nécessaires au but qu’elles se proposent. Toutes les valeurs mobilières d’une association doivent être placées en titres nominatifs.
    Elles peuvent recevoir des dons et des legs dans les conditions prévues par l’article 910 du code civil et l’article 5 de la loi du 4 février 1901. Les immeubles compris dans un acte de donation ou dans une disposition testamentaire qui ne seraient pas nécessaires au fonctionnement de l’association sont aliénés dans les délais et la forme prescrits par le décret ou l’arrêté qui autorise l’acceptation de la libéralité ; le prix en est versé à la caisse de l’association.

    Elles ne peuvent accepter une donation mobilière ou immobilière avec réserve d’usufruit au profit du donateur.

Article 12
(abrogé ensuite par le décret du 12 avril 1939 – Journal Officiel du 16 avril 1939)

    Les associations composées en partie d’étrangers, celles ayant des administrateurs étrangers ou leur siège à l’étranger, et dont les agissements seraient de nature soit à fausser les conditions normales des marchés des valeurs ou des marchandises, soit à menacer la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat, dans les conditions prévues par les articles 75 à 101 du code pénal, pourront être dissoutes par décret du président de la République, rendu en Conseil des ministres.
    Les fondateurs, directeurs ou administrateurs de l’association qui se serait maintenue ou reconstituée illégalement après le décret de dissolution seront punis des meines portées par l’article 8, paragraphe 2.

TITRE III

Article 13
(modifié ensuite par la loi n° 42-505 du 8 avril 1942 – Journal Officiel du 17 avril 1942)

    Aucune congrégation religieuse ne peut se former sans une autorisation donnée par une loi qui déterminera les conditions de son fonctionnement.
    Elle ne pourra fonder aucun nouvel établissement qu’en vertu d’un décret rendu en Conseil d’Etat.
    La dissolution de la congrégation ou la fermeture de tout établissement pourront être prononcées par décret rendu en Conseil des ministres.

Article 14
(abrogé ensuite par la loi du 3 septembre 1940 – Journal Officiel du 4 septembre 1940)

    Nul n’est admis à diriger, soit directement, soit par personne interposée, un établissement d’enseignement, de quelque ordre qu’il soit, ni à y donner l’enseignement, s’il appartient à une congrégation religieuse non autorisée.
    Les contrevenants seront punis des peines prévues par l’article 8, paragraphe 2. La fermeture de l’établissement pourra, en outre, être prononcée par le jugement de condamnation.

Article 15
(modifié ensuite par le décret n° 2004-1159 du 29 octobre 2004 art. 19 – Journal Officiel du 31 octobre 2004 – en vigueur le 1er janvier 2005)

    Toute congrégation religieuse tient un état de ses recettes et dépenses ; elle dresse chaque année le compte financier de l’année écoulée et l’état inventorié de ses biens meubles et immeubles.
    La liste complète de ses membres, mentionnant leur nom patronymique, ainsi que le nom sous lequel ils sont désignés dans la congrégation, leur nationalité, âge et lieu de naissance, la date de leur entrée, doit se trouver au siège de la congrégation.

    Celle-ci est tenue de représenter sans déplacement, sur toute réquisition du préfet à lui même ou à son délégué, les comptes, états et listes ci-dessus indiqués.

    Seront punis des peines portées au paragraphe 2 de l’article 8 les représentants ou directeurs d’une congrégation qui auront fait des communications mensongères ou refusé d’obtempérer aux réquisitions du préfet dans les cas prévus par le présent article.

Article 16
(abrogé ensuite par la loi n° 42-505 du 8 avril 1942 – Journal Officiel du 17 avril 1942)

    Toute congrégation formée sans autorisation sera déclarée illicite.
    Ceux qui en auront fait partie seront punis des peines édictées à l’article 8, paragraphe 2.
    La peine applicable aux fondateurs et administrateurs sera portée au double.

Article 17
(modifié ensuite par la loi n° 42-505 du 8 avril 1942 – Journal Officiel du 17 avril 1942)

    Sont nuls tous actes entre vifs ou testamentaires, à titre onéreux ou gratuit, accomplis soit directement, soit par personne interposée, ou toute autre voie indirecte, ayant pour objet de permettre aux associations légalement ou illégalement formées de se soustraire aux dispositions des articles 2, 6, 9, 11, 13, 14 et 16.
    Sont légalement présumées personnes interposées au profit des congrégations religieuses, mais sous réserve de la preuve contraire :

1° Les associés à qui ont été consenties des ventes ou fait des dons ou legs, à moins, s’il s’agit de dons ou legs, que le bénéficiaire ne soit l’héritier en ligne directe du déposant ;
2° L’associé ou la société civile ou commerciale composée en tout ou partie de membres de la congrégation, propriétaire de tout immeuble occupé par l’association ;
3° Le propriétaire de tout immeuble occupé par l’association, après qu’elle aura été déclarée illicite.

    La nullité pourra être prononcée soit à la diligence du ministère public, soit à la requête de tout intéressé.

Article 18
(modifié ensuite par la loi du 17 juillet 1903 – Journal Officiel du 18 juillet 1903)

    Les congrégations existantes au moment de la promulgation de la présente loi, qui n’auraient pas été antérieurement autorisées ou reconnues, devront, dans le délai de trois mois, justifier qu’elles ont fait les diligences nécessaires pour se conformer à ses prescriptions.
    À défaut de cette justification, elles sont réputées dissoutes de plein droit. Il en sera de même des congrégations auxquelles l’autorisation aura été refusée.
    La liquidation des biens détenus par elles aura lieu en justice. Le tribunal, à la requête du ministère public, nommera, pour y procéder, un liquidateur qui aura pendant toute la durée de la liquidation tous les pouvoirs d’un administrateur séquestre.
    Le jugement ordonnant la liquidation sera rendu public dans la forme prescrite pour les annonces légales.

    Les biens et valeurs appartenant aux membres de la congrégation antérieurement à leur entrée dans la congrégation, ou qui leur seraient échus depuis, soit par succession ab intestat en ligne directe ou collatérale, soit par donation ou legs en ligne directe, leur seront restitués.
    Les dons et legs qui leur auraient été faits autrement qu’en ligne directe pourront être également revendiqués, mais à charge par les bénéficiaires de faire la preuve qu’ils n’ont pas été les personnes interposées prévues par l’article 17.

    Les biens et valeurs acquis, à titre gratuit et qui n’auraient pas été spécialement affectés par l’acte de libéralité à une oeuvre d’assistance pourront être revendiqués par le donateur, ses héritiers ou ayants droit, ou par les héritiers ou ayants droit du testateur, sans qu’il puisse leur être opposé aucune prescription pour le temps écoulé avant le jugement prononçant la liquidation.
    Si les biens et valeurs ont été donnés ou légués en vue de gratifier non les congréganistes, mais de pourvoir à une oeuvre d’assistance, ils ne pourront être revendiqués qu’à charge de pourvoir à l’accomplissement du but assigné à la libéralité.
    Toute action en reprise ou revendication devra, à peine de forclusion, être formée contre le liquidateur dans le délai de six mois à partir de la publication du jugement. Les jugements rendus contradictoirement avec le liquidateur, et ayant acquis l’autorité de la chose jugée, sont opposables à tous les intéressés.
    Passé le délai de six mois, le liquidateur procédera à la vente en justice de tous les immeubles qui n’auraient pas été revendiqués ou qui ne seraient pas affectés à une oeuvre d’assistance.
    Le produit de la vente, ainsi que toutes les valeurs mobilières, sera déposé à la Caisse des dépôts et consignations.

    L’entretien des pauvres hospitalisés sera, jusqu’à l’achèvement de la liquidation, considéré comme frais privilégiés de liquidation.
    S’il n’y a pas de contestation ou lorsque toutes les actions formées dans le délai prescrit auront été jugées, l’actif net est réparti entre les ayants droit.

    Le règlement d’administration publique visé par l’article 20 de la présente loi déterminera, sur l’actif resté libre après le prélèvement ci-dessus prévu, l’allocation, en capital ou sous forme de rente viagère, qui sera attribuée aux membres de la congrégation dissoute qui n’auraient pas de moyens d’existence assurés ou qui justifieraient avoir contribué à l’acquisition des valeurs mises en distribution par le produit de leur travail personnel.

Article 19
(abrogé ensuite par la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 art. 323 – Journal Officiel du 23 décembre 1992 – en vigueur le 1er mars 1994)

    Les dispositions de l’article 463 du code pénal sont applicables aux délits prévus par le présente loi.

Article 20

    Un règlement d’administration publique déterminera les mesures propres à assurer l’exécution de la présente loi.

Article 21

    Sont abrogés les articles 291, 292, 293 du code pénal, ainsi que les dispositions de l’article 294 du même code relatives aux associations ; l’article 20 de l’ordonnance du 5-8 juillet 1820 ; la loi du 10 avril 1834 ; l’article 13 du décret du 28 juillet 1848 ; l’article 7 de la loi du 30 juin 1881 ; la loi du 14 mars 1872 ; le paragraphe 2, article 2, de la loi du 24 mai 1825 ; le décret du 31 janvier 1852 et, généralement, toutes les dispositions contraires à la présente loi.
    Il n’est en rien dérogé pour l’avenir aux lois spéciales relatives aux syndicats professionnels, aux sociétés de commerce et aux sociétés de secours mutuels.

Article 21 bis
(ajouté par la loi n° 81-909 du 9 octobre 1981, art. 3 –Journal Officiel du 10 octobre 1981 – rectificatif au Journal Officiel du 16 octobre 1981)

        La présente loi est applicable aux territoires d’outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte.

Le Président de la République :
EMILE LOUBET.

Le Président du Conseil, ministre de l’intérieur et des cultes :
WALDECK-ROUSSEAU.

Loi de séparation des Eglises et de l’Etat – 9 décembre 1905

Tuesday, October 30th, 2007

 
Le Sénat et la Chambre des Députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit : 
 

Titre Ier : Principes.

Article 1

    La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

 

Article 2

    La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.
    Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
    Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3.

Titre II : Attribution des biens, pensions.

Article 3

    Les établissements dont la suppression est ordonnée par l’article 2 continueront provisoirement de fonctionner, conformément aux dispositions qui les régissent actuellement, jusqu’à l’attribution de leurs biens aux associations prévues par le titre IV et au plus tard jusqu’à l’expiration du délai ci-après.
    Dès la promulgation de la présente loi, il sera procédé par les agents de l’administration des domaines à l’inventaire descriptif et estimatif :
    1° Des biens mobiliers et immobiliers desdits établissements ;
    2° Des biens de l’Etat, des départements et des communes dont les mêmes établissements ont la jouissance.
   Ce double inventaire sera dressé contradictoirement avec les représentants légaux des établissements ecclésiastiques ou eux dûment appelés par une notification faite en la forme administrative.
    Les agents chargés de l’inventaire auront le droit de se faire communiquer tous titres et documents utiles à leurs opérations.

