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Guy Mollet – sur la loi Debré- AN 23 décembre 1959

Friday, November 2nd, 2007
Guy Mollet, la loi Debré et la laïcité 23 décembre 1959 Assemblée nationale  
Amplifiant les avantages accordés en 1951 par les lois Marie et Barangé, le gouvernement de Michel Debré établit en 1959 une nouvelle loi, qui remet en cause ta séparation de Églises et de l’État. Les socialistes dénoncent cette violation de la Constitution, et estiment que tes Français devraient avoir d’autres sujets de préoccupation que celui-là, qui contribuent à les diviser. Guy Mollet intervient à la tribune de l’Assemblée nationale le 23 décembre, dans la discussion générale. M. Guy Mollet : Mesdames, Messieurs, au début de son intervention M. le Premier ministre dénonçait ceux qui, ici et là, s’opposent au projet déposé et il voyait dans l’attitude de ces opposants un acte de passion, qu’il baptisait même de passion partisane, et lui se voulait raisonnable, encore que je ne sois pas sûr de n’avoir pas parfois, et surtout à la fin de son discours, perçu les accents d’une passion mal contenue. Je suis un de ces opposants et, pourtant, je ne me sens nulle passion blessée, nulle foi menacée. C’est uniquement un souci de raison qui m’anime et c’est dans cet esprit que je voudrais, essayer de vous faire partager quelques-unes de nos inquiétudes et, surtout, vous dire les erreurs graves qui seront la conséquence de la décision que vous allez prendre. Dans le domaine aujourd’hui en cause dans cette Assemblée, je n’ai pas la réputation d’être un passionné, un sectaire ; cela m’habilite peut-être quelque peu à déclarer pourquoi je trouve particulièrement grave -je dirais volontiers dramatique – l’erreur que vous allez faire commettre à la nation. Avant même d’aborder le fond, auquel je viendrai dans quelques instants, je voudrais, brièvement, souligner l’évidente inopportunité de la décision. La France est confrontée aux plus grandes difficultés, peut-être, de son histoire. L’évolution de la Communauté, la recherche d’une solution au drame algérien, la poursuite de la paix mondiale dans le maintien de la liberté exigeraient, que dis-je, exigent toujours la plus grande unité possible de la nation. 11 faudrait qu’à travers les classes sociales, les philosophies, les croyances, tous les hommes de bonne volonté se rejoignent. Or, c’est l’heure que vous choisissez pour jeter dans la nation le plus terrible des ferments de discorde (Applaudissements à l’extrême gauche). Il fallait, nous a-t-on dit, rassembler la nation sur elle-même pour de grandes tâches. Et l’on va diviser chaque commune, chaque municipalité pour de la bien petite besogne ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.) M. Félix Kir  [1] : C’est une erreur. M. Guy Mollet : Pendant cinquante ans, ce pays a connu la paix religieuse. (Mouvements divers à droite.)Les vieilles querelles, je l’affirme, commençaient sérieusement à s’apaiser. J’en veux porter un témoignage personnel. Depuis quelque trente-huit ans, je suis un habitant du Pas-de-Calais. J’ai fait mes premières armes de jeune socialiste dans les corons miniers. A mon arrivée dans cette région, j’ai constaté qu’un problème dominait tous les autres : le problème de l’école, le problème religieux. Les premières sections socialistes, dans le Pas-de-Calais -je m’excuse auprès de ceux d’entre vous que la seule évocation du mot « socialiste » révolte (Protestations sur divers bancs) – ne naissant presque toutes que de sections, antérieures à elles, de libre-pensée, tant dans la classe ouvrière de l’époque, le combat contre l’action erronée de l’Eglise d’alors était assimilé au combat de classes. Vous ne pouvez pas ignorer – en le réprouvant aujourd’hui, j’en suis certain, autant que je le fais — que dans les mines du Nord et du Pas-de-Calais on ne pouvait pas, il y a quelque quarante ans, être autorisé à descendre faire le bagnard au fond si l’on ne présentait à l’entrée son billet de confession. (Protestations sur divers bancs.) C’est un fait. (Applaudissements à l’extrême gauche.)Vous ne pouvez ignorer qu’alors on était condamné, sauf à ne pas obtenir l’emploi à quarante kilomètres à la ronde, à envoyer ses enfants à l’école qui vous était indiquée, l’école libre des houillères. C’était alors ce qui existait, d’où un anticlé­ricalisme qui souvent frisait l’antireligion. L’ensemble de cette situation a été changé et pas de notre seul fait. Je ne suis pas en train de prétendre que nous avons réussi, nous seuls ; nous avons réussi parce que tout le monde s’est attelé à cette tâche. Nous avions trouvé dans la classe ouvrière, parmi les chrétiens, même chez les prélats, exactement la même volonté de voir disparaître de telles situations. Si bien que peu à peu les hommes de cette région, les travailleurs, les ouvriers, avaient fini par ne plus croire à ce qu’on leur avait dit dans leur enfance, à savoir que Dieu, l’Église tout au moins, était à droite. Ils commençaient à penser qu’il pouvait en être autrement. Je ne m’en cache pas : j’ai été, autant que je l’ai pu, à l’intérieur de mon parti, tant aux petits postes du début qu’aux postes de responsabilité de la fin, j’ai été de ceux qui ont encouragé cette évolution. J’ai voulu que les problèmes qui se posaient à la nation, et à la classe ouvrière dans la nation, ne soient plus placés sur ce plan, qu’ils soient placés sur le plan qui est le leur, celui des oppositions de classes.Et le socialiste que je suis s’en félicitait. Nous ne sommes pas antireligieux. Nous n’avons jamais voulu faire taire la chanson qui berce la misère humaine. Au moment où je croyais que nous réussissions, de nouveau voilà posé le problème. Vous nous dites, monsieur le Premier ministre, qu’il y a des problèmes à résoudre ; vous nous dites que vous ne voulez pas diviser la nation, que ce n’est pas là votre ambition, ni votre but, que ce que vous voulez c’est simplement répondre à des besoins immédiats, que des problèmes se posent en ce moment à la nation. C’est vrai. Mais qui le nie ! Il est exact qu’un problème existe, et pas seulement celui de l’école : c’est l’ensemble du problème des rapports entre l’État et les Églises, c’est le problème de l’Alsace et de la Lorraine, c’est celui des congrégations, c’est celui de «l’Opus Dei». Mais il en est bien d’autres : celui de l’aumônerie, par exemple. Pour certains, il est de l’intérêt même des Églises, pour le libre exercice de leur culte, de les voir régler, car vous savez tous, que durant l’occupation, le régime de Vichy nous a placés, sur le plan de l’État, dans la situation la plus invraisemblable du monde, celle des tolérances illégales. Nous aurions donc besoin de voir ces problèmes réglés. Mais, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs, ne croyez-vous pas que nombreux se trouvaient dans la nation ceux qui étaient décidés à œuvrer à cette nécessaire réconciliation des esprits et des coeurs, dont dépend beaucoup l’unité française ? Même en se plaçant à votre point de vue, celui de la liberté des Églises, est-ce que durant les cinquante dernières années cette liberté n’a pas été garantie ? Sur quoi était fondée cette paix religieuse ? Quels étaient les principes de base ? C’était l’acceptation par tous et pour tous de trois principes essentiels : la liberté de conscience pour tous ; la séparation nécessaire des Églises et de l’État, d’où a découlé la laïcité de l’État ; le libre exercice de tous les cultes. C’est sur ces trois principes que furent élaborées les lois de séparation dans les années 1905. A-t-on jamais vu un homme de gauche mettre en cause tel ou tel de ces principes ? Non, j’affirme même que l’application libérale de ces principes était en cours de réalisation au double profit de l’Etat et des religions. Ces principes furent affirmés sous la IIIe République. Ils ont été repris au lendemain de la Libération et la Constitution de 1946 réaffirmait le caractère laïque de la République. En cette heure, je veux croire qu’il ne s’agissait pas là d’une position d’opportunité et que ceux qui représentaient essentiel­lement les éléments catholiques de l’Assemblée constituante d’alors donnèrent leur assentiment. Je me suis, moi aussi, référé à des auteurs. Monsieur Maurice Schumann[2], puisque vous prenez souvent la parole dans les débats de cette nature, j’ai trouvé que le meilleur auteur, en l’occasion, c’était vous-même. C’est, en effet, votre définition de la laïcité et des raisons pour lesquelles les catholiques, au nom desquels vous parliez, l’acceptaient qui m’a paru la meilleure. Le 3 septembre 1946 vous nous disiez : « La laïcité de l’État signifie son indépendance vis-à-vis de toute autorité qui n’est pas reconnue par l’ensemble de la nation afin de lui permettre d’être impartiale vis-à-vis des membres de la communauté nationale et de ne pas favoriser tel ou tel parti de la nation ». Je vais essayer dans un instant de montrer que tel n’est pas le résultat que vous obtiendrez avec le texte en discussion. La Ve République, ensuite, a-t-elle été fidèle à cette même volonté ? Oui, elle a eu la même préoccupation et, monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez pas l’ignorer. Je n’ai jamais encore fait état des travaux préparatoires que sept ou huit personnes ont menés autour du président du Conseil d’alors pour l’établissement de la Constitution et je regrette publiquement que la promesse qui nous fut faite de publier ces travaux préparatoires n’ait pas encore été tenue (applaudissements à l’extrême gauche) car il ressortirait que les premiers documents qui nous furent soumis par un groupe de travail que vous présidiez n’avaient pas repris – non que j’y voie quelque hostilité mais simplement parce que ce n’est pas ainsi que se présentait votre projet – les définitions relatives au caractère de la République, pas davantage d’ailleurs sur l’indivisibilité que sur la laïcité. C’est sur mon intervention personnelle que le problème de l’introduction du mot « laïque » a été posé, et je dois dire que le président du