Article 4

    Dans le délai d’un an, à partir de la promulgation de la présente loi, les biens mobiliers et immobiliers des menses, fabriques, conseils presbytéraux, consistoires et autres établissements publics du culte seront, avec toutes les charges et obligations qui les grèvent et avec leur affectation spéciale, transférés par les représentants légaux de ces établissements aux associations qui, en se conformant aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice, se seront légalement formées, suivant les prescriptions de l’article 19, pour l’exercice de ce culte dans les anciennes circonscriptions desdits établissements.

Article 5

    Ceux des biens désignés à l’article précédent qui proviennent de l’Etat et qui ne sont pas grevés d’une fondation pieuse créée postérieurement à la loi du 18 germinal an X feront retour à l’Etat.
   Les attributions de biens ne pourront être faites par les établissements ecclésiastiques qu’un mois après la promulgation du règlement d’administration publique prévu à l’article 43. Faute de quoi la nullité pourra en être demandée devant le tribunal de grande instance par toute partie intéressée ou par le ministère public.
    En cas d’aliénation par l’association cultuelle de valeurs mobilières ou d’immeubles faisant partie du patrimoine de l’établissement public dissous, le montant du produit de la vente devra être employé en titres de rente nominatifs ou dans les conditions prévues au paragraphe 2 de l’article 22.
     L’acquéreur des biens aliénés sera personnellement responsable de la régularité de cet emploi.
    Les biens revendiqués par l’Etat, les départements ou les communes ne pourront être aliénés, transformés ni modifiés jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la revendication par les tribunaux compétents.

Article 6

(modifié ensuite par loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

    Les associations attributaires des biens des établissements ecclésiastiques supprimés seront tenues des dettes de ces établissements ainsi que de leurs emprunts sous réserve des dispositions du troisième paragraphe du présent article ; tant qu’elles ne seront pas libérées de ce passif, elles auront droit à la jouissance des biens productifs de revenus qui doivent faire retour à l’Etat en vertu de l’article 5.
    Les annuités des emprunts contractés pour dépenses relatives aux édifices religieux, seront supportées par les associations en proportion du temps pendant lequel elles auront l’usage de ces édifices par application des dispositions du titre III.
    Dans le cas où l’Etat, les départements ou les communes rentreront en possession de ceux des édifices dont ils sont propriétaires, ils seront responsables des dettes régulièrement contractées et afférentes auxdits édifices.

Article 7

(modifié ensuite par loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

    Les biens mobiliers ou immobiliers grevés d’une affectation charitable ou d’une toute autre affectation étrangère à l’exercice du culte seront attribués, par les représentants légaux des établissements ecclésiastiques, aux services ou établissements publics ou d’utilité publique, dont la destination est conforme à celle desdits biens. Cette attribution devra être approuvée par le préfet du département où siège l’établissement ecclésiastique. En cas de non-approbation, il sera statué par décret en Conseil d’Etat.
    Toute action en reprise ou en revendication devra être excercée dans un délai de six mois à partir du jour où l’arrêté préfectoral ou le décret approuvant l’attribution aura été inséré au Journal Officiel. L’action ne pourra être intentée qu’en raison de donations ou de legs et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe.

Article 8

    Faute par un établissement ecclésiastique d’avoir, dans le délai fixé par l’article 4, procédé aux attributions ci-dessus prescrites, il y sera pourvu par décret.
    A l’expiration dudit délai, les biens à attribuer seront, jusqu’à leur attribution, placés sous séquestre.
    Dans le cas où les biens attribués en vertu de l’article 4 et du paragraphe 1er du présent article seront, soit dès l’origine, soit dans la suite, réclamés par plusieurs associations formées pour l’exercice du même culte, l’attribution qui en aura été faite par les représentants de l’établissement ou par décret pourra être contestée devant le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, lequel prononcera en tenant compte de toutes les circonstances de fait.
    La demande sera introduite devant le Conseil d’Etat, dans le délai d’un an à partir de la date du décret ou à partir de la notification, à l’autorité préfectorale, par les représentants légaux des établissements publics du culte, de l’attribution effectuée par eux. Cette notification devra être faite dans le délai d’un mois.
    L’attribution pourra être ultérieurement contestée en cas de scission dans l’association nantie, de création d’association nouvelle par suite d’une modification dans le territoire de la circonscription ecclésiastique et dans le cas où l’association attributaire n’est plus en mesure de remplir son objet.

Article 9

(modifié ensuite par la loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

    A défaut de toute association pour recueillir les biens d’un établissement public du culte, ces biens seront attribués par décret à des établissements communaux d’assistance ou de bienfaisance situés dans les limites territoriales de la circonscription ecclésiastique intéressée.
    En cas de dissolution d’une association, les biens qui lui auront été dévolus en exécution des articles 4 et 8 seront attribués par décret rendu en Conseil d’Etat, soit à des associations analogues dans la même circonscription ou, à leur défaut, dans les circonscriptions les plus voisines, soit aux établissements visés au paragraphe 1er du présent article.
    Toute action en reprise ou en revendication devra être exercée dans un délai de six mois à partir du jour où le décret aura été inséré au Journal Officiel. L’action ne pourra être intentée qu’en raison de donations ou de legs et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe.

Article 10

(modifié ensuite par la loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

    Les attributions prévues par les articles précédents ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor.

Article 11

    Les ministres des cultes qui, lors de la promulgation de la présente loi, seront âgés de plus de soixante ans révolus et qui auront, pendant trente ans au moins, rempli des fonctions ecclésiastiques rémunérées par l’Etat, recevront une pension annuelle et viagère égale aux trois quarts de leur traitement.
    Ceux qui seront âgés de plus de quarante-cinq ans et qui auront, pendant vingt ans au moins, rempli des fonction ecclésiastiques rémunérées par l’Etat recevront une pension annuelle et viagère égale à la moitié de leur traitement.
    Les pensions allouées par les deux paragraphes précédents ne pourront pas dépasser 1500 francs (15 F).
    En cas de décès des titulaires, ces pensions sont réversibles. jusqu’à concurrence de la moitié de leur montant au profit de la veuve et des orphelins mineurs laissés par le défunt et, jusqu’à concurrence du quart, au profit de la veuve sans enfants mineurs. A la majorité des orphelins, leur pension s’éteindra de plein droit.
    Les ministres des cultes actuellement salariés par l’Etat, qui ne seront pas dans les conditions ci-dessus, recevront, pendant quatre ans à partir de la suppression du budget des cultes, une allocation égale à la totalité de leur traitement pour la première année, aux deux tiers pour la deuxième à la moitié pour la troisième, au tiers pour la quatrième.
    Toutefois, dans les communes de moins de 1000 habitants et pour les ministres des cultes qui continueront à y remplir leurs fonctions, la durée de chacune des quatre périodes ci-dessus indiquée sera doublée.
    Les départements et les communes pourront, sous les mêmes conditions que l’Etat, accorder aux ministres des cultes actuellement salariés, par eux, des pensions ou des allocations établies sur la même base et pour une égale durée.
    Réserve et faite des droits acquis en matière de pensions par application de la législation antérieure, ainsi que des secours accordés, soit aux anciens ministres des différents cultes, soit à leur famille.
    Les pensions prévues aux deux premiers paragraphes du présent article ne pourront se cumuler avec toute autre pension ou tout autre traitement alloué, à titre quelconque par l’Etat les départements ou les communes.
    La loi du 27 juin 1885, relative au personnel des facultés de théologie catholique supprimées est applicable aux professeurs, chargés de cours, maîtres de conférences et étudiants des facultés de théologie protestante.
    Les pensions et allocation prévues ci-dessus seront incessibles et insaisissables dans les mêmes conditions que les pensions civiles. Elles cesseront de plein droit en cas de condamnation à une peine afflictive ou infamante ou en cas de condamnation pour l’un des délits prévus aux articles 34 et 35 de la présente loi.
    Le droit à l’obtention ou a la jouissance d’une pension ou allocation sera suspendu par les circonstances qui font perdre la qualité de Français durant la privation de cette qualité.
    Les demandes de pension devront être, sous peine de forclusion, formées dans le délai d’un an après la promulgation de la présente loi.

Titre III : Des édifices des cultes.

Article 12

(modifié ensuite par la loi 98-546 du 2 Juillet 1998 art. 94 I – Journal Officiel du 3 juillet 1998)

    Les édifices qui ont été mis à la disposition de la nation et qui, en vertu de la loi du 18 germinal an X, servent à l’exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres (cathédrales, églises, chapelles, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), ainsi que leur dépendances immobilières, et les objets mobiliers qui les garnissaient au moment où lesdits édifices ont été remis aux cultes, sont et demeurent propriétés de l’Etat, des départements, des communes.
    Pour ces édifices, comme pour ceux postérieurs à la loi du 18 germinal an X, dont l’Etat, les départements et les communes seraient propriétaires, y compris les facultés de théologie protestante, il sera procédé conformément aux dispositions des articles suivants.

Article 13

(modifié ensuite par la loi 98-546 du 2 Juillet 1998 art. 94 II – Journal Officiel du 3 juillet 1998)

    Les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II.
    La cessation de cette jouissance, et, s’il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret, sauf recours au Conseil d’Etat statuant au contentieux :
1° Si l’association bénéficiaire est dissoute ;
2° Si, en dehors des cas de force majeure, le culte cesse d’être célébré pendant plus de six mois consécutifs ;
3° Si la conservation de l’édifice ou celle des objets mobiliers classés en vertu de la loi de 1887 et de l’article 16 de la présente loi est compromise par insuffisance d’entretien, et après mise en demeure dûment notifiée du conseil municipal ou, à son défaut du préfet ;
4° Si l’association cesse de remplir son objet ou si les édifices sont détournés de leur destination ;
5° Si elle ne satisfait pas soit aux obligations de l’article 6 ou du dernier paragraphe du présent article, soit aux prescriptions relatives aux monuments historiques.
    La désaffectation et ces immeubles pourra, dans les cas ci-dessus prévus être prononcée par décret rendu en Conseil d’Etat. En dehors de ces cas, elle ne pourra l’être que par une loi.
    Les immeubles autrefois affectés aux cultes et dans lesquels les cérémonies du culte n’auront pas été célébrées pendant le délai d’un an antérieurement à la présente loi, ainsi que ceux qui ne seront pas réclamés par une association cultuelle dans le délai de deux ans après sa promulgation, pourront être désaffectés par décret.
    Il en est de même pour les édifices dont la désaffectation aura été demandée antérieurement au 1er juin 1905.
    Les établissements publics du culte, puis les associations bénéficiaires, seront tenus des réparations de toute nature, ainsi que des frais d’assurance et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles les garnissant.