Conseil d’alors, le président de la République aujourd’hui, a arbitré en ce sens. Nous avons même discuté de la rédaction dans des conditions telles que nous avons complété le texte de la Constitution de 1946, que non seulement nous avons repris par référence directe ce qui était contenu dans le préambule de la Constitution de 1946 mais que nous avons précisé dans l’article 2 de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » Qu’est-ce à dire ? Qu’est-ce à dire, sinon la reprise intégrale des trois principes que j’évoquais tout à l’heure : la liberté de conscience, la laïcité de la République, c’est-à-dire la séparation des Eglises et de l’État, et le respect, donc le libre exercice, de tous les cultes ! Et une grande partie des femmes et des hommes qui, dans ce pays, votèrent pour la Constitution avaient certainement trouvé dans cette affirmation une satisfaction. Pourquoi remettre en cause aujourd’hui cette décision ? (Applaudissements à l’extrême gauche.) Il y a quelques instants, une majorité qui ne nous a pas étonnés a rejeté l’opposition proposée pour non-constitutionnalité. Je dis, cependant, que vous allez, dans le même temps, par le projet que vous déposez, mettre en cause le problème de la séparation de l’Etat et des Églises. En conséquence, j’espère que M. le Président de l’Assemblée nationale usera, lui, de son droit pour poser la question au Conseil constitutionnel et si ni lui, ni M. le Président du Sénat ne devaient le faire, je veux dire, comme mon groupe l’a exprimé ce marin, mon ferme espoir de voir M. le Président de la République, gardien de la Constitution – et parce que gardien de la Constitution – ne pas permettre qu’il soit porté atteinte à l’un des caractères fondamentaux de la République. (Applau­dissements à l’extrême gauche.) Vous avez, au cours des différentes discussions, protesté que votre intention n’était pas de porter atteinte, comme je viens d’en exprimer la crainte, à la séparation des Eglises et de l’État. Mais vous savez bien que si. Tellement bien que l’essentiel de votre préoccupation – si j’en crois la presse, puisque notre parti est ainsi informé des rapports entre le Parlement et le Gouvernement -, que l’essentiel de vos discussions, depuis trois jours, porte sur cet article premier, car vous avez eu à cœur d’obtenir que bénéficie de fonds publics un enseignement privé dont vous ne voulez pas qu’il soit neutre. Votre grande préoccupation est de vous opposer à cette éventuelle neutralité, c’est-à-dire, en fait, d’agir d’une manière parfaitement discrimi­natoire au bénéfice de l’une des Églises, celle qui numériquement joue le plus grand rôle dans notre pays. Voulez-vous un autre exemple pour vous prouver qu’incontestablement il y aura suppression partielle de la séparation des Églises et de l’État ? M. Félix Kir : Mais non ! M. Guy Mollet : Monsieur le chanoine, je vous conseille de pratiquer vous-même la vertu que toujours vous nous recommandez : la patience. M. Félix Kir : Je pourrais facilement vous répondre. M. Guy Mollet : Vous constatez que si je suis, au fond de mon cœur, passionné, je ne mets pas de passion dans mes propos.Je citerai un exemple très simple. Parmi les enseignants que, grâce au dernier des contrats, l’État subventionnera, il en est qui appartiennent à des congrégations et même à certaines de ces congrégations parfaitement illégales, non encore reconnues, simplement tolérées. Il est de règle congréganiste, si je suis bien informé, qu’on ne gère jamais ses propres ressources et il faudra donc que ce soit la congrégation qui reçoive et gère les fonds. C’est-à-dire que vous allez vous trouver dans cette situation extraordinaire de congrégations interdites par la loi, vaguement tolérées, mais que subventionnera l’État laïque. (Applaudissements à l’extrême gauche. – Murmures à gauche, au centre et à droite.) L’argument essentiel que vous avez employé – et c’est là que je vais répondre à M. Maurice Schumann – est que vous ne vouliez pas qu’il fût porté atteinte à la liberté de l’enseignement. Il s’est institué une controverse de caractère historique, dans laquelle M. Maurice Schumann a triomphé, sur ce qui fut décidé lors de la Convention, où l’on affirma la nécessité de la liberté de l’enseignement. Monsieur Maurice Schumann, vous ne pouvez ignorer que, dans ces heures, l’affirmation de la liberté de l’enseignement était une affirmation d’opposition au cléricalisme. (Applaudissements à l’extrême gauche.) Cela, vous ne l’ignorez pas. M. Henri Trémolet de Villers : Un monopole ne vaut pas mieux qu’un autre. M. Guy Mollet : Vous savez bien que, dans ce domaine de la liberté de l’enseignement, si vous deviez tirer une leçon, c’est celle de notre esprit de tolérance. Oui, nous sommes pour la liberté de l’enseignement et, à cette heure même, je le répète de cette tribune, et sans regrets, alors que tels tenants de l’église n’en sont pas d’accord. Moi aussi, j’ai mes auteurs, et ils sont bons. J’ai voulu me référer au plus libéral des pasteurs catholiques. En effet, Léon X1I1 fait bien figure de novateur en l’occurrence. Mais si vous l’écoutiez, messieurs qui vous croyez ses ouailles, vous dénonceriez immédiatement la liberté de l’enseignement. Que dit-il en effet ? « Il est donc faux, atchi-faux, que l’église soit pour l’enseignement libre. » Dans son encyclique « Libertas praestan-tissimum », Léon XIII écrit : « Quant à ce qu’on appelle liberté d’enseignement, il est évident que cette liberté, en s’arrogeant le droit de tout enseigner à sa guise est en contradiction flagrante avec la raison et qu’elle est née pour produire un renversement complet dans les esprits ». Écoutez sa conclusion, monsieur le Premier ministre : « Le pouvoir public ne peut accorder une pareille licence dans la société, sauf au mépris de son devoir. » (Rires et applaudissements à l’extrême gauche.) Mais je ne veux pas jouer avec les textes et je concède fort volontiers que la conclusion que je viens de citer de la déclaration du pape Léon XIII n’est certainement pas celle qu’il eût tirée dans la circonstance présente et qu’en réalité, s’il n’était pas pour la liberté de l’enseignement, c’est parce qu’il n’était pas pour la liberté d’enseigner accordée à d’autres que ceux qui professaient sa foi. Vous protestez, dis-je, en affirmant que telle n’est pas votre volonté à vous, alors que nous -je le répète – nous sommes pour l’affirmation de cette liberté. Qu’entendons-nous par là ? Nous entendons que tout homme qui s’est créé une conviction, quel que soit le caractère de cette conviction, qu’elle soit de caractère philosophique, religieux ou même politique, doit avoir librement la possibilité de faire du prosélytisme, le droit d’enseigner, le droit d’essayer de faire partager sa foi. C’est normal. C’est cette liberté que nous avons voulu affirmer et c’est d’ailleurs l’honneur d’une démocratie comme la nôtre, au travers des Républiques, que d’avoir tenu à affirmer toujours un certain nombre de libertés essentielles. Et pas seulement celle-là. Elle est une des libertés fondamentales, mais il en est d’autres : la liberté de conscience, la liberté d’association, la liberté d’expression – dont fait partie la liberté de la presse -, la liberté d’information, la liberté de se déplacer. Je rappelle aux anciens de cette maison, qui rêvèrent un jour, au lendemain de la Libération, d’établir un nouveau catalogue des libertés et des droits individuels ou sociaux, qu’effectivement à cette époque nous nous étions tous mis d’accord pour réaffirmer la nécessité de semblables libertés. Mais j’ai entendu dans ce débat commettre une nouvelle fois – et je pense sciemment -la confusion entre les notions de liberté et le droit. Il est tout de même nécessaire qu’au moment où vous êtes décidés à prendre certaines responsabilités vous les pesiez. Oui, nous affirmons la nécessité du maintien des libertés que je viens d’évoquer ; mais nous n’avons jamais demandé à la nation d’affirmer le droit pour chacun des individus de se voir garantir matériellement chacune de ces libertés. (Applaudissements à l’extrême gauche.) Voyons, mesdames, messieurs, voulez-vous que nous y pensions un instant ? Comment aurais-je le droit de vous demander, parce que je suis un partisan de la liberté de la presse, que la nation m’assure, lorsque je suis minoritaire, que je représente une organisation financièrement pauvre, lorsque je ne puis couvrir mes dépenses, comment aurais-je le droit de demander à la nation de se substituer à l’effort privé pour faire éditer mes livres ou faire vivre mes journaux ? (Applaudissements à l’extrême gauche.) M. Félix Kir : Il n’est pas besoin de le demander. On vous donne les moyens ! M. Philippe Vayron : Il n’y a pas de presse payée par le contribuable. M. Guy Mollet : Vous êtes en train d’introduire dans le débat une notion fausse.J’ai pris l’exemple de la liberté de la presse, mais vous imaginez quelle conséquence pourrait avoir la même prétention dans le domaine, par exemple, de la liberté de se déplacer, de la liberté d’association. Faudra-t-il, en effet, que l’État subvienne au déficit et aux besoins des associations pauvres ? (Mouvements divers.) Je sais que le problème ainsi posé ne plaît pas. C’est, en effet, un des arguments sans cesse utilisés dans la propagande que celui qui consiste à dire – M. le Premier ministre n’a pas manqué de le reprendre – que, pour qu’il y ait liberté réelle, il fallait absolument aider matériellement ceux qui n’en peuvent pas profiter. C’est poser le problème autrement et le placer sur le terrain des raisons de caractère social. Or je veux bien que le problème soit ainsi posé. Vous nous dites que pour des raisons de caractère social une partie de votre clientèle – ne donnez pas à ce mot le sens que je ne veux pas lui donner – ne peut pas librement faire le choix. Nous ne sommes jamais sourds quand un problème de caractère social est évoqué devant nous. Mais, mesdames, messieurs, si c’était là votre préoccupation unique, pourquoi la même majorité, dans l’Assemblée précédente, s’est-elle opposée avec dureté à la proposition que nous présentions d’une allocation familiale scolaire à chaque famille, laquelle pourrait en disposer librement ? (Applaudissements à l’extrême gauche.) Pourquoi même, maintenant, n’est-ce pas la solution que vous avez cherchée ? La réponse est évidente : c’est parce que votre préoccupation n’est pas de caractère social. Votre préoccupation est de caractère religieux. Vous voulez affirmer le principe du pluralisme scolaire et ensuite aller plus loin. Ils sont nombreux parmi vous, qui voterez le projet, ceux qui, intimement, savent que j’ai raison quand j’affirme que l’essentiel de la préoccupation de ceux qui ont dirigé cette opération n’est pas d’obtenir maintenant de l’argent, mais d’aller au-delà. Que chacun d’entre vous réponde à cette question dans sa conscience : êtes-vous sûrs d’être la majorité, vous qui voulez que cela s’arrête là ? Non. Us sont, je le crains, nombreux, ceux qui aujourd’hui pensent que ce n’est encore qu’une étape. Faites attention : cette étape pourrait bien être dans le sens opposé à celui que vous supposez. Au contraire, nous affirmons, nous que l’école laïque vous offrait et vous offre encore les garanties nécessaires. Vous avez cru devoir, monsieur le Premier ministre, parler de certaines défaillances individuelles. J’aurais aimé qu’en contrepartie vous rendiez à la fonction enseignante, à l’ensemble des enseignants de France, l’hommage auquel ils ont droit. (Vifs applaudissements à l’extrême gauche.) Vous l’avez fait pour les tenants de l’autre école. J’aurais aimé que ceux qui ont créé les éléments d’une culture française qui nous honore à travers le monde et ceux qui ont donné, au cours des derniers événements, dans la défense de la patrie, la preuve de leurs sacrifices, puissent bénéficier de votre part du même hommage que les autres. (Applaudis­sements à l’extrême gauche.) Mais vous avez répété – et cette accusation vaut contre certains individus – que parfois le caractère de l’enseignement laïque était déformé. Nous sommes les premiers à dénoncer cette déformation. Nous sommes les premiers à ne pas croire à la volonté laïque de tel des soi-disant défenseurs de la laïcité. Nous sommes les premiers à regretter les fautes commises par certains. Mais nous n’acceptons pas la généralisation et s’il y a des fautes, je voudrais essayer de vous en faire connaître la raison : c’est qu’il est terriblement difficile, en effet, d’être laïque. Oui, tellement difficile que vous êtes nombreux à ne pas croire à la laïcité. M. Jean Deshors : Cela n’existe pas. M. Guy Mollet : Je ne vous le fais pas dire ! Un de nos collègues vient de dire très nettement : « cela n’existe pas ». C’est d’ailleurs une conviction, non seulement sur ces bancs (la droite), mais tout là-haut, sur d’autres (certains bancs à l’extrême gauche), où l’on ne croit pas que la neutralité soit possible.Non seulement j’y crois, mais j’affirme l’avoir connue autour de moi. J’ai été longtemps enseignant ; ce furent les plus belles et les plus pleines années de ma vie. D’autre part, je suis père, et même aujourd’hui grand-père ; c’est dire que je connais aussi l’autre point de vue, celui de la famille. Je sais quelle est l’influence du maître sur l’enfant, quel que soit l’enseignement dispensé. Je me souviens de mes propres gosses – c’est aujourd’hui le petit-fils – me disant le soir en rentrant de l’école : « Papa, le maître a dit… » Je sais donc quelle est la puissance du maître sur une âme enfantine. Eh bien ! Etre laïque, c’est, ayant conscience de son pouvoir, se refuser à en abuser pour faire partager à l’enfant ses propres convictions (Applaudissements à l’extrême gauche, à gauche, au centre et à droite). Un député de l’extrême gauche, s’adressant à la droite : Hypocrites ! M. Guy Mollet (désignant certains bancs à l’extrême gauche) : Il est normal qu’ils ne comprennent pas ! (Applaudissements.) Jules Ferry enseignait ce principe. Jaurès, à qui on osait se référer, à cette tribune, il y a quelques instants, nous donnait, à nous, les jeunes d’alors, cette leçon extraordinaire : si des maîtres socialistes se permettaient d’essayer de faire des enfants qu’on leur confiait des socialistes, ils cesseraient par là même d’être des laïques. Mesdames, Messieurs, est-ce à dire pour autant que le laïque s’interdise des convierions personnelles, des opinions et une foi religieuse ou politique ? Non, évidemment ! Ce qu’il veut, c’est se refuser d’imposer à autrui, par la force ou par des pressions, cette foi qui est la sienne. Ce qu’il veut, surtout, c’est ménager dans l’enfant qui lui est confié le libre jugement, le choix sans contrainte. Ce choix et ce jugement ne manqueront pas d’intervenir spontanément quand le jeune esprit aura acquis assez de force ; ils auront alors un sens, une dignité et une beauté. Etre laïque, pour un maître, c’est, selon une expression que j’aime et qui résume le mieux ma pensée, respecter l’homme de demain dans l’enfant qu’on vous a confié aujourd’hui (Applaudissements à l’extrême gauche).Or, ils sont nombreux aussi, en France, non seulement les agnostiques mais les croyants qui ont compris cela et ont confié leurs enfants à l’école laïque : les protestants qui ont renoncé à leurs propres écoles et qui après vos décisions vont, je pense, être tentés de les rouvrir, les israélites, les musulmans ; de nombreux catholiques – que dis-je ? – la majorité des catholiques. M. Félix Kir : Parce qu’ils ne paient pas ! M. Guy Mollet : Monsieur le chanoine, il est terrible que ce soit un pasteur qui affirme qu’il s’agit uniquement d’une question d’argent. M. Antoine Guitton : Mais oui ! C’est une question d’argent pour ceux qui ne peuvent pas payer ! M. Guy Mollet : C’est faire bon marché de la foi des intéressés ou de leur famille. (Applaudissements à l’extrême gauche.) En tout cas, en ce qui concerne le problème d’argent, je vous ai dit tout à l’heure que des solutions étaient offertes. Ce pays connaissait la paix scolaire, la paix religieuse. La séparation des Églises et de l’Etat était, pour les Eglises elles-mêmes, la meilleure des garanties, la garantie la plus sûre de leur liberté. La réserve des fonds publics au seul enseignement public était, pour l’école privée, la seule, je dis bien la seule garantie de sa réelle liberté. Je ne suis pas le seul à l’avoir dit. Je rappellerai à cette tribune, le premier, mais non le seul, sans doute, l’opinion d’un catholique et d’un prêtre, l’abbé Lemire[3]. Je ne citerai pas en entier les propos qu’il tenait à cette tribune en décembre 1921, car je les crois connus de tous. Je n’en reprendrai que les éléments essentiels. L’abbé Lemire s’exprimait alors en ces ternies :«Je n’admets pas que l’on mendie, sous une forme quelconque, l’argent de l’État quand, librement, spontanément, on s’est placé en dehors de lui. Un vieux proverbe me revenait à l’esprit en entendant celte discussion : quand on mange le pain d’autrui, on finit par parler comme lui. « C’est ce que vous ne voulez pas… » – il répondait ainsi à des interruptions bruyantes — « …Moi non plus. Je suis de ceux qui sont tellement soucieux de la liberté qu’ils veulent la conserver complète, intacte. Je ne puis supporter sur ma liberté un contrôle quelconque. Or, si je prends de l’argent à l’État, demain, il pourra me faire subir son contrôle. L’État se devra même d’imposer ce contrôle ; car il ne peut pas donner son argent a n’importe qui pour n’importe quoi. «Je veux la paix dans nos communes, je veux que l’argent de tous aille aux écoles ouvertes à tous et si l’on veut un enseignement spécial, distinct, à part, on est libre, complètement libre et de cette liberté je me contente. En me contentant d’elle, je la sauve. » (Applaudissements à l’extrême gauche.) Mesdames, messieurs, votre décision d’aujourd’hui, je le répète – dans tous les domaines mon inquiétude est grande – va ouvrir une brèche dans cet édifice difficilement bâti. La date du 23 décembre 1959 comptera dans l’histoire de notre République. Vous savez bien qu’un jour dont j’ignore la date, proche ou lointain, mais certain, de nouvelles majorités reviendront à l’entière séparation de l’Etat et des Eglises. Vous le savez, vous ne pouvez pas l’ignorer. Or ce jour-là, vous ne pouvez pas non plus l’ignorer, car ce sera la conséquence des décisions que vous prenez aujourd’hui, tous ceux, établissements et maîtres qui auront sollicité des fonds publics seront considérés, ipso facto, comme ayant affirmé leur vocation à entrer dans le service public, et il en sera fait ainsi (Applaudissements à l’extrême gauche – Mouvements divers). A droite : C’est une menace ? M. Guy Mollet : Ce n’est ni chantage ni menace ; nous n’avons pas soulevé ce problème. M. Henry Bergasse : On se demande alors ce que c’est. M. Guy Mollet : Je dis seulement que cette situation sera la conclusion logique des décisions prises aujourd’hui et c’est tellement vrai que M. le Premier ministre, dans son intervention, a employé lui-même cette formule que j’ai retenue : « Les enseignants du privé sont habilités à participer au secteur public de l’éducation nationale ». Eh bien, ils y participeront à plein le jour venu. C’est la logique même de votre système. C’est en tout cas, à nous, notre volonté et j’en prends l’engagement au nom de mes amis (Applau­dissements à l’extrême gauche). Mesdames, messieurs, dans les lendemains de la Libération, dans les heures qui suivirent l’affranchissement de notre territoire, il existait dans cette assemblée une majorité qui eût pu profiter, elle aussi, de la loi du nombre et faire prévaloir son point de vue sur le problème laïque. Elle ne l’a pas fait. Soucieux de la gravité des heures d’alors, soucieux de ne pas briser l’unité d’une nation encore blessée, nous nous le sommes interdit. Aujourd’hui, vous allez en décider autrement et déjà vous êtes triomphants. Je n’envie pas votre satisfaction, car s’il est un domaine où il eut mieux valu chercher la paix que la victoire, c’est bien celui-ci par excellence (Vifs applaudissements à l’extrême gauche).