Article 14

(modifié ensuite par la loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

    Les archevêchés, évêchés, les presbytères et leurs dépendances, les grands séminaires et facultés de théologie protestante seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations prévues à l’article 13, savoir : les archevêchés, et évêchés pendant une période de deux années ; les presbytères dans les communes où résidera le ministre du culte, les grands séminaires et facultés de théologie protestante, pendant cinq années à partir de la promulgation de la présente loi.
    Les établissements et associations sont soumis, en ce qui concerne ces édifices, aux obligations prévues par le dernier paragraphe de l’article 13. Toutefois, ils ne seront pas tenus des grosses réparations.
    La cessation de la jouissance des établissements et associations sera prononcée dans les conditions et suivant les formes déterminées par l’article 13. Les dispositions des paragraphes 3 et 5 du même article sont applicables aux édifices visés par le paragraphe 1er du présent article.
    La distraction des parties superflues des presbytères laissés à la disposition des associations cultuelles pourra, pendant le délai prévu au paragraphe 1er, être prononcée pour un service public par décret rendu en Conseil d’Etat.
A l’expiration des délais de jouissance gratuite, la libre disposition des édifices sera rendue à l’Etat, aux départements ou aux communes.
    Les indemnités de logement incombant actuellement aux communes, à défaut de presbytère, par application de l’article 136 de la loi du 5 avril 1884, resteront à leur charge pendant le délai de cinq ans. Elles cesseront de plein droit en cas de dissolution de l’association.

Article 15

    Dans les départements de la Savoie, de la Haute-Savoie et des Alpes-Maritimes, la jouissance des édifices antérieurs à la loi du 18 germinal an X, servant à l’exercice des cultes ou au logement de leurs ministres, sera attribuée par les communes sur le territoire desquelles ils se trouvent, aux associations cultuelles, dans les conditions indiquées par les articles 12 et suivants de la présente loi. En dehors de ces obligations, les communes pourront disposer librement de la propriété de ces édifices.
    Dans ces mêmes départements, les cimetières resteront la propriété des communes.

Article 16

    Il sera procédé à un classement complémentaire des édifices servant à l’exercice public du culte (cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), dans lequel devront être compris tous ceux de ces édifices représentant, dans leur ensemble ou dans leurs parties, une valeur artistique ou historique.
    Les objets mobiliers ou les immeubles par destination mentionnés à l’article 13, qui n’auraient pas encore été inscrits sur la liste de classement dressée en vertu de la loi du 30 mars 1887, sont, par l’effet de la présente loi, ajoutés à ladite liste. Il sera procédé par le ministre compétent, dans le délai de trois ans, au classement définitif de ceux de ces objets dont la conservation présenterait, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt suffisant. A l’expiration de ce délai, les autres objets seront déclassés de plein droit.
    En outre, les immeubles et les objets mobiliers, attribués en vertu de la présente loi aux associations, pourront être classés dans les mêmes conditions que s’ils appartenaient à des établissements publics.
    Il n’est pas dérogé, pour le surplus, aux dispositions de la loi du 30 mars 1887.
    Les archives ecclésiastiques et bibliothèques existant dans les archevêchés, évêchés, grands séminaires, paroisses, succursales et leurs dépendances, seront inventoriées et celles qui seront reconnues propriété de l’Etat lui seront restituées.

Article 17

(modifié ensuite par la loi du 31 Décembre 1913 – Journal Officiel du 4 janvier 1914)

    Les immeubles par destination classés en vertu de la loi du 30 mars 1887 ou de la présente loi sont inaliénables et imprescriptibles.
    Dans le cas où la vente ou l’échange d’un objet classé serait autorisé par le ministre compétent, un droit de préemption est accordé : 1° aux associations cultuelles ; 2° aux communes ; 3° aux départements ; 4° aux musées et sociétés d’art et d’archéologie ; 5° à l’Etat. Le prix sera fixé par trois experts que désigneront le vendeur, l’acquéreur et le président du tribunal civil.
    Si aucun des acquéreurs visés ci-dessus ne fait usage du droit de préemption la vente sera libre ; mais il est interdit à l’acheteur d’un objet classé de le transporter hors de France.
    Nul travail de réparation, restauration ou entretien à faire aux monuments ou objets mobiliers classés ne peut être commencé sans l’autorisation du Ministre des Beaux-Arts, ni exécuté hors de la surveillance de son administration, sous peine, contre les propriétaires, occupants ou détenteurs qui auraient ordonné ces travaux, d’une amende de seize à quinze cents francs.
    Tout infraction aux dispositions ci-dessus ainsi qu’à celles de l’article 16 de la présente loi et des articles 4, 10, 11, 12 et 13 de la loi du 30 mars 1887 sera punie d’une amende de cent à dix mille francs et d’un emprisonnement de six jours à trois mois, ou de l’une de ces deux peines seulement.
    La visite des édifices et l’exposition des objets mobiliers classés seront publiques ; elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance.

Titre IV : Des associations pour l’exercice des cultes.

Article 18

    Les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi.

Article 19

(modifié ensuite par la loi 42-1114 du 25 Décembre 1942 – Journal Officiel du 2 janvier 1943 et par le Décret 66-388 du 13 Juin 1966 art. 8 – Journal Officiel du 17 juin 1966)

    Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte et être composés au moins :
    Dans les communes de moins de 1.000 habitants, de sept personnes ;
    Dans les communes de 1.000 à 20.000 habitants, de quinze personnes ;
    Dans les communes dont le nombre des habitants est supérieur à 20.000, de vingt-cinq personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse.
    Chacun de leurs membres pourra s’en retirer en tout temps, après payement des cotisations échues et de celles de l’année courante, nonobstant toute clause contraire.
    Nonobstant toute clause contraire des statuts, les actes de gestion financière et d’administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs seront, chaque année au moins présentés au contrôle de l’assemblée générale des membres de l’association et soumis à son approbation.
    Les associations pourront recevoir, en outre, des cotisations prévues par l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901, le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, percevoir des rétributions : pour les cérémonies et services religieux même par fondation ; pour la location des bancs et sièges ; pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration de ces édifices.
    Elles pourront verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d’autres associations constituées pour le même objet.
    Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux monuments classés.

Article 20

    Ces associations peuvent, dans les formes déterminées par l’article 7 du décret du 16 août 1901, constituer des unions ayant une administration ou une direction centrale ; ces unions seront réglées par l’article 18 et par les cinq derniers paragraphes de l’article 19 de la présente loi.

Article 21

    Les associations et les unions tiennent un état de leurs recettes et de leurs dépenses ; elles dressent chaque année le compte financier de l’année écoulée et l’état inventorié de leurs biens, meubles et immeubles.
    Le contrôle financier est exercé sur les associations et sur les unions par l’administration de l’enregistrement et par l’inspection générale des finances.

Article 22

    Les associations et unions peuvent employer leurs ressources disponibles à la constitution d’un fonds de réserve suffisant pour assurer les frais et l’entretien du culte et ne pouvant, en aucun cas, recevoir une autre destination : le montant de cette réserve ne pourra jamais dépasser une somme égale, pour les unions et associations ayant plus de cinq mille francs (5.000 fr) de revenu, à trois fois et, pour les autres associations, à six fois la moyenne annuelle des sommes dépensées par chacune d’entre elles pour les frais du culte pendant les cinq derniers exercices.
    Indépendamment de cette réserve, qui devra être placée en valeurs nominatives, elles pourront constituer une réserve spéciale dont les fonds devront êtres déposés, en argent ou en titres nominatifs, à la Caisse des dépôts et consignations pour y être exclusivement affectés, y compris les intérêts, à l’achat, à la construction, à la décoration ou à la réparation d’immeubles ou meubles destinés aux besoins de l’association ou de l’union.

Article 23

    Seront punis d’une amende de seize francs à deux cents francs et, en cas de récidive, d’une amende double, les directeurs ou administrateurs d’une association ou d’une union qui auront contrevenu aux articles 18, 19, 20, 21 et 22.
    Les tribunaux pourront, dans le cas d’infraction au paragraphe 1er de l’article 22, condamner l’association ou l’union à verser l’excédent constaté aux établissements communaux d’assistance ou de bienfaisance.
    Ils pourront, en outre, dans tous les cas prévus au paragraphe 1er du présent article, prononcer la dissolution de l’association ou de l’union.

Article 24

    Les édifices affectés à l’exercice du culte appartenant à l’Etat, aux départements ou aux communes continueront à être exemptés de l’impôt foncier et de l’impôt des portes et fenêtres.
    Les édifices servant au logement des ministres des cultes, les séminaires, les facultés de théologie protestante qui appartiennent à l’Etat, aux départements ou aux communes, les biens qui sont la propriété des associations et unions sont soumis aux mêmes impôts que ceux des particuliers.
    Toutefois, les édifices affectés à l’exercice du culte qui ont été attribués aux associations ou unions en vertu des dispositions de l’article 4 de la présente loi sont, au même titre que ceux qui, appartiennent à l’Etat, aux départements et aux communes, exonérés de l’impôt foncier et de l’impôt des portes et fenêtres.
    Les associations et unions ne sont en aucun cas assujetties à la taxe d’abonnement ni à celle imposée aux cercles par article 33 de la loi du 8 août 1890, pas plus qu’à l’impôt de 4 % sur le revenu établi par les lois du 28 décembre 1880 et 29 décembre 1884.

Titre V : Police des cultes.

Article 25

    Les réunions pour la célébration d’une culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités de l’article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l’intérêt de l’ordre public.

 

Article 26

    Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte.

Article 27

    Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte, sont réglées en conformité de l’article 97 du Code de l’administration communale.
    Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l’association cultuelle, par arrêté préfectoral.
    Le règlement d’administration publique prévu par l’article 43 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels le sonneries civiles pourront avoir lieu.

Article 28

    Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions.

Article 29

    Les contraventions aux articles précédents sont punies des peines de police.
    Sont passibles de ces peines, dans le cas des articles 25, 26 et 27, ceux qui ont organisé la réunion ou manifestation, ceux qui y ont participé en qualité de ministres du culte et, dans le cas des articles 25 et 26, ceux qui ont fourni le local.

Article 30

(abrogé ensuite par l’Ordonnance 2000-549 du 15 Juin 2000 art. 7 – Journal Officiel du 22 juin 2000)

    Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi du 28 mars 1882, l’enseignement religieux ne peut être donné aux enfants âgés de six à treize ans, inscrits dans les écoles publiques, qu’en dehors des heures de classe.
    Il sera fait application aux ministres des cultes qui enfreindraient ces prescriptions des dispositions de l’article 14 de la loi précitée.

Article 31

    Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte.

Article 32

    Seront punis des mêmes peines ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d’un culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices.

Article 33

    Les dispositions des deux articles précédents ne s’appliquent qu’aux troubles, outrages ou voies de fait, dont la nature ou les circonstances ne donneront pas lieu à de plus fortes peines d’après les dispositions du Code pénal.