[1] Félix Kir (1876-1968), chanoine du chapitre de Dijon, a été député de la Côte d’Or de 1945 à 1967.

[2] Maurice Schumann (1911-1998), député du Nord depuis 1945 (MRP), a été à plusieurs reprises ministre pendant la IVe République. 

[3] L’abbé Lemire (1833-1928) a été député du Nord de 1893 à 1928.

Circulaire sur le port de signes religieux 15 mars 2004

Wednesday, October 31st, 2007

Circulaire du 18 mai 2004 relative à la mise en oeuvre de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics  

Paris, le 18 mai 2004.  Le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche à Mesdames et Messieurs les recteurs d’académie, Mesdames et Messieurs les inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale  La loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, marque la volonté très largement partagée de réaffirmer l’importance de ce principe indissociable des valeurs d’égalité et de respect de l’autre. Elle témoigne de la volonté des représentants de la Nation de conforter l’école de la République.  La présente circulaire précise les modalités d’application de la loi du 15 mars 2004. Elle abroge et remplace la circulaire du 12 décembre 1989 relative à la laïcité, au port de signes religieux par les élèves et au caractère obligatoire des enseignements, la circulaire du 26 octobre 1993 sur le respect de la laïcité, et la circulaire du 20 septembre 1994 relative au port de signes ostentatoires dans les établissements scolaires.  

I. – Les principes

La loi du 15 mars 2004 est prise en application du principe constitutionnel de laïcité qui est un des fondements de l’école publique. Ce principe, fruit d’une longue histoire, repose sur le respect de la liberté de conscience et sur l’affirmation de valeurs communes qui fondent l’unité nationale par-delà les appartenances particulières.  L’école a pour mission de transmettre les valeurs de la République parmi lesquelles l’égale dignité de tous les êtres humains, l’égalité entre les hommes et les femmes et la liberté de chacun y compris dans le choix de son mode de vie. Il appartient à l’école de faire vivre ces valeurs, de développer et de conforter le libre arbitre de chacun, de garantir l’égalité entre les élèves et de promouvoir une fraternité ouverte à tous. En protégeant l’école des revendications communautaires, la loi conforte son rôle en faveur d’un vouloir-vivre-ensemble. Elle doit le faire de manière d’autant plus exigeante qu’y sont accueillis principalement des enfants.  L’Etat est le protecteur de l’exercice individuel et collectif de la liberté de conscience. La neutralité du service public est à cet égard un gage d’égalité et de respect de l’identité de chacun.  En préservant les écoles, les collèges et les lycées publics, qui ont vocation à accueillir tous les enfants, qu’ils soient croyants ou non croyants et quelles que soient leurs convictions religieuses ou philosophiques, des pressions qui peuvent résulter des manifestations ostensibles des appartenances religieuses, la loi garantit la liberté de conscience de chacun. Elle ne remet pas en cause les textes qui permettent de concilier, conformément aux articles L. 141-2, L. 141-3 et L. 141-4 du code de l’éducation, l’obligation scolaire avec le droit des parents de faire donner, s’ils le souhaitent, une instruction religieuse à leurs enfants.  Parce qu’elle repose sur le respect des personnes et de leurs convictions, la laïcité ne se conçoit pas sans une lutte déterminée contre toutes les formes de discrimination. Les agents du service public de l’éducation nationale doivent faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté à l’égard de toutes les formes de racisme ou de sexisme, de toutes les formes de violence faite à un individu en raison de son appartenance réelle ou supposée à un groupe ethnique ou religieux. Tout propos, tout comportement qui réduit l’autre à une appartenance religieuse ou ethnique, à une nationalité (actuelle ou d’origine), à une apparence physique, appelle une réponse. Selon les cas, cette réponse relève de l’action pédagogique, disciplinaire, voire pénale. Elle doit être ferme et résolue dans tous les cas où un élève ou un autre membre de la communauté éducative est victime d’une agression (qu’elle soit physique ou verbale) en raison de son appartenance réelle ou supposée à un groupe donné.  Parce que l’intolérance et les préjugés se nourrissent de l’ignorance, la laïcité suppose également une meilleure connaissance réciproque y compris en matière de religion. A cet égard, les enseignements dispensés peuvent tous contribuer à consolider les assises d’une telle connaissance. De même, les activités de « vivre ensemble » à l’école primaire, l’éducation civique au collège ou l’éducation civique, juridique et sociale au lycée constituent des moments privilégiés pour faire progresser la tolérance et le respect de l’autre. Plus spécifiquement, les faits religieux, notamment quand ils sont des éléments explicites des programmes, comme c’est le cas en français et en histoire, doivent être utilisés au mieux dans les enseignements pour apporter aux élèves les éléments de culture indispensables à la compréhension du monde contemporain.   

II. – Le champ d’application de la loi

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation, « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ».  

2.1. La loi interdit les signes et les tenues

 qui manifestent ostensiblement une appartenance religieuse  Les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive. La loi est rédigée de manière à pouvoir s’appliquer à toutes les religions et de manière à répondre à l’apparition de nouveaux signes, voire à d’éventuelles tentatives de contournement de la loi.  La loi ne remet pas en cause le droit des élèves de porter des signes religieux discrets.  Elle n’interdit pas les accessoires et les tenues qui sont portés communément par des élèves en dehors de toute signification religieuse. En revanche, la loi interdit à un élève de se prévaloir du caractère religieux qu’il y attacherait, par exemple, pour refuser de se conformer aux règles applicables à la tenue des élèves dans l’établissement.  

2.2. La loi s’applique aux écoles, aux collèges et aux lycées publics

La loi s’applique à l’ensemble des écoles et des établissements d’enseignement scolaire publics. Dans les lycées, la loi s’applique à l’ensemble des élèves, y compris ceux qui sont inscrits dans des formations post-baccalauréat (classes préparatoires aux grandes écoles, sections de technicien supérieur).  La loi s’applique à l’intérieur des écoles et des établissements et plus généralement à toutes les activités placées sous la responsabilité des établissements ou des enseignants y compris celles qui se déroulent en dehors de l’enceinte de l’établissement (sortie scolaire, cours d’éducation physique et sportive…).  

2.3. La loi ne modifie pas les règles applicables aux agents du service public et aux parents d’élèves

 Les agents contribuant au service public de l’éducation, quels que soient leur fonction et leur statut, sont soumis à un strict devoir de neutralité qui leur interdit le port de tout signe d’appartenance religieuse, même discret. Ils doivent également s’abstenir de toute attitude qui pourrait être interprétée comme une marque d’adhésion ou au contraire comme une critique à l’égard d’une croyance particulière. Ces règles sont connues et doivent être respectées.  La loi ne concerne pas les parents d’élèves. Elle ne s’applique pas non plus aux candidats qui viennent passer les épreuves d’un examen ou d’un concours dans les locaux d’un établissement public d’enseignement et qui ne deviennent pas de ce seul fait des élèves de l’enseignement public. Ceux-ci doivent toutefois se soumettre aux règles d’organisation de l’examen qui visent notamment à garantir le respect de l’ordre et de la sécurité, à permettre la vérification de l’identité des candidats ou à prévenir les risques de fraudes.  

2.4. Les obligations qui découlent, pour les élèves, du respect du principe de laïcité ne se résument pas à la question des signes d’appartenance religieuse

 La loi du 15 mars 2004 complète sur la question du port des signes d’appartenance religieuse le corpus des règles qui garantissent le respect du principe de laïcité dans les écoles, collèges et lycées publics.  Les convictions religieuses des élèves ne leur donnent pas le droit de s’opposer à un enseignement. On ne peut admettre par exemple que certains élèves prétendent, au nom de considérations religieuses ou autres, contester le droit d’un professeur, parce que c’est un homme ou une femme, d’enseigner certaines matières ou le droit d’une personne n’appartenant pas à leur confession de faire une présentation de tel ou tel fait historique ou religieux. Par ailleurs, si certains sujets appellent de la prudence dans la manière de les aborder, il convient d’être ferme sur le principe selon lequel aucune question n’est exclue a priori du questionnement scientifique et pédagogique.  Les convictions religieuses ne sauraient non plus être opposées à l’obligation d’assiduité ni aux modalités d’un examen. Les élèves doivent assister à l’ensemble des cours inscrits à leur emploi du temps sans pouvoir refuser les matières qui leur paraîtraient contraires à leurs convictions. C’est une obligation légale. Les convictions religieuses ne peuvent justifier un absentéisme sélectif par exemple en éducation physique et sportive ou sciences de la vie et de la Terre. Les consignes d’hygiène et de sécurité ne sauraient non plus être aménagées pour ce motif.  Des autorisations d’absence doivent pouvoir être accordées aux élèves pour les grandes fêtes religieuses qui ne coïncident pas avec un jour de congé et dont les dates sont rappelées chaque année par une instruction publiée au Bulletin officiel de l’éducation nationale. En revanche, les demandes d’absence systhématique ou prolongée doivent être refusées dès lors qu’elles sont incompatibles avec l’organisation de la scolarité. L’institution scolaire et universitaire, de son côté, doit prendre les dispositions nécessaires pour qu’aucun examen ni aucune épreuve importante ne soient organisés le jour de ces grandes fêtes religieuses.  

III. – Le dialogue

 Aux termes du second alinéa de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation tel qu’il résulte de la loi du 15 mars 2004, « le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève ».  

3.1. La mise en oeuvre de la loi passe d’abord par le dialogue

 Le second alinéa de l’article L. 141-5-1 illustre la volonté du législateur de faire en sorte que la loi soit appliquée dans le souci de convaincre les élèves de l’importance du respect du principe de laïcité. Il souligne que la priorité doit être donnée au dialogue et à la pédagogie.  Ce dialogue n’est pas une négociation et ne saurait bien sûr justifier de dérogation à la loi.   

3.2. L’organisation du dialogue relève de la responsabilité du chef d’établissement

 Lorsqu’un élève inscrit dans l’établissement se présente avec un signe ou une tenue susceptible de tomber sous le coup de l’interdiction, il importe d’engager immédiatement le dialogue avec lui.  Le chef d’établissement conduit le dialogue en liaison avec l’équipe de direction et les équipes éducatives en faisant notamment appel aux enseignants qui connaissent l’élève concerné et pourront apporter leur contribution à la résolution du problème. Mais cette priorité n’est en rien exclusive de tout autre choix que le chef d’établissement pourrait au cas par cas juger opportun.  Pendant la phase de dialogue, le chef d’établissement veille, en concertation avec l’équipe éducative, aux conditions dans lesquelles l’élève est scolarisé dans l’établissement.  Dans les écoles primaires, l’organisation du dialogue est soumise en tant que de besoin à l’examen de l’équipe éducative prévue à l’article 21 du décret n° 90-788 du 6 septembre 1990.  Le dialogue doit permettre d’expliquer à l’élève et à ses parents que le respect de la loi n’est pas un renoncement à leurs convictions. Il doit également être l’occasion d’une réflexion commune sur l’avenir de l’élève pour le mettre en garde contre les conséquences de son attitude et pour l’aider à construire un projet personnel.  Pendant le dialogue, l’institution doit veiller avec un soin particulier à ne pas heurter les convictions religieuses de l’élève ou de ses parents. Le principe de laïcité s’oppose évidemment à ce que l’Etat ou ses agents prennent parti sur l’interprétation de pratiques ou de commandements religieux.  

3.3. En l’absence d’issue favorable au dialogue

Le dialogue devra être poursuivi le temps utile pour garantir que la procédure disciplinaire n’est utilisée que pour sanctionner un refus délibéré de l’élève de se conformer à la loi.  Si le conseil de discipline prononce une décision d’exclusion de l’élève, il appartiendra à l’autorité académique d’examiner avec l’élève et ses parents les conditions dans lesquelles l’élève poursuivra sa scolarité.  

IV. – Le règlement intérieur

La loi du 15 mars 2004 s’applique à compter de la rentrée scolaire prochaine.  Même si l’interdiction posée par le premier alinéa de l’article L. 141-5-1 est d’application directe, il est utile de la rappeler dans les règlements intérieurs et de veiller à ce que ceux-ci ne comportent plus de référence à la notion de signes ostentatoires qui s’appuyait sur la jurisprudence du Conseil d’Etat à laquelle la loi nouvelle se substitue.  Les règlements intérieurs doivent rappeler, conformément aux prescriptions du second alinéa de l’article L. 141-5-1, que la mise en oeuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève.  Les chefs d’établissement sont invités à soumettre aux conseils d’administration les clauses jointes en annexe.   Les recteurs diffuseront prochainement aux établissements une liste des personnes qui auront pour mission de répondre aux questions que pourraient se poser les chefs d’établissement et les équipes éducatives. Ces correspondants académiques, sous l’autorité du recteur, seront eux-mêmes en contact étroit avec la direction de l’enseignement scolaire et la direction des affaires juridiques qui sont chargées de leur apporter toute l’aide nécessaire dans la mise en oeuvre de la loi. Les recteurs et les correspondants académiques sont, en tant que de besoin, les points de contact avec les tiers intéressés à la mise en oeuvre de la loi.  Chaque chef d’établissement adressera au recteur de son académie avant la fin de l’année scolaire 2004-2005 un compte rendu faisant le bilan des conditions d’application de la loi dans son établissement et des éventuelles difficultés rencontrées. Une attention particulière doit être apportée à la rédaction de ces comptes rendus, qui fourniront les informations nécessaires au travail d’évaluation prévu par l’article 4 de la loi.   François Fillon   A N N E X E  Modèle d’article à insérer dans le règlement intérieur de l’établissement :  « Conformément aux dispositions de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation, le port de signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.  Lorsqu’un élève méconnaît l’interdiction posée à l’alinéa précédent, le chef d’établissement organise un dialogue avec cet élève avant l’engagement de toute procédure disciplinaire. »  

Loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics du 15 mars 2004

Tuesday, October 30th, 2007

Article 1erIl est inséré, dans le code de l’éducation, après l’article L. 141-5, un article L. 141-5-1 ainsi rédigé :« Art. L. 141-5-1. – Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.« Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève. »Article 2I. – La présente loi est applicable :1° Dans les îles Wallis et Futuna ;2° Dans la collectivité départementale de Mayotte ;3° En Nouvelle-Calédonie, dans les établissements publics d’enseignement du second degré relevant de la compétence de l’Etat en vertu du III de l’article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.II. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :1° Au premier alinéa de l’article L. 161-1, les références : « L. 141-4, L. 141-6 » sont remplacées par les références : « L. 141-4, L. 141-5-1, L. 141-6 » ;2° A l’article L.162-1, les références : « L.141-4 à L. 141-6 » sont remplacées par les références : « L. 141-4, L. 141-5, L. 141-5-1, L. 141-6 » ;3° A l’article L.163-1, les références : « L.141-4 à L. 141-6 » sont remplacées par les références : « L. 141-4, L. 141-5, L. 141-6 » ;4° L’article L. 164-1 est ainsi modifié :a) Les références : « L. 141-4 à L. 141-6 » sont remplacées par les références : « L. 141-4, L. 141-5, L. 141-6 » ;b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :« L’article L. 141-5-1 est applicable aux établissements publics d’enseignement du second degré mentionnés au III de l’article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie qui relèvent de la compétence de l’Etat. »III. –  Dans l’article L. 451-1 du même code, il est inséré, après la référence : « L. 132-1, », la référence : « L. 141-5-1, ».Article 3Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à compter de la rentrée de l’année scolaire qui suit sa publication.Article 4Les dispositions de la présente loi font l’objet d’une évaluation un an après son entrée en vigueur.

 

 

La Constitution du 4 octobre 1958

Tuesday, October 30th, 2007

Préambule

Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004.

En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d’Outre-Mer qui manifestent la volonté d’y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l’idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique.

Article 1er :

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

Titre I – De la Souveraineté

Article 2 :

La langue de la République est le français

L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.

L’hymne national est la Marseillaise.

La devise de la République est Liberté, Égalité, Fraternité.

Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946

Tuesday, October 30th, 2007

Préambule

Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après :

La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme.

Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République.

Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.

Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.

Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.

Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.

Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.

La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.

La Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.

La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat.

La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n’entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple.

Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix.

La France forme avec les peuples d’outre-mer une Union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion.

L’Union française est composée de nations et de peuples qui mettent en commun ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer leur sécurité.

Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l’arbitraire, elle garantit à tous l’égal accès aux fonctions publiques et l’exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus.

Loi sur les associations – 1 juillet 1901

Tuesday, October 30th, 2007

TITRE Ier

Article premier

    L’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations.

Article 2

    Les associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration préalable, mais elles ne jouiront de la capacité juridique que si elles se sont conformées aux dispositions de l’article 5.