Article 34

    Tout ministre d’un culte qui, dans les lieux où s’exerce ce culte, aura publiquement par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé d’un service public, sera puni d’une amende de 500 francs à trois mille francs et d’un emprisonnement de un mois à un an, ou de l’une de ces deux peines seulement.
    La vérité du fait diffamatoire, mais seulement s’il est relatif aux fonctions, pourra être établi devant le tribunal correctionnel dans les formes prévues par l’article 52 de la loi du 29 juillet 1881. Les prescriptions édictées par l’article 65 de la même loi s’appliquent aux délits du présent article et de l’article qui suit.

Article 35

    Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile.

Article 36

    Dans le cas de condamnation par les tribunaux de police ou de police correctionnelle en application des articles 25 et 26, 34 et 35, l’association constituée pour l’exercice du culte dans l’immeuble où l’infraction a été commise sera civilement responsable.

Titre VI : Dispositions générales.

Article 37

    L’article 463 du Code pénal et la loi du 26 mars 1891 sont applicables à tous les cas dans lesquels la présente loi édicte des pénalités.

Article 38

    Les congrégations religieuses demeurent soumises aux lois des 1er juillet 1901, 4 décembre 1902 et 7 juillet 1904.

Article 39

    Les jeunes gens, qui ont obtenu à titre d’élèves ecclésiastiques la dispense prévue par l’article 23 de la loi du 15 juillet 1889, continueront à en bénéficier conformément à l’article 99 de la loi du 21 mars 1905, à la condition qu’à l’âge de vingt-six ans ils soient pourvus d’un emploi de ministre du culte rétribué par une association cultuelle et sous réserve des justifications qui seront fixées par un règlement d’administration publique.

Article 40

    Pendant huit années à partir de la promulgation de la présente loi, les ministres du culte seront inéligibles au conseil municipal dans les communes où ils exerceront leur ministère ecclésiastique.

Article 41

(abrogé ensuite par le Décret-loi du 4 Avril 1934 – Journal Officiel du 5 avril 1934 en vigueur le 1er janvier 1935)

    Les sommes rendues disponibles chaque année par la suppression du budget des cultes seront réparties entre les communes au prorata du contingent de la contribution foncière des propriétés non bâties qui leur aura été assigné pendant l’excercice qui précèdera la promulgation de la présente loi.

Article 42

(abrogé ensuite par la loi 73-4 du 2 Janvier 1973 art. 2 – Journal Officiel du 3 janvier 1973)

    Les dispositions légales relatives aux jours actuellement feriés sont maintenues.

Article 43

    Un règlement d’administration publique rendu dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente loi déterminera les mesures propres à assurer son application.
    Des règlements d’administration publique détermineront les conditions dans lesquelles la présente loi sera applicable en Algérie et aux colonies.

Article 44

    Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions relatives à l’organisation publique des cultes antérieurement reconnus par l’Etat, ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi et notamment :
1° La loi du 18 germinal an X, portant que la convention passée le 26 messidor an IX entre le pape et le Gouvernement français, ensemble les articles organiques de ladite convention et des cultes protestants, seront exécutés comme des lois de la République ;
2° Le décret du 26 mars 1852 et la loi du 1er août 1879 sur les cultes protestants ;
3° Les décrets du 17 mars 1808, la loi du 8 février 1831 et l’ordonnance du 25 mai 1844 sur le culte israélite ;
4° Les décrets des 22 décembre 1812 et 19 mars 1859 ;
5° Les articles 201 à 208, 260 à 264, 294 du Code pénal ;
6° Les articles 100 et 101, les paragraphes 11 et 12, de l’article 136 et l’article 167 de la loi du 5 avril 1884 ;
7° Le décret du 30 décembre 1809 et l’article 78 de la loi du 26 janvier 1892.

 

Le Président de la République,
Emile LOUBET
Le président du conseil, ministre des affaires étrangères,
ROUVIER
Le ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes,
Bienvenu MARTIN
Le ministre de l’intérieur,
F. DUBIEF
Le ministre des finances,
P. MERLOU
Le ministre des colonies,
CLEMENTEL.

Ferdinand Buisson – Définition de la laïcité – 1911

Tuesday, October 30th, 2007

 

Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire

Définition du terme : LAICITÉ.

Ce mot est nouveau, et, quoique correctement formé, il n’est pas encore d’un usage général. Cependant le néologisme est nécessaire, aucun autre terme ne permettant d’exprimer sans périphrase la même idée dans son ampleur.

La laïcité de l’école à tous les degrés n’est autre chose que l’application à l’école du régime qui a prévalu dans toutes nos institutions sociales. Nous sommes partis comme la plupart des peuples, d’un état de choses qui consistait essentiellement dans la confusion de tous les pouvoirs et de tous les domaines, dans la subordination de toutes les autorités à une autorité unique, celle de la religion. Ce n’est que par le lent travail des siècles que peu à peu les diverses fonctions de la vie publique se sont distinguées, séparées les unes des autres et affranchies de la tutelle étroite de l’Eglise. La force des choses a de très bonne heure amené la sécularisation de l’armée, puis celle des fonctions administratives et civiles, puis celle de la justice. Toute société qui ne veut pas rester à l’état de théocratie pure est bientôt obligée de constituer comme forces distinctes de l’Eglise, sinon indépendantes et souveraines, les trois pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire.

Mais la sécularisation n’est pas complète quand sur chacun de ces pouvoirs et sur tout l’ensemble de la vie publique et privée le clergé conserve un droit d’immixtion, de surveillance, de contrôle et de veto. Telle était précisément la situation de notre société jusqu’à la Déclaration universelle des droits de l’homme. La Révolution française fit apparaître pour la première fois dans sa netteté entière l’idée de l’Etat laïque, de l’Etat neutre entre tous les cultes, indépendant de tous les clergés, dégagé de toute conception théologique. L’égalité de tous les Français devant la loi, la liberté de tous les citoyens, la constitution de l’état civil et du mariage civil, et en général l’exercice de tous les droits civils désormais assuré en dehors de toute condition religieuse, telles furent les mesures décisives qui consommèrent l’oeuvre de sécularisation. Malgré les réactions, malgré tant de retours directs ou indirects à l’ancien régime, malgré près d’un siècle d’oscillations et d’hésitations politiques, le principe a survécu : la grande idée, la notion fondamentale de l’Etat laïque, c’est à dire la délimitation profonde entre le temporel et le spirituel, est entrée dans nos moeurs de manière à ne plus en sortir. Les inconséquences dans la pratique, les concessions de détail, les hypocrisies masquées sous le nom de respect des traditions, rien n’a pu empêcher la société française de devenir, à tout prendre, la plus laïque, la plus séculière de l’Europe.

Un seul domaine avait échappé jusqu’à ces dernières années à cette transformation : c’était l’instruction publique, ou plus exactement l’instruction primaire, car l’enseignement supérieur n’était plus tenu depuis longtemps à aucune sujétion, et quant à l’enseignement secondaire, il n’y était plus astreint que pour ses élèves internes, c’est à dire en tant que l’Etat se substituant aux familles est tenu d’assurer eaux enfants, dans les murs des collèges où ils sont enfermés, les moyens d’instruction religieuse qu’ils ne peuvent aller rechercher au dehors. L’enseignement primaire public, au contraire, restait essentiellement confessionnel : non seulement l’école devait donner un enseignement dogmatique formel, mais encore, et par une conséquence facile à prévoir, tout dans l’école, maîtres et élèves, programmes et méthodes, livres, règlements, était placé sous l’inspection ou sous la direction des autorités religieuses.

L’histoire même de notre enseignement primaire expliquait ce régime.

Par des motifs divers, tous les gouvernements qui se sont succédé chez nous depuis le Consulat avaient répudié les projets de la Convention et mis tous leurs soins à reconstituer et à maintenir le système ancien de l’école confessionnelle. Un système qui a pour lui une existence de plusieurs siècles, tout un ensemble d’écoles formées et de maîtres en possession d’état, qui a de plus l’approbation du clergé, celle de tous les partis sauf un seul, et qui a enfin en sa faveur des considérations économiques toujours puissantes même auprès des municipalités théoriquement opposées à l’enseignement clérical, ce système ne pouvait être abandonné. Et pour qu’un gouvernement résolût d’y substituer hardiment le régime de la laïcité, il fallait que d’une part l’opinion publique fût revenue aux traditions de 1789 et 1792 et vit d’une vue bien claire la nécessité d’accomplir dans l’instruction publique la même révolution que dans tout le reste de nos institutions, et il fallait d’autre part que le gouvernement fût en mesure de lever les nombreux obstacles préalables qui empêchaient de songer à cette transformation, c’est à dire qu’il fût maître de l’enseignement public, qu’il en tint le budget dans sa main, qu’il l’eût rendu gratuit et obligatoire, qu’il l’eut dégagé de la tutelle des communes et de celle des bienfaiteurs de toute sorte qui, sous prétexte de le doter plus ou moins richement, se réservaient le droit de le faire diriger à leur gré.

C’est à une date très récente encore que ces diverses conditions se sont trouvées remplies et que la loi française a pu établir la laïcité de l’école primaire. On sait après quels débats acharnés et au prix de quels efforts persévérants la loi du 28 mars 1882 a pu être promulguée.

Quelques pays nous avaient précédé dans cette voie.

Dès le commencement du siècle, la Hollande avait adopté le principe de l’école neutre : la loi de 1806 excluait de l’école l’enseignement religieux dogmatique et stipulait que cet enseignement ne pourrait être donné qu’en dehors des heures de classe, par les membres des différentes confessions. La loi de 1857 disait : « L’instruction religieuse est abandonnée aux communions religieuses. Les locaux scolaires pourront, en dehors des heures de classe, être mis à leur disposition pour les élèves qui fréquentent l’école. » Les lois du 17 août 1879 et 3 et 5 juin 1905 ont maintenu cette disposition.

En Autriche, le loi du 14 mai 1869, tout en plaçant la religion au nombre des branches obligatoires d’enseignement à l’école primaire, dit que l’enseignement religieux doit être donné par les ministres des différents cultes. Toutefois dans les localités où il n’y a pas d’ecclésiastiques, l’instituteur peut être autorisé à donner des leçons de religion aux enfants de sa confession.

En Suisse, la constitution fédérale de 1874 porte (article 27) : « Les écoles publiques doivent pouvoir être fréquentées par les adhérents de toutes les confessions sans qu’ils aient à souffrir d’aucune façon dans leur liberté de conscience et de croyance ». Cette disposition n’institue pas d’une manière formelle la laïcité de l’école primaire ; aussi, dans presque tous les cantons, l’école est-elle restée confessionnelle ; l’enfant appartenant à un culte autre que celui que professe la majorité des élèves est simplement dispensé d’assister aux leçons de religion. Quelques cantons ont toutefois introduit chez eux la laïcité du personnel enseignant, c’est à dire que les personnes appartenant à des ordres religieux ne peuvent enseigner dans les écoles publiques.

Aux Etats-Unis, l’école publique donne généralement un enseignement religieux non dogmatique, sous la forme de lecture de passages de la Bible ; mais un certain nombre de villes ont établi la neutralité absolue de l’école, c’est à dire ont supprimé la prière et la lecture de la Bible.

En Italie, la loi du 15 juillet 1877 a rayé le catéchisme et l’histoire sainte du nombre des matières obligatoires. Quelques communes ont profité de cette disposition pour donner à leurs écoles primaires un caractère de neutralité ; mais le plus grand nombre ont maintenu comme par le passé, l’enseignement religieux, devenu facultatif aux termes de la loi, mais suivi en fait par l’unanimité des élève.

La législation française est la seule qui ait établi le régime de la laïcité d’une logique et complète : laïcité de l’enseignement, laïcité du personnel enseignant.

Que faut-il entendre par laïcité de l’enseignement ? Nous estimons qu’il faut prendre ces mots dans le sens qui se présente le premier à l’esprit, c’est à dire dans leur acception la plus correcte et la plus simple : l’enseignement primaire est laïque, en ce qu’il ne se confond plus avec l’enseignement religieux. L’école, de confessionnelle qu’elle était, est devenue laïque, c’est à dire étrangère à toute église ; elle n’est plus seulement « mixte quant au culte », situation qui pendant longtemps a marqué pour ainsi dire, la transition entre les deux régimes : elle est « neutre quant au culte ». Les élèves de toutes les communions y sont indistinctement admis, mais les représentants d’aucune communion n’y ont plus d’autorité, n’y ont plus accès. C’est la séparation, si longtemps demandée en vain, de l’Eglise et de l’école. L’instituteur à l’école, le curé à l’église, le maire à la mairie. Nul ne peut se dire proscrit du domaine où il n’a pas entrée : c’est le fait même de la distinction des attributions qui n’a rien de blessant pour personne ni de préjudiciable pour aucun service.

Réduit à ces termes, le problème de la laïcité ne peut donner lieu ni à de bien vives discussions, ni à des difficultés sérieuses, quelques efforts qu’on tente pour les faire naître. Mais est-il possible de se tenir à ces lignes générales ? Le culte de la logique, que nous professons plus peut être qu’un autre peuple, n’exige-t-il pas que nous disions où commence et où finit la laïcité ? Suffit-il que le prêtre n’entre pas dans l’école, que le catéchisme n’y soit pas enseigné ni les prières récitées, pour que l’enseignement lui-même soit laïque ? Si l’instituteur lui-même a des convictions religieuses, comment ne les communiquera-t-il pas à ses élèves ? S’il n’en a pas ou s’il les dissimule, sera-t-il vraiment à la hauteur de se mission éducatrice ? Ainsi envisagé, le problème s’élève et s’étend, la question législative et administrative fait place à la question philosophique et pédagogique. Essayons sinon de la résoudre, du moins d’indiquer en quel sens la solution nous semble devoir être cherchée.

Si par laïcité de l’enseignement primaire, il fallait entendre la réduction de cet enseignement à l’étude de la lecture et de l’écriture, de l’orthographe et de l’arithmétique, à des leçons de choses et à des leçons de mots, toute allusion aux idées morales, philosophiques et religieuses étant interdite comme une infraction à la stricte neutralité, nous n’hésitons à dire que c’en serait fait de notre enseignement national. Ce serait ramener l’instituteur au rôle presque machinal de l’ancien magister dont les deux attributs distinctifs étaient la férule et la plume d’oie, l’une résumant toute sa méthode et l’autre tout son art. Si l’instituteur ne doit pas être un éducateur, quelques titres qu’on lui donne, quelque position qu’on lui assure, quelque savoir qu’il possède, sa mission est amoindrie et tronquée au point de n’être plus digne du respect qui l’entoure aujourd’hui. L’enfant du peuple a besoin d’autre chose que de l’apprentissage technique de l’alphabet et de la table de Pythagore ; il a besoin, comme on l’a si heureusement dit, d’une éducation libérale, et c’est la dignité de l’instituteur et la noblesse de l’école de donner cette éducation sans sortir des cadres modestes de l’enseignement populaire. Or qui peut prétendre qu’il y ait une éducation sans un ensemble d’influences morales, sans une certaine culture générale de l’âme, sans quelques notions sur l’homme lui-même, sur ses devoirs et sur sa destinée? Il faut donc que l’instituteur puisse être un maître de morale en même temps qu’un maître de langue ou de calcul, pour que son oeuvre soit complète. Il faut qu’il continue à avoir charge d’âmes et à en être profondément pénétré. Il faut qu’il ait le droit et le devoir de parler autant au coeur qu’à l’esprit, de surveiller dans chaque enfant l’éducation de la conscience au moins à l’égal de toute autre partie de son enseignement. Et un tel rôle est incompatible avec l’affectation de la neutralité, ou de l’indifférence, ou du mutisme obligatoire sur toutes les questions d’ordre moral, philosophique et religieux. « Il y a bien deux espèces de neutralité de l’école, disait très bien le ministre de l’instruction publique au cours de la discussion de la loi de 1882 : il y a la neutralité confessionnelle et la neutralité philosophique. Et il ne s’agit dans cette loi que de le neutralité philosophique. Et il ne s’agit dans cette loi que de la neutralité confessionnelle ». L’instituteur se doit, doit à ses élèves et doit à l’Etat de ne prendre parti dans l’exercice de ses fonctions ni pour ni contre aucun culte, aucune église, aucune doctrine religieuse, ce domaine étant et devant rester le domaine sacré de la conscience. Mais on pousserait le système à l’absurde si l’on prétendait demander au maître de ne pas prendre parti entre le bien et le mal, entre la morale du devoir et la morale du plaisir, entre le patriotisme et l’égoïsme, si on lui interdisait de faire appel aux sentiments généreux, aux émotions nobles, à toutes ces grandes et hautes idées morales que l’humanité se transmet sous des noms divers depuis quelques mille ans comme le patrimoine de la civilisation et du progrès. Et le ministre a eu raison, aussi longtemps qu’a duré la discussion de cette loi, et malgré tous les efforts de ses adversaires, de s’obstiner à les ramener toujours de la spéculation et de la logique à outrance aux faits et aux considérations pratiques ; il avait pour lui le bon sens et l’expérience quand il soutenait qu’en somme l’enseignement de la morale n’est ni une impossibilité, ni une contradiction avec le caractère neutre de l’école. – Mais quelle morale ? ne cessait-on de lui demander. Et il ne cessait de répondre : « Mais tout simplement la bonne vieille morale de nos pères, la nôtre, la vôtre, car nous n’en avons qu’une. Nous avons plusieurs théories,mais dans la pratique c’est la même morale que nous avons reçue de nos parents et que nous transmettons à nos enfants. Oui, ajoutait-il en terminant, quoique vous fassiez pour obscurcir cette notion, oui, la société laïque peut donner un enseignement moral, oui les instituteurs peuvent enseigner la morale sans se livrer aux recherches métaphysiques. Ce n’est pas le principe de la chose qu’ils enseigneront, c’est la chose elle-même, c’est la bonne, la vieille, l’antique morale humaine ».

La laïcité de l’école n’exclut donc pas l’éducation morale, elle lui donne au contraire un rôle et une portée qu’elle n’avait jamais eus auparavant. Aussi les nouveaux programmes ont-ils fait une place à part à cet enseignement laïque de la morale, en lui imprimant un caractère distinct de tous les autres enseignements.

« Tandis que les autres études, dit l’instruction du 27 juillet 1882, développent chacune un ordre spécial d’aptitudes et de connaissances utiles, celle-ci tant à développer dans l’homme l’homme lui-même, c’est à dire un coeur, une intelligence, une conscience. Cette élaboration n’a pas pour but de faire savoir, mais de faire vouloir ; elle émeut plus qu’elle ne démontre ; devant agir sur l’être sensible, elle procède plus du coeur que du raisonnement ; elle n’entreprend pas d’analyser toutes les raisons de l’acte moral, elle cherche avant tout à le produire, à le répéter, à en faire une habitude qui gouverne la vie. A l’école primaire surtout, ce n’est pas une science, c’est un art, l’art d’incliner la volonté vers le bien.

« L’instituteur est chargé de cette partie de l’éducation, en même temps que des autres, comme représentant de la société : la société laïque et démocratique a en effet l’intérêt le plus direct à ce que tous ses membres soient initiés de bonne heure et par des leçons ineffaçables au sentiment de leur dignité et à un sentiment non moins profond de leur devoir et de leur responsabilité personnelle….

« Sa mission est don bien définie : elle consiste à fortifier, à enraciner dans l’âme de ses élèves pour toute leur vie, en les faisant passer dans la pratique quotidienne, ces notions essentielles de moralité humaine, communes à toutes les doctrines et nécessaires à tous les hommes civilisés. Il peut remplir cette mission sans avoir à faire personnellement ni adhésion, ni opposition à aucune des diverses croyances confessionnelles auxquelles ses élèves associent et mêlent les principes généraux de la morale. Il prend ces enfants tels qu’ils lui viennent, avec leurs idées et leur langage, avec les croyances qu’ils tiennent de la famille, et il n’a d’autre souci que de leur apprendre à en tirer ce qu’elles contiennent de plus précieux au point de vue social, c’est à dire les préceptes d’une haute moralité… Plus tard, devenus citoyens, ils seront peut-être séparés par des opinions dogmatiques, mais du moins ils seront d’accord dans la pratique pour placer le but de la vie aussi haut que possible, pour avoir la même horreur de tout ce qui est bas et vil, la même admiration de ce qui est noble et généreux, la même délicatesse dans l’appréciation du devoir. »

Quant à la laïcité du personnel enseignant, elle fut posée dans le principe par la loi du 30 octobre 1886, qui dit, à l’article 17 : «Dans les écoles publiques de tout ordre, l’enseignement est exclusivement confié à un personnel laïque». Mais la transition fut ménagée par les dispositions de l’article suivant. Ce fut seulement dans les départements où une école normale soit d’instituteurs, soit d’institutrices, aurait fonctionné depuis quatre ans, qu’il ne serait fait aucune nomination nouvelle soit d’instituteur, soit d’institutrice congréganiste. Pour les écoles de garçons, la loi fixa un délai à l’expiration duquel la substitution du personnel laïque au personnel congréganiste devait être achevée : la laïcisation devait être complète dans un laps de temps de cinq ans après la promulgation de la loi. Pour les écoles de filles, comme la difficulté à se procurer un personnel laïque féminin était plus grande, aucun délais ne fut imparti par la loi de 1886 ; mais, seize ans plus tard, l’article 70 de la loi de finances du 30 mars 1902 combla cette lacune en ces termes : « dans les écoles primaires publiques de tout ordre ayant un personnel congréganiste, la substitution du personnel laïque au personnel congréganiste devra être complète dans le laps de trois ans à partir du 1er janvier 1903. Toutefois ce délai pourra être porté à dix ans à compter de la même date pour les communes où la laïcisation rendra nécessaire l’acquisition ou la construction d’une maison d’école. »

En 1901, ce ne fut plus dans l’école publique seulement, mais dans l’école privée, qu’une partie du personnel congréganiste se vit refuser le droit d’enseigner : l’article 14 de la loi du 1er juillet 1901 interdit l’enseignement aux membres des congrégations non autorisées. La loi du 7 juillet 1904 alla plus loin et acheva la suppression totale de l’enseignement congréganiste : elle déclara, dans son article 1er, que « l’enseignement de tout ordre et de toute nature est interdit en France aux congrégations », et que « les congrégations exclusivement enseignantes seront supprimées dans un délai maximum de dix ans ».