Article 3

    Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet.

Article 4

    Tout membre d’une association qui n’est pas formée pour un temps déterminé peut s’en retirer en tout temps, après paiement des cotisations échues et de l’année courante, nonobstant toute clause contraire.

Article 5
(modifié ensuite par l’ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 art. 4 – Journal Officiel du 29 juillet 2005 – en vigueur le 1er janvier 2006)

    Toute association qui voudra obtenir la capacité juridique prévue par l’article 6 devra être rendue publique par les soins de ses fondateurs.
    La déclaration préalable en sera faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l’arrondissement où l’association aura son siège social. Elle fera connaître le titre et l’objet de l’association, le siège de ses établissements et les noms, professions et domiciles de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction. Il en sera donné récépissé.
    Deux exemplaires des statuts seront joints à la déclaration.
  Les associations sont tenues de faire connaître, dans les trois mois, tous les changements survenus dans leur administration ou direction, ainsi que toutes les modifications apportées à leurs statuts.

    Ces modifications et changements ne sont opposables aux tiers qu’à partir du jour où ils auront été déclarés.

   Les modifications et changements seront en outre consignés sur un registre spécial qui devra être présenté aux autorités administratives ou judiciaires chaque fois qu’elles en feront la demande.

Article 6
(modifié ensuite par l’ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 art. 2 – Journal Officiel du 29 juillet 2005 – en vigueur le 1er janvier 2006)

    Toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer, en dehors des subventions de l’État, des départements et des communes :

1° Les cotisations de ses membres ou les sommes au moyen desquelles ces cotisations ont été rédimées, ces sommes ne pouvant être supérieures à 500 F ;
2° Le local destiné à l’administration de l’association et à la réunion de ses membres ;
3° Les immeubles strictement nécessaires à l’accomplissement du but qu’elle se propose.

Article 7
(modifié ensuite par la loi n° 71-604 du 20 juillet 1971 – Journal Officiel du 21 juillet 1971)

    En cas de nullité prévue par l’article 3, la dissolution de l’association sera prononcée par le tribunal civil, soit à la requête de tout intéressé, soit à la diligence du ministère public.
    En cas d’infraction aux dispositions de l’article 5, la dissolution pourra être prononcée à la requête de tout intéressé ou du ministère public.

Article 8
(modifié ensuite par l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 – Journal Officiel du 22 septembre 2000 – en vigueur le 1er janvier 2002)

    Seront punis d’une amende de 16 à 200 F, et, en cas de récidive, d’une amende double, ceux qui auront contrevenu aux dispositions de l’article 5.
    Seront punis d’une amende de 16 à 5.000 F, et d’un emprisonnement de six jours à un an, les fondateurs, directeurs ou administrateurs de l’association qui se serait maintenue ou reconstituée illégalement après le jugement de dissolution.
    Seront punies de la même peine toutes les personnes qui auront favorisé la réunion des membres de l’association dissoute, en consentant l’usage d’un local dont elles disposent.

Article 9

    En cas de dissolution volontaire, statutaire ou prononcée par justice, les biens de l’association seront dévolus conformément aux statuts ou, à défaut de disposition statutaire, suivant les règles déterminées en assemblée générale.

TITRE II

Article 10
(modifié ensuite par la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 art. 17 – Journal Officiel du 24 juillet 1987)

    Les associations peuvent être reconnues d’utilité publique par décret rendus en la forme des règlements d’administration publique.

Article 11
(modifié ensuite par l’ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 art. 2 – Journal Officiel du 29 juillet 2005 – en vigueur le 1er janvier 2006)

    Ces associations peuvent faire tous les actes de la vie civile qui ne sont pas interdits par leurs statuts, mais elles ne peuvent posséder ou acquérir d’autres immeubles que ceux nécessaires au but qu’elles se proposent. Toutes les valeurs mobilières d’une association doivent être placées en titres nominatifs.
    Elles peuvent recevoir des dons et des legs dans les conditions prévues par l’article 910 du code civil et l’article 5 de la loi du 4 février 1901. Les immeubles compris dans un acte de donation ou dans une disposition testamentaire qui ne seraient pas nécessaires au fonctionnement de l’association sont aliénés dans les délais et la forme prescrits par le décret ou l’arrêté qui autorise l’acceptation de la libéralité ; le prix en est versé à la caisse de l’association.

    Elles ne peuvent accepter une donation mobilière ou immobilière avec réserve d’usufruit au profit du donateur.

Article 12
(abrogé ensuite par le décret du 12 avril 1939 – Journal Officiel du 16 avril 1939)

    Les associations composées en partie d’étrangers, celles ayant des administrateurs étrangers ou leur siège à l’étranger, et dont les agissements seraient de nature soit à fausser les conditions normales des marchés des valeurs ou des marchandises, soit à menacer la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat, dans les conditions prévues par les articles 75 à 101 du code pénal, pourront être dissoutes par décret du président de la République, rendu en Conseil des ministres.
    Les fondateurs, directeurs ou administrateurs de l’association qui se serait maintenue ou reconstituée illégalement après le décret de dissolution seront punis des meines portées par l’article 8, paragraphe 2.

TITRE III

Article 13
(modifié ensuite par la loi n° 42-505 du 8 avril 1942 – Journal Officiel du 17 avril 1942)

    Aucune congrégation religieuse ne peut se former sans une autorisation donnée par une loi qui déterminera les conditions de son fonctionnement.
    Elle ne pourra fonder aucun nouvel établissement qu’en vertu d’un décret rendu en Conseil d’Etat.
    La dissolution de la congrégation ou la fermeture de tout établissement pourront être prononcées par décret rendu en Conseil des ministres.

Article 14
(abrogé ensuite par la loi du 3 septembre 1940 – Journal Officiel du 4 septembre 1940)

    Nul n’est admis à diriger, soit directement, soit par personne interposée, un établissement d’enseignement, de quelque ordre qu’il soit, ni à y donner l’enseignement, s’il appartient à une congrégation religieuse non autorisée.
    Les contrevenants seront punis des peines prévues par l’article 8, paragraphe 2. La fermeture de l’établissement pourra, en outre, être prononcée par le jugement de condamnation.

Article 15
(modifié ensuite par le décret n° 2004-1159 du 29 octobre 2004 art. 19 – Journal Officiel du 31 octobre 2004 – en vigueur le 1er janvier 2005)

    Toute congrégation religieuse tient un état de ses recettes et dépenses ; elle dresse chaque année le compte financier de l’année écoulée et l’état inventorié de ses biens meubles et immeubles.
    La liste complète de ses membres, mentionnant leur nom patronymique, ainsi que le nom sous lequel ils sont désignés dans la congrégation, leur nationalité, âge et lieu de naissance, la date de leur entrée, doit se trouver au siège de la congrégation.

    Celle-ci est tenue de représenter sans déplacement, sur toute réquisition du préfet à lui même ou à son délégué, les comptes, états et listes ci-dessus indiqués.

    Seront punis des peines portées au paragraphe 2 de l’article 8 les représentants ou directeurs d’une congrégation qui auront fait des communications mensongères ou refusé d’obtempérer aux réquisitions du préfet dans les cas prévus par le présent article.

Article 16
(abrogé ensuite par la loi n° 42-505 du 8 avril 1942 – Journal Officiel du 17 avril 1942)

    Toute congrégation formée sans autorisation sera déclarée illicite.
    Ceux qui en auront fait partie seront punis des peines édictées à l’article 8, paragraphe 2.
    La peine applicable aux fondateurs et administrateurs sera portée au double.

Article 17
(modifié ensuite par la loi n° 42-505 du 8 avril 1942 – Journal Officiel du 17 avril 1942)

    Sont nuls tous actes entre vifs ou testamentaires, à titre onéreux ou gratuit, accomplis soit directement, soit par personne interposée, ou toute autre voie indirecte, ayant pour objet de permettre aux associations légalement ou illégalement formées de se soustraire aux dispositions des articles 2, 6, 9, 11, 13, 14 et 16.
    Sont légalement présumées personnes interposées au profit des congrégations religieuses, mais sous réserve de la preuve contraire :

1° Les associés à qui ont été consenties des ventes ou fait des dons ou legs, à moins, s’il s’agit de dons ou legs, que le bénéficiaire ne soit l’héritier en ligne directe du déposant ;
2° L’associé ou la société civile ou commerciale composée en tout ou partie de membres de la congrégation, propriétaire de tout immeuble occupé par l’association ;
3° Le propriétaire de tout immeuble occupé par l’association, après qu’elle aura été déclarée illicite.

    La nullité pourra être prononcée soit à la diligence du ministère public, soit à la requête de tout intéressé.

Article 18
(modifié ensuite par la loi du 17 juillet 1903 – Journal Officiel du 18 juillet 1903)

    Les congrégations existantes au moment de la promulgation de la présente loi, qui n’auraient pas été antérieurement autorisées ou reconnues, devront, dans le délai de trois mois, justifier qu’elles ont fait les diligences nécessaires pour se conformer à ses prescriptions.
    À défaut de cette justification, elles sont réputées dissoutes de plein droit. Il en sera de même des congrégations auxquelles l’autorisation aura été refusée.
    La liquidation des biens détenus par elles aura lieu en justice. Le tribunal, à la requête du ministère public, nommera, pour y procéder, un liquidateur qui aura pendant toute la durée de la liquidation tous les pouvoirs d’un administrateur séquestre.
    Le jugement ordonnant la liquidation sera rendu public dans la forme prescrite pour les annonces légales.