Jean Jaurès – Les libertés du personnel enseignant – AN 21 juin 1894

Tuesday, October 30th, 2007

Je n’entend pas non plus suivre notre éminent et illustre contradicteur dans les considérations générales, très élevées, de pédagogie et de morale, de biologie et de sociologie qu’il a développées, et certes ce n’est pas moi qui aurais la tentation, qui aurais le droit de reprocher à un orateur de donner une formule philosophique aux questions qui se débattent dans une enceinte. Je désire tout d’abord, avant de poser quelques questions très précises à M. le ministre de l’Instruction publique, retenir des observations de l’honorable M. Lannelongue ce qui a trait immédiatement à l’interpellation qui se développe en ce moment. Je l’avoue, parmi les idées émises par notre collègue, il en est qui m’ont profondément surpris dans sa bouche parce qu’elles me paraissent absolument contradictoires avec la conception de l’enseignement laïque, rationnel et républicain, tel qu’il a été élaboré depuis près de quinze ans par les hommes qui se sont succédé dans les Chambres.

[…] Pour les instituteurs du peuple, la neutralité obligatoire, le silence obligatoire, pas d’opinion politique, pas d’expression publique de l’opinion politique, pas de liberté pour eux : la consigne et rien que la consigne. Pour les professeurs de l’enseignement secondaire, une sorte de liberté tempérée et mitigée, et pour cette haute aristocratie de l’enseignement supérieur …une liberté absolue. En bas à l’usage du peuple, à l’usage de ceux qui travaillent tous les jours, une sorte d’automatisme, de mécanisme réglé par le préfet dans chaque chef lieu de département. Au milieu, dans l’enseignement secondaire, une sorte d’organisation mixte, qui n’est ni le mécanisme, ni la liberté. Et en haut, pour l’élite des classes dirigeantes, ce nouveau privilège : la liberté de penser ! Voilà ce que pour notre part, nous n’admettons pas, et en ne l’acceptant pas, ne le repoussant, en le répudiant, c’est nous – personne ne pourra le contester – qui restons dans l’esprit de la Révolution française. La Révolution française, par ces trois mots d’enseignement primaire, d’enseignement secondaire et d’enseignement supérieur, indiquait une série, mais non pas une hiérarchie. C’était d’un bout à l’autre, depuis l’école de hameau jusqu’à l’institut central, jusqu’aux immenses laboratoires d’où sortent les découvertes nouvelles, un même enseignement qui devait conduire par degrés tous les esprits de l’éducation élémentaire à la part d’éducation supérieure qui peut revenir à chaque citoyen. Voilà quel était le programme d’enseignement, la conception de la Révolution française ; c’était un tout solidaire dont les trois ordres d’enseignement sont des parties liées, mais non pas cette sorte de superposition de liberté en haut et de servitude ou de domestication en bas. Une autre idée m’a surpris, j’ose dire troublé, dans le discours de mon éminent collègue. Il a dit – j’examinerai dans un instant le sens de la portée de ses paroles – il a dit : « A l’école, pour les instituteurs, pour l’enseignement primaire, il faut la neutralité politique absolue ». […] Précisément – et je prie ceux qui en douteraient de l’exactitude de mes paroles de se reporter aux débats officiels – au Sénat, on demandait à M. Jules Ferry si la neutralité existait dans l’école, et M. Jules Ferry répondait à M. Buffet ces paroles qui sont restées dans mon esprit : «la neutralité religieuse, oui ; mais pas la neutralité politique. L’école de la République doit enseigner la République».

En fait, à moins que nous ne cherchiez à déserter l’esprit laïque et républicain, que sont donc les programmes de l’enseignement dans nos écoles primaires ? Sont-ce des programmes d’effacement, d’abdication, de neutralité dégradée, humiliée ? Non, c’est l’affirmation du droit politique de tous les hommes sous la forme de la République ; c’est l’affirmation du droit égal pour toutes les consciences de résoudre par la seule raison tous les problèmes de l’univers…

Jules Ferry – Lettre aux instituteurs – 17 novembre 1883

Tuesday, October 30th, 2007

 Monsieur l’instituteur,

    Des diverses obligations que le régime nouveau vous impose, celle, assurément, qui vous tient le plus à coeur, celle qui vous apporte le plus lourd surcroît de travail et de souci, c’est la mission qui vous est confiée de donner à vos élèves l’éducation morale et l’instruction civique ; vous me saurez gré de répondre à vos préoccupations en essayant de bien fixer le caractère et l’objet de ce nouvel enseignement.

    La loi du 28 mars se caractérise par deux dispositions qui se complètent sans se contredire : d’une part, elle met en dehors du programme obligatoire l’enseignement de tout dogme particulier ; d’autre part, elle y place au premier rang l’enseignement moral et civique. L’instruction religieuse appartient aux familles et à l’Eglise, l’instruction morale à l’Ecole.

    Le législateur n’a donc pas entendu faire une oeuvre purement négative. Sans doute, il a eu pour premier objet de séparer l’Ecole de l’Eglise, d’assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances qui sont communes et indispensables à tous, de l’aveu de tous. Mais il y a autre chose dans la loi du 28 mars : elle affirme la volonté de fonder chez nous une éducation nationale et de la fonder sur des notions du devoir et du droit, que le législateur n’hésite pas à inscrire au nombre des premières vérités que nul ne peut ignorer. Pour cette partie capitale de l’éducation, c’est sur vous, Monsieur, que les Pouvoirs Publics ont compté. En vous dispensant de l’enseignement religieux, on n’a pas songé à vous décharger de l’enseignement moral : ç’eut été vous enlever ce qui fait la dignité de votre profession. Au contraire, il a paru tout naturel que l’instituteur, en même temps qu’il apprend aux enfants à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale, qui ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage et du calcul.

    En vous conférant de telles fonctions, le Parlement s’est-il trompé ? A-t-il trop présumé de vos forces, de votre bon vouloir, de votre compétence ? Assurément, il eût encouru ce reproche s’il avait imaginé de charger tout à coup quatre-vingt mille instituteurs et institutrices d’une sorte de cours ex professo sur les principes, les origines et les fins dernières de la morale.

    Les uns vous disent : «Votre tâche d’éducateur est impossible à remplir.» Les autres : “Elle est banale et insignifiante.” C’est placer le but ou trop haut ou trop bas. Laissez-moi vous expliquer que la tâche n’est ni au-dessus de vos forces, ni au-dessous de votre estime, et pourtant d’une grande importance, extrêmement simple, mais extrêmement difficile.

    J’ai dit que votre rôle en matière d’éducation morale est très limité. Vous n’avez à enseigner, à proprement parler, rien de nouveau, rien qui ne vous soit familier, comme à tous les honnêtes gens. Et quand on vous parle de mission et d’apostolat vous n’avez pas à vous y méprendre. Vous n’êtes point l’apôtre d’un nouvel évangile ; le législateur n’a pas voulu faire de vous ni un philosophe, ni un théologien improvisé. Il ne vous demande rien qu’on ne puisse demander à tout homme de coeur et de sens. Il est impossible que vous voyiez chaque jour tous les enfants, qui se pressent autour de vous, écoutant vos leçons, observant votre conduite, s’inspirant de vos exemples, à l’âge où l’esprit s’éveille, où le coeur s’ouvre, où la mémoire s’enrichit, sans que l’idée vous vienne aussitôt de profiter de cette docilité, de cette confiance, pour leur transmettre, avec les connaissances scolaires proprement dites, les principes mêmes de la morale, j’entends simplement de cette bonne et antique morale que nous avons reçue de nos pères et que nous nous honorons tous de suivre dans les relations de la vie, sans nous mettre en peine d’en discuter les bases philosophiques. Vous êtes l’auxiliaire et, à certains égards, le suppléant du père de famille ; parlez donc à son enfant comme vous voudriez que l’on parlât au vôtre : avec force et autorité, toutes les fois qu’il s’agit d’une vérité incontestée, d’un précepte de la morale commune, avec la plus grande réserve, dès que vous risquez d’effleurer un sentiment religieux. Vous étiez embarrassé pour savoir jusqu’où il vous est d’aller dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pourrez vous en tenir. Au moment de proposer à vos élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s’il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait, de bonne foi, refuser son assentiment à ce qu’il entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment ; car ce que vous allez communiquer à l’enfant, ce n’est pas que votre sagesse, c’est la sagesse du genre humain, c’est une de ces idées d’ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l’humanité. Si étroit que vous semble peut-être un cercle d’action ainsi tracé, faites-vous un devoir d’honneur de n’en jamais sortir. Restez en-deçà de cette limite plutôt que de vous exposer à la franchir ; vous ne toucherez jamais avec trop de scrupule à cette chose délicate et sacrée qu’est la conscience de l’enfant. Mais une fois que vous vous êtes ainsi loyalement enfermé dans l’humaine et sûre région de la morale usuelle, que vous demande-t-on ? Des discours ? des dissertations savantes ? de brillants exposés ? un docte enseignement ? Non, la famille et la société vous demandent de les aider à bien élever leurs enfants, à en faire des honnêtes gens. C’est dire qu’elles attendent de vous non des paroles, mais des actes, non pas un enseignement de plus à inscrire au programme, mais un service tout pratique que vous pouvez rendre au pays plutôt comme homme que comme professeur.

    Il ne s’agit plus là d’une série de vérités à démontrer, mais, ce qui est tout autrement laborieux, d’une longue suite d’influences morales à exercer sur de jeunes êtres à force de patience, de fermeté, de douceur, d’élévation dans le caractère et de puissance persuasive. On a compté sur vous pour leur apprendre à bien vivre, par la manière même dont vous vivez avec eux et devant eux. On a osé prétendre pour vous que, d’ici à quelques générations, les habitudes et les idées des populations au milieu desquelles vous aurez exercé attestent les bons effets de vos leçons de morale.    Ce sera dans l’Histoire un honneur particulier pour notre corps enseignant d’avoir mérité d’inspirer aux chambres françaises cette opinion qu’il y a dans chaque instituteur, dans chaque institutrice, un auxiliaire naturel du progrès moral et social, une personne dont l’influence ne peut manquer en quelque sorte, d’élever autour d’elle le niveau des moeurs. Ce rôle est assez beau pour que vous n’éprouviez nul besoin de l’agrandir. D’autres se chargeront plus tard d’achever l’ouvre que vous ébauchez dans l’enfant et d’ajouter à l’enseignement primaire de la morale un complément de culture philosophique ou religieuse. Pour vous, bornez-vous à l’office que la société vous assigne et qui a aussi sa noblesse: «poser dans l’âme des enfants les premiers et solides fondements de la simple moralité».