    Les biens et valeurs appartenant aux membres de la congrégation antérieurement à leur entrée dans la congrégation, ou qui leur seraient échus depuis, soit par succession ab intestat en ligne directe ou collatérale, soit par donation ou legs en ligne directe, leur seront restitués.
    Les dons et legs qui leur auraient été faits autrement qu’en ligne directe pourront être également revendiqués, mais à charge par les bénéficiaires de faire la preuve qu’ils n’ont pas été les personnes interposées prévues par l’article 17.

    Les biens et valeurs acquis, à titre gratuit et qui n’auraient pas été spécialement affectés par l’acte de libéralité à une oeuvre d’assistance pourront être revendiqués par le donateur, ses héritiers ou ayants droit, ou par les héritiers ou ayants droit du testateur, sans qu’il puisse leur être opposé aucune prescription pour le temps écoulé avant le jugement prononçant la liquidation.
    Si les biens et valeurs ont été donnés ou légués en vue de gratifier non les congréganistes, mais de pourvoir à une oeuvre d’assistance, ils ne pourront être revendiqués qu’à charge de pourvoir à l’accomplissement du but assigné à la libéralité.
    Toute action en reprise ou revendication devra, à peine de forclusion, être formée contre le liquidateur dans le délai de six mois à partir de la publication du jugement. Les jugements rendus contradictoirement avec le liquidateur, et ayant acquis l’autorité de la chose jugée, sont opposables à tous les intéressés.
    Passé le délai de six mois, le liquidateur procédera à la vente en justice de tous les immeubles qui n’auraient pas été revendiqués ou qui ne seraient pas affectés à une oeuvre d’assistance.
    Le produit de la vente, ainsi que toutes les valeurs mobilières, sera déposé à la Caisse des dépôts et consignations.

    L’entretien des pauvres hospitalisés sera, jusqu’à l’achèvement de la liquidation, considéré comme frais privilégiés de liquidation.
    S’il n’y a pas de contestation ou lorsque toutes les actions formées dans le délai prescrit auront été jugées, l’actif net est réparti entre les ayants droit.

    Le règlement d’administration publique visé par l’article 20 de la présente loi déterminera, sur l’actif resté libre après le prélèvement ci-dessus prévu, l’allocation, en capital ou sous forme de rente viagère, qui sera attribuée aux membres de la congrégation dissoute qui n’auraient pas de moyens d’existence assurés ou qui justifieraient avoir contribué à l’acquisition des valeurs mises en distribution par le produit de leur travail personnel.

Article 19
(abrogé ensuite par la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 art. 323 – Journal Officiel du 23 décembre 1992 – en vigueur le 1er mars 1994)

    Les dispositions de l’article 463 du code pénal sont applicables aux délits prévus par le présente loi.

Article 20

    Un règlement d’administration publique déterminera les mesures propres à assurer l’exécution de la présente loi.

Article 21

    Sont abrogés les articles 291, 292, 293 du code pénal, ainsi que les dispositions de l’article 294 du même code relatives aux associations ; l’article 20 de l’ordonnance du 5-8 juillet 1820 ; la loi du 10 avril 1834 ; l’article 13 du décret du 28 juillet 1848 ; l’article 7 de la loi du 30 juin 1881 ; la loi du 14 mars 1872 ; le paragraphe 2, article 2, de la loi du 24 mai 1825 ; le décret du 31 janvier 1852 et, généralement, toutes les dispositions contraires à la présente loi.
    Il n’est en rien dérogé pour l’avenir aux lois spéciales relatives aux syndicats professionnels, aux sociétés de commerce et aux sociétés de secours mutuels.

Article 21 bis
(ajouté par la loi n° 81-909 du 9 octobre 1981, art. 3 –Journal Officiel du 10 octobre 1981 – rectificatif au Journal Officiel du 16 octobre 1981)

        La présente loi est applicable aux territoires d’outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte.

Le Président de la République :
EMILE LOUBET.

Le Président du Conseil, ministre de l’intérieur et des cultes :
WALDECK-ROUSSEAU.

Loi de séparation des Eglises et de l’Etat – 9 décembre 1905

Tuesday, October 30th, 2007

 
Le Sénat et la Chambre des Députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit : 
 

Titre Ier : Principes.

Article 1

    La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

 

Article 2

    La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.
    Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
    Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3.

Titre II : Attribution des biens, pensions.

Article 3

    Les établissements dont la suppression est ordonnée par l’article 2 continueront provisoirement de fonctionner, conformément aux dispositions qui les régissent actuellement, jusqu’à l’attribution de leurs biens aux associations prévues par le titre IV et au plus tard jusqu’à l’expiration du délai ci-après.
    Dès la promulgation de la présente loi, il sera procédé par les agents de l’administration des domaines à l’inventaire descriptif et estimatif :
    1° Des biens mobiliers et immobiliers desdits établissements ;
    2° Des biens de l’Etat, des départements et des communes dont les mêmes établissements ont la jouissance.
   Ce double inventaire sera dressé contradictoirement avec les représentants légaux des établissements ecclésiastiques ou eux dûment appelés par une notification faite en la forme administrative.
    Les agents chargés de l’inventaire auront le droit de se faire communiquer tous titres et documents utiles à leurs opérations.

Article 4

    Dans le délai d’un an, à partir de la promulgation de la présente loi, les biens mobiliers et immobiliers des menses, fabriques, conseils presbytéraux, consistoires et autres établissements publics du culte seront, avec toutes les charges et obligations qui les grèvent et avec leur affectation spéciale, transférés par les représentants légaux de ces établissements aux associations qui, en se conformant aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice, se seront légalement formées, suivant les prescriptions de l’article 19, pour l’exercice de ce culte dans les anciennes circonscriptions desdits établissements.

Article 5

    Ceux des biens désignés à l’article précédent qui proviennent de l’Etat et qui ne sont pas grevés d’une fondation pieuse créée postérieurement à la loi du 18 germinal an X feront retour à l’Etat.
   Les attributions de biens ne pourront être faites par les établissements ecclésiastiques qu’un mois après la promulgation du règlement d’administration publique prévu à l’article 43. Faute de quoi la nullité pourra en être demandée devant le tribunal de grande instance par toute partie intéressée ou par le ministère public.
    En cas d’aliénation par l’association cultuelle de valeurs mobilières ou d’immeubles faisant partie du patrimoine de l’établissement public dissous, le montant du produit de la vente devra être employé en titres de rente nominatifs ou dans les conditions prévues au paragraphe 2 de l’article 22.
     L’acquéreur des biens aliénés sera personnellement responsable de la régularité de cet emploi.
    Les biens revendiqués par l’Etat, les départements ou les communes ne pourront être aliénés, transformés ni modifiés jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la revendication par les tribunaux compétents.

Article 6

(modifié ensuite par loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

    Les associations attributaires des biens des établissements ecclésiastiques supprimés seront tenues des dettes de ces établissements ainsi que de leurs emprunts sous réserve des dispositions du troisième paragraphe du présent article ; tant qu’elles ne seront pas libérées de ce passif, elles auront droit à la jouissance des biens productifs de revenus qui doivent faire retour à l’Etat en vertu de l’article 5.
    Les annuités des emprunts contractés pour dépenses relatives aux édifices religieux, seront supportées par les associations en proportion du temps pendant lequel elles auront l’usage de ces édifices par application des dispositions du titre III.
    Dans le cas où l’Etat, les départements ou les communes rentreront en possession de ceux des édifices dont ils sont propriétaires, ils seront responsables des dettes régulièrement contractées et afférentes auxdits édifices.

Article 7

(modifié ensuite par loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

    Les biens mobiliers ou immobiliers grevés d’une affectation charitable ou d’une toute autre affectation étrangère à l’exercice du culte seront attribués, par les représentants légaux des établissements ecclésiastiques, aux services ou établissements publics ou d’utilité publique, dont la destination est conforme à celle desdits biens. Cette attribution devra être approuvée par le préfet du département où siège l’établissement ecclésiastique. En cas de non-approbation, il sera statué par décret en Conseil d’Etat.
    Toute action en reprise ou en revendication devra être excercée dans un délai de six mois à partir du jour où l’arrêté préfectoral ou le décret approuvant l’attribution aura été inséré au Journal Officiel. L’action ne pourra être intentée qu’en raison de donations ou de legs et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe.

Article 8

    Faute par un établissement ecclésiastique d’avoir, dans le délai fixé par l’article 4, procédé aux attributions ci-dessus prescrites, il y sera pourvu par décret.
    A l’expiration dudit délai, les biens à attribuer seront, jusqu’à leur attribution, placés sous séquestre.
    Dans le cas où les biens attribués en vertu de l’article 4 et du paragraphe 1er du présent article seront, soit dès l’origine, soit dans la suite, réclamés par plusieurs associations formées pour l’exercice du même culte, l’attribution qui en aura été faite par les représentants de l’établissement ou par décret pourra être contestée devant le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, lequel prononcera en tenant compte de toutes les circonstances de fait.
    La demande sera introduite devant le Conseil d’Etat, dans le délai d’un an à partir de la date du décret ou à partir de la notification, à l’autorité préfectorale, par les représentants légaux des établissements publics du culte, de l’attribution effectuée par eux. Cette notification devra être faite dans le délai d’un mois.
    L’attribution pourra être ultérieurement contestée en cas de scission dans l’association nantie, de création d’association nouvelle par suite d’une modification dans le territoire de la circonscription ecclésiastique et dans le cas où l’association attributaire n’est plus en mesure de remplir son objet.