    Dans une telle oeuvre, ce n’est pas avec des difficultés de théorie et de haute spéculation que vous avez à mesurer ; c’est avec des défauts, des vices, des préjugés grossiers. Ces défauts, il ne s’agit pas de les condamner, tout le monde ne les condamne-t-il pas ? mais de les faire disparaître par une succession de petites victoires obscurément remportées. Il ne suffit donc pas que vos élèves aient compris et retenu vos leçons, il faut surtout que leur caractère s’en ressente ; ce n’est pas dans l’école, c’est surtout hors de l’école qu’on pourra juger ce qu’a valu votre enseignement. Au reste, voulez-vous en juger par vous-mêmes dès à présent, et voir si votre enseignement est bien engagé dans cette voie, la seule bonne ? Vous leur avez parlé par exemple du respect dû à la loi : si cette leçon ne les empêche pas au sortir de la classe, de commettre une fraude, un acte, fût-il léger, de contrebande ou de braconnage, vous n’avez rien fait encore. La leçon de morale n’a pas porté. Ou bien, vous leur avez expliqué ce que c’est que la Justice et la Vérité : en sont-ils assez profondément pénétrés pour aimer mieux avouer une faute que la dissimuler par un mensonge, pour se refuser à une indélicatesse ou à un passe-droit en leur faveur ?

    Vous avez flétri l’égoïsme et fait l’éloge du dévouement : ont-ils, le moment d’après, abandonné un camarade en péril, pour ne songer qu’à eux-mêmes ? Votre leçon est à recommencer.

    De ce caractère plus pratique de l’éducation morale à l’école primaire, il me semble facile de tirer les règles qui doivent vous guider dans le choix de vos moyens d’enseignement.

    Une seule méthode vous permettra d’obtenir les résultats que nous souhaitons : peu de formules, peu d’abstractions, beaucoup d’exemples et surtout d’exemples pris sur le vif de la réalité. Ces leçons veulent un autre ton, une autre allure que tout le reste de la classe, je ne sais quoi de plus personnel, de plus intime, de plus grave. Ce n’est pas le livre qui parle, ce n’est même plus le fonctionnaire, c’est pour ainsi le père de famille dans toute la sincérité de sa conviction et de son ment.

    Est-ce à dire qu’on puisse vous demander de vous répandre en sorte d’improvisation perpétuelle, sans aliment et sans appui du dehors ? Personne n’y a songé ; et, bien loin de vous manquer, les secours extérieurs qui vous sont offerts ne peuvent vous embarrasser que par richesse et leur diversité. Des philosophes et des publicistes, dont quelques-uns comptent parmi les plus autorisés de notre temps et de notre pays, ont tenu à honneur de se faire vos collaborateurs, ils ont mis à votre disposition ce que leur doctrine a de plus pur et de plus élevé. Rien ne prouve mieux le prix que l’opinion publique attache à l’établissement d’une forte culture morale par l’école primaire. L’enseignement laïque de la morale n’est donc estimé ni impossible, ni inutile, que la mesure décrétée par le législateur a éveillé aussitôt un si grand écho dans le pays.

    C’est ici, cependant, qu’il importe de distinguer de plus près entre l’essentiel et l’accessoire, entre l’enseignement moral qui est obligatoire et les moyens d’enseignement qui ne le sont pas. Si quelques personnes au courant de la pédagogie moderne, ont pu croire que nos livres scolaires d’instruction morale et civique allaient être une sorte de catéchisme nouveau, c’est là une erreur que ni vous, ni vos collègues n’avez pu commettre. Aucun livre ne vous arrive imposé par l’autorité universitaire. Comme tous les ouvrages que vous employez, et plus encore que tous les autres, le livre de morale est, entre vos mains, un auxiliaire et rien de plus, un instrument dont vous vous servez sans vous y asservir.

     Les familles se méprendraient sur le caractère de votre enseignement moral si elles pouvaient croire qu’il réside dans l’usage exclusif d’un livre, même excellent. C’est à vous de mettre la vérité morale à la portée de toutes les intelligences, même de celles qui n’auraient, pour suivre vos leçons, le secours d’aucun manuel.

     Mais, vous le voyez, dans ces trois degrés , ce qui importe, ce n’est pas l’action du livre, c’est la vôtre. Il ne faudrait pas que le livre vint, en quelque sorte, s’interposer entre vos élèves et vous, refroidir vos paroles, en émousser l’impression sur l’âme des élèves, vous réduire au rôle de simple répétiteur de la morale. Le livre est fait pour vous, et non vous pour le livre. Il est votre conseiller et votre guide, mais c’est vous qui devez rester le guide et le conseiller par excellence de vos élèves.

    Il est juste que vous ayez à cet égard autant de liberté que vous avez de responsabilité. Mais quelque solution que vous préfériez, je ne saurais trop vous le redire, faites toujours bien comprendre que vous mettez votre amour-propre, ou plutôt votre honneur, non pas à adopter tel ou tel livre, mais à faire pénétrer profondément dans les jeunes générations l’enseignement pratique des bonnes règles et des bons sentiments.

    Il dépend de vous de hâter par votre manière d’agir, le moment où cet enseignement sera partout, non pas seulement accepté, mais apprécié, honoré, aimé, comme il mérite de l’être. Les populations mêmes dont on a cherché à exciter les inquiétudes ne résisteront pas longtemps à l’expérience qui se fera sous leurs yeux. Quand elles vous auront vu à l’ouvre, quand elles reconnaîtront que vous n’avez d’autre arrière-pensée que de leur rendre leurs enfants plus instruits et meilleurs, quand elles remarqueront que vos leçons de morale commencent à produire de l’effet, que leurs enfants rapportent de votre classe de meilleures habitudes, des manières plus douces et plus respectueuses, plus de droiture, plus d’obéissance, plus de goût pour le travail, plus de soumission au devoir, enfin tous les signes d’une incessante amélioration morale, alors la cause de l’Ecole laïque sera gagnée, le bon sens du père et de la mère ne s’y tromperont pas, et ils n’auront pas besoin qu’on leur apprenne ce qu’ils vous doivent d’estime, de confiance et de gratitude.

    J’ai essayé de vous donner, Monsieur, une idée aussi précise que possible d’une partie de votre tâche, qui est, à certains égards, nouvelle, qui de toutes est la plus délicate, permettez-moi d’ajouter que c’est aussi celle qui vous laissera les plus intimes et les plus durables satisfactions. Je serais heureux si j’avais contribué, par cette lettre, à vous montrer toute l’importance qu’y attache le Gouvernement de la République et si je vous avais décidé à redoubler d’effort pour préparer à notre pays une génération de bons citoyens.

Léon Gambetta – Le cléricalisme, voilà l’enemi – AN 4 mai 1977

Tuesday, October 30th, 2007

On peut, Messieurs, envisager ce grand débat sous bien des aspects ; on peut rechercher dans nos traditions nationales quels ont été les rapports de l’Eglise et de l’Etat, du sacerdoce et de l’Empire.

Je dis qu’autrefois une foi religieuse ardente, des convictions dogmatiques étaient au fond de ces querelles, tandis que, aujourd’hui, il n’y a qu’un calcul politique, qu’une combinaison de partis déçus dans leurs espérances, une coalition de convoitises dynastiques.

Est-ce que vous n’êtes pas frappés de cette circonstance que les hommes politiques qui s’étaient donnés à eux-mêmes, qui s’étaient décernés, à une époque tout à fait triste et troublée, le nom d’hommes du gouvernement de combat, sont les mêmes qui, à l’heure actuelle, se trouvent à la tête de cette agitation, signent des pétitions, prononcent des discours qui n’ont d’autre but que de pousser à une levée de boucliers dans ce pays ?

Non, je ne veux pas dire ici les noms de ces hommes ; mais vous savez bien qui ils sont tous, puisqu’ils appartiennent à la haute Assemblée. Ils s’y sont réfugiés comme dans une citadelle, et, toutes les fois qu’on y fait une élection, c’est une élection qui a pour but d’y introduire une haute individualité du personnel des comités catholiques. (Rumeurs à droite.)

La France ne peut s’y tromper, quand elle voit que ce sont les mêmes hommes, qui, au 24 mai, se déclaraient, dans leur conduite politique et privée, soumis au Syllabus, le prenant pour règle de leurs actions, […] et qui poursuivent, au dehors leur campagne contre nos institutions au nom du cléricalisme ; qui ont considéré que le Sénat devait être le refuge, le réduit pour exercer sur le gouvernement, sur le pouvoir exécutif une pression incessante.

Et ce n’est pas seulement en France qu’on fait appel à toutes les populations catholiques ; dans toute l’Europe, dans tout l’univers, on voit des pasteurs se lever, prononcer les mêmes discours, écrire les mêmes lettres, se livrer à la même ardente propagande.

Si au dehors, les catholiques anglais, en face d’une Eglise établie et d’un pouvoir non contesté, peuvent se permettre de tenir le langage que tenait le cardinal Manning, si en Allemagne, les évêques ultramontains des bords du Rhin peuvent tenir le même langage, en France, nous sommes dans une situation spéciale : le clergé catholique est un clergé lié à l’Etat, ses évêques sont des fonctionnaires de l’Etat, ils engagent la politique du pays quand ils engagent leurs personnes dans ces querelles et dans ces aventures, et la responsabilité de leur conduite pèse sur le gouvernement. Depuis tantôt trente ans, dans ce pays, on s’est habitué sous l’influence de doctrines lâches et molles, sous l’influence de sophismes, contre la puissance de l’Etat, contre le rôle de l’Etat, à prêter la main à tous les envahissements, à toutes les usurpations de l’esprit clérical.

L’Eglise est arrivée à supprimer dans tous les séminaires, même à Saint-Sulpice, l’enseignement des libertés gallicanes et à proscrire comme une hérésie tout ce qui rappelait la vieille Eglise de France, les libertés traditionnelles de cette Eglise qui avait été constituée sous le double empire de la protection nationale et de la dignité même de l’Eglise.

On a demandé à enseigner, d’abord les petits, les humbles, puis on s’est élevé, on est passé à l’enseignement secondaire, et aujourd’hui nous voici à l’enseignement supérieur, à la collation de grades par les universités catholiques au détriment de l’Etat. On pense à l’effrayante multiplication dont les ordres religieux, les congrégations de toute sorte, hommes et femmes, offrent le spectacle depuis le dernier recensement.

Nous en sommes arrivés à nous demander si l’Etat n’est pas maintenant dans l’Eglise, à l’encontre de la vérité des principes qui veut que l’Eglise soit dans l’Etat.

Quant à moi, je suis partisan du système qui rattache l’Eglise à l’Etat (Mouvements). Oui ! j’en suis partisan, parce que je tiens compte de l’état moral et social de mon pays, mais je veux, entendez-le, je ne veux défendre le Concordat et rester fidèle à cette politique que tout autant que le Concordat sera interprété comme un contrat bilatéral qui vous oblige et vous tient, comme il m’oblige et comme il me tient ! (Vifs applaudissements à gauche et au centre.)

Je ne fais que traduire les sentiments intimes du peuple de France en disant ce qu’en disait un jour mon ami Peyrat : le cléricalisme ? Voilà l’ennemi !

Léon GAMBETTA – La laïcité dans le programme républicain – Saint Quentin discours 16 noembre 1871

Tuesday, October 30th, 2007

Dans le programme républicain, comme première réforme, j’ai toujours placé l’enseignement du peuple : mais cet enseignement a besoin d’être, avant tout, imbu de l’esprit moderne civil, et maintenu conforme aux lois et aux droits de notre société.

Là-dessus je voudrais vous dire toute ma pensée. Eh bien ! je désire de toute la puissance de mon âme qu’on sépare non seulement les églises de l’Etat, mais qu’on sépare les écoles de l’Eglise. (Vifs applaudissements.) C’est pour moi une nécessité d’ordre politique, j’ajoute d’ordre social.
D’abord je repousse complètement l’objection apparente opposée à ceux qui sont partisans de l’enseignement laïque. On leur dit :  « vous voulez faire des athées, et vous voulez installer dans les écoles un enseignement antireligieux ».

Messieurs, ma conviction est qu’il n’y a rien de plus respectable dans la personne humaine que la liberté de conscience, et je considère que c’est à la fois le plus odieux et le plus impuissant des attentats que d’opprimer les consciences. Non, je ne suis pas hostile à la religion : c’est même pour cela que je demande la séparation de l’Eglise et des écoles […].

Est-ce à dire que le clergé sera destitué de toute influence sociale ? Est-ce à dire que la religion sera sacrifiée? Nullement, messieurs ; mais chacun restera dans son rôle, chacun sera maintenu dans ses attributions ; la morale sera enseignée laïquement et la religion sera enseignée dans des endroits consacrés à le religion, et chaque père de famille choisira pour son enfant le culte qui lui conviendra, chrétien, juif ou protestant. Mais renonçons à confier aux divers clergés l’éducation des enfants, si nous voulons en faire des citoyens français, si nous voulons en faire des hommes chez lesquels l’idée de justice et de patrie domine. A l’église, ils recevront l’enseignement des dogmes et apprendront tout ce qui est du domaine de la foi. A l’école, on leur enseignera les vérités de la science, dans leur rigueur et leur simplicité majestueuse ; et ainsi vous aurez concilié le respect de la liberté de conscience avec le devoir, qui est imposé à l’Etat, de préparer des citoyens dont l’éducation, dont les principes ne soient pas renfermés dans des dogmes théologiques, mais tiennent des bases sur lesquelles repose notre société tout entière.

Rappelez- vous qu’il y a déjà sept ans, à la suite de grands efforts de la libre pensée française, le pape a jugé opportun de passer en revue tous les principes modernes d’où découlent nos lois civiles et politiques : la constitution de notre famille, de notre propriété, de notre Etat, les grandes séries de droits qui font l’indépendance de chacun de nous, la liberté d’examen, la liberté de la presse, le droit de réunion, d’association. Eh bien !, sur chacun de ces droits, le pape a crié anathème. Est-il concevable, quand le pouvoir religieux s’exprime avec cette franchise, avec cette loyauté, qu’on abandonne l’éducation des générations futures à des hommes qui, par leur conscience, sont engagés à se faire les propagateurs de semblables doctrines? (Bravo ! bravo !) Si vous leur confiez l’éducation, quand vous aurez à faire appel à l’énergie d’hommes élevés par de tels maîtres, quand vous voudrez mettre en mouvement ce peuple tout entier, quand vous lui parlerez de ses devoirs de citoyens, quand vous voudrez exciter en lui des idées de sacrifice, de dévouement à la patrie, vous vous trouverez en présence d’une espèce humaine amollie, débilitée, résignée à subir toutes les infortunes comme des décrets de la Providence (Profonde sensation).

C’est là, messieurs, le plus grand péril que puisse courir la société de 89, dont nous sommes les héritiers et les représentants. La société de 89 a pour principal objectif de faire dépendre le système politique et social de l’idée de suprématie de la raison sur la grâce, de l’idée de la supériorité de l’état de citoyen sur l’état d’esclave. Au lieu de la doctrine romaine, qui habitue l’esprit à l’idée d’une Providence mystérieuse qui a seule le secret de ses faveurs et des ses disgrâces, qui enseigne que l’homme n’est dans la main de Dieu qu’un jouet, la Révolution enseigne la souveraineté de la Raison, l’autorité et la responsabilité des volontés humaines, la liberté de l’action, et trouve la cause des souffrances, des malheurs de l’humanité dans l’ignorance ou les fautes des hommes.

Depuis quatre vingt ans, ces deux systèmes sont en présence ; ils se sont partagé les esprits et ont entretenu au cœur même de la société, un antagonisme, une guerre acharnée qui explique pourquoi, faute d’unité dans l’enseignement, nous roulons, sans pouvoir jamais nous fixer, de la révolte à la compression, de l’anarchie à la dictature. IL faut effacer cette contradiction, dissiper ce trouble des intelligences ; et il n’a qu’un moyen, c’est de se désintéresser dans l’éducation publique, d’une façon absolument impartiale, de toutes les doctrines, de tous les systèmes, de toutes les sectes, de toutes les communion ; c’est de laisser au libre choix ou même au caprice l’enseignement des doctrines religieuses ; c’est de réaliser la séparation de ces deux mondes, le monde civil et politique et le monde religieux, pour lequel je conçois d’ailleurs qu’on ait infiniment de respect. Celui pour lequel nous sommes faits, pour lequel nous devons tout donner, nos facultés, nos efforts, notre vie, c’est le monde moderne ; le monde qui repousse la domination théocratique, le monde qui entend, non pas satisfaire seulement les intérêts matériels, mais les intérêts politiques, c’est-à-dire ne relever que d’une autorité de droit humain ; le monde qui a soif de science, de vérité, de libre arbitre, d’égalité, et qui arrive à la déclaration et à la pratique des devoirs sociaux par l’émancipation et la glorification de la personne humaine considérée dans le plus humble comme dans le plus élevé (Applaudissements). Mais cette réforme dans l’éducation et cette distinction à apporter entre l’enseignement religieux et l’enseignement laïque se relient elles-mêmes à la solution d’un autre problème depuis longtemps posé : la séparation de l’Eglise et de l’Etat. […]

Je reprends et je dis que l’avenir dépend chez nous du nombre des écoles, de la qualité des maîtres, de la fréquentation obligatoire des écoles, d’un programme étendu et varié ; de telle sorte que, au lieu d’une science tronquée, on dispense à l’homme toute la vérité, et rien de ce qui peut entrer dans l’esprit humain ne lui soit caché. Mais cette tâche réclame beaucoup d’efforts, du travail et de la persévérance ; le travail, c’est la loi même de la démocratie, et c’est de substituer le règne du travail au règne de l’oisiveté ruineuse que consiste tout l’effort du parti républicain…

Paul Bert – Du principe de laïcité appliqué à l’enseignement – AN 4 décembre 1880

Tuesday, October 30th, 2007

C’est pourquoi, messieurs, l’article 1 er du projet de loi que nous vous soumettons aujourd’hui est ainsi conçu :

« l’instruction religieuse ne sera plus donnée dans les écoles primaires publiques des divers ordres, elle sera facultative dans les écoles privées.

« Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, en outre du dimanche afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent, à leurs enfants, telle instruction religieuse que bon leur semblera. » (Très bien! très bien! à gauche.) Cet article 1er est suivi d’un second article qui n’en est en quelque sorte qu’une déduction, qu’un corollaire dans l’ordre administratif.

« Art.2. – Sont abrogées les dispositions des articles 18 et 44 de la loi des 15 et 27 mars 1850, en ce qu’elles donnent aux ministres des cultes un droit d’inspection, de surveillance et de direction dans les écoles primaires publiques et privées et dans les salles d’asile. » ( Nouvelle approbation à gauche.)

Messieurs, nous avons fait précéder de cette définition de l’école notre loi sur l’obligation, parce que nous avons jugé que cela était indispensable, surtout en proclamant l’obligation. Alors que nous édictons une loi qui peut frapper de peines assez sévères le père de famille, s’il n’envoie pas son enfant à l’école ; en présence de cette situation que, dans l’immense majorité des cas, c’est l’école publique qui devra s’ouvrir à l’enfant, il nous a paru indispensable d’affirmer au père de famille que rien ne sera enseigné dans cette école qui puisse porter atteinte à la liberté de conscience de son enfant et à la sienne propre. (Vives marques d’approbation à gauche.) Nous avons voulu commencer par lui affirmer que son enfant ne recevra pas à l’école une instruction contraire à ses sentiments, en telle sorte que, rentré au foyer familial, il devienne une source de discussion et une occasion de scandales. (Interruptions à droite, très bien! Très bien! à gauche.)

M. Villiers : Le mot « scandale » est fort.

M. le rapporteur : Cela dépend de la manière dont sera donnée l’instruction religieuse. Comment pourrait-on condamner un père de famille qui vous dirait : Je comprends l’importance de l’obligation qui m’est imposée ; j’accepte et j’approuve votre loi qui d’une obligation morale me fait une obligation légale. Mais comme je ne puis instruire moi-même mon enfant ou le faire instruire par un précepteur, je refuse de l’envoyer à l’école publique où il recevra un enseignement religieux que je repousse. Je sais que j’agis contre son intérêt ; je sais qu’il est par là frappé d’infériorité sociale ; je sais que son avenir est en péril ; mais il y a quelque chose que je prise plus haut que son intérêt matériel, plus haut que sa situation sociale, plus haut même que la science acquise, c’est l’intégrité conservée de la conscience. Je ne veux pas, moi protestant, envoyer mon enfant à l’école catholique, la seule qui existe dans ma commune, je ne le veux pas, parce que là on lui donnera l’enseignement catholique ; je ne le veux pas non plus, moi juif, parce qu’on lui donnera un enseignement chrétien ; enfin je ne le veux pas, moi classé comme catholique, qui n’ai eu cependant de rapports avec la religion catholique qu’au premier jour de ma naissance, alors qu’on m’a porté sur les fonts baptismaux, je ne veux pas qu’on donne à mon enfant l’enseignement catholique.