Article 9

(modifié ensuite par la loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

    A défaut de toute association pour recueillir les biens d’un établissement public du culte, ces biens seront attribués par décret à des établissements communaux d’assistance ou de bienfaisance situés dans les limites territoriales de la circonscription ecclésiastique intéressée.
    En cas de dissolution d’une association, les biens qui lui auront été dévolus en exécution des articles 4 et 8 seront attribués par décret rendu en Conseil d’Etat, soit à des associations analogues dans la même circonscription ou, à leur défaut, dans les circonscriptions les plus voisines, soit aux établissements visés au paragraphe 1er du présent article.
    Toute action en reprise ou en revendication devra être exercée dans un délai de six mois à partir du jour où le décret aura été inséré au Journal Officiel. L’action ne pourra être intentée qu’en raison de donations ou de legs et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe.

Article 10

(modifié ensuite par la loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

    Les attributions prévues par les articles précédents ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor.

Article 11

    Les ministres des cultes qui, lors de la promulgation de la présente loi, seront âgés de plus de soixante ans révolus et qui auront, pendant trente ans au moins, rempli des fonctions ecclésiastiques rémunérées par l’Etat, recevront une pension annuelle et viagère égale aux trois quarts de leur traitement.
    Ceux qui seront âgés de plus de quarante-cinq ans et qui auront, pendant vingt ans au moins, rempli des fonction ecclésiastiques rémunérées par l’Etat recevront une pension annuelle et viagère égale à la moitié de leur traitement.
    Les pensions allouées par les deux paragraphes précédents ne pourront pas dépasser 1500 francs (15 F).
    En cas de décès des titulaires, ces pensions sont réversibles. jusqu’à concurrence de la moitié de leur montant au profit de la veuve et des orphelins mineurs laissés par le défunt et, jusqu’à concurrence du quart, au profit de la veuve sans enfants mineurs. A la majorité des orphelins, leur pension s’éteindra de plein droit.
    Les ministres des cultes actuellement salariés par l’Etat, qui ne seront pas dans les conditions ci-dessus, recevront, pendant quatre ans à partir de la suppression du budget des cultes, une allocation égale à la totalité de leur traitement pour la première année, aux deux tiers pour la deuxième à la moitié pour la troisième, au tiers pour la quatrième.
    Toutefois, dans les communes de moins de 1000 habitants et pour les ministres des cultes qui continueront à y remplir leurs fonctions, la durée de chacune des quatre périodes ci-dessus indiquée sera doublée.
    Les départements et les communes pourront, sous les mêmes conditions que l’Etat, accorder aux ministres des cultes actuellement salariés, par eux, des pensions ou des allocations établies sur la même base et pour une égale durée.
    Réserve et faite des droits acquis en matière de pensions par application de la législation antérieure, ainsi que des secours accordés, soit aux anciens ministres des différents cultes, soit à leur famille.
    Les pensions prévues aux deux premiers paragraphes du présent article ne pourront se cumuler avec toute autre pension ou tout autre traitement alloué, à titre quelconque par l’Etat les départements ou les communes.
    La loi du 27 juin 1885, relative au personnel des facultés de théologie catholique supprimées est applicable aux professeurs, chargés de cours, maîtres de conférences et étudiants des facultés de théologie protestante.
    Les pensions et allocation prévues ci-dessus seront incessibles et insaisissables dans les mêmes conditions que les pensions civiles. Elles cesseront de plein droit en cas de condamnation à une peine afflictive ou infamante ou en cas de condamnation pour l’un des délits prévus aux articles 34 et 35 de la présente loi.
    Le droit à l’obtention ou a la jouissance d’une pension ou allocation sera suspendu par les circonstances qui font perdre la qualité de Français durant la privation de cette qualité.
    Les demandes de pension devront être, sous peine de forclusion, formées dans le délai d’un an après la promulgation de la présente loi.

Titre III : Des édifices des cultes.

Article 12

(modifié ensuite par la loi 98-546 du 2 Juillet 1998 art. 94 I – Journal Officiel du 3 juillet 1998)

    Les édifices qui ont été mis à la disposition de la nation et qui, en vertu de la loi du 18 germinal an X, servent à l’exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres (cathédrales, églises, chapelles, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), ainsi que leur dépendances immobilières, et les objets mobiliers qui les garnissaient au moment où lesdits édifices ont été remis aux cultes, sont et demeurent propriétés de l’Etat, des départements, des communes.
    Pour ces édifices, comme pour ceux postérieurs à la loi du 18 germinal an X, dont l’Etat, les départements et les communes seraient propriétaires, y compris les facultés de théologie protestante, il sera procédé conformément aux dispositions des articles suivants.

Article 13

(modifié ensuite par la loi 98-546 du 2 Juillet 1998 art. 94 II – Journal Officiel du 3 juillet 1998)

    Les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II.
    La cessation de cette jouissance, et, s’il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret, sauf recours au Conseil d’Etat statuant au contentieux :
1° Si l’association bénéficiaire est dissoute ;
2° Si, en dehors des cas de force majeure, le culte cesse d’être célébré pendant plus de six mois consécutifs ;
3° Si la conservation de l’édifice ou celle des objets mobiliers classés en vertu de la loi de 1887 et de l’article 16 de la présente loi est compromise par insuffisance d’entretien, et après mise en demeure dûment notifiée du conseil municipal ou, à son défaut du préfet ;
4° Si l’association cesse de remplir son objet ou si les édifices sont détournés de leur destination ;
5° Si elle ne satisfait pas soit aux obligations de l’article 6 ou du dernier paragraphe du présent article, soit aux prescriptions relatives aux monuments historiques.
    La désaffectation et ces immeubles pourra, dans les cas ci-dessus prévus être prononcée par décret rendu en Conseil d’Etat. En dehors de ces cas, elle ne pourra l’être que par une loi.
    Les immeubles autrefois affectés aux cultes et dans lesquels les cérémonies du culte n’auront pas été célébrées pendant le délai d’un an antérieurement à la présente loi, ainsi que ceux qui ne seront pas réclamés par une association cultuelle dans le délai de deux ans après sa promulgation, pourront être désaffectés par décret.
    Il en est de même pour les édifices dont la désaffectation aura été demandée antérieurement au 1er juin 1905.
    Les établissements publics du culte, puis les associations bénéficiaires, seront tenus des réparations de toute nature, ainsi que des frais d’assurance et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles les garnissant.

Article 14

(modifié ensuite par la loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

    Les archevêchés, évêchés, les presbytères et leurs dépendances, les grands séminaires et facultés de théologie protestante seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations prévues à l’article 13, savoir : les archevêchés, et évêchés pendant une période de deux années ; les presbytères dans les communes où résidera le ministre du culte, les grands séminaires et facultés de théologie protestante, pendant cinq années à partir de la promulgation de la présente loi.
    Les établissements et associations sont soumis, en ce qui concerne ces édifices, aux obligations prévues par le dernier paragraphe de l’article 13. Toutefois, ils ne seront pas tenus des grosses réparations.
    La cessation de la jouissance des établissements et associations sera prononcée dans les conditions et suivant les formes déterminées par l’article 13. Les dispositions des paragraphes 3 et 5 du même article sont applicables aux édifices visés par le paragraphe 1er du présent article.
    La distraction des parties superflues des presbytères laissés à la disposition des associations cultuelles pourra, pendant le délai prévu au paragraphe 1er, être prononcée pour un service public par décret rendu en Conseil d’Etat.
A l’expiration des délais de jouissance gratuite, la libre disposition des édifices sera rendue à l’Etat, aux départements ou aux communes.
    Les indemnités de logement incombant actuellement aux communes, à défaut de presbytère, par application de l’article 136 de la loi du 5 avril 1884, resteront à leur charge pendant le délai de cinq ans. Elles cesseront de plein droit en cas de dissolution de l’association.

Article 15

    Dans les départements de la Savoie, de la Haute-Savoie et des Alpes-Maritimes, la jouissance des édifices antérieurs à la loi du 18 germinal an X, servant à l’exercice des cultes ou au logement de leurs ministres, sera attribuée par les communes sur le territoire desquelles ils se trouvent, aux associations cultuelles, dans les conditions indiquées par les articles 12 et suivants de la présente loi. En dehors de ces obligations, les communes pourront disposer librement de la propriété de ces édifices.
    Dans ces mêmes départements, les cimetières resteront la propriété des communes.

Article 16

    Il sera procédé à un classement complémentaire des édifices servant à l’exercice public du culte (cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), dans lequel devront être compris tous ceux de ces édifices représentant, dans leur ensemble ou dans leurs parties, une valeur artistique ou historique.
    Les objets mobiliers ou les immeubles par destination mentionnés à l’article 13, qui n’auraient pas encore été inscrits sur la liste de classement dressée en vertu de la loi du 30 mars 1887, sont, par l’effet de la présente loi, ajoutés à ladite liste. Il sera procédé par le ministre compétent, dans le délai de trois ans, au classement définitif de ceux de ces objets dont la conservation présenterait, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt suffisant. A l’expiration de ce délai, les autres objets seront déclassés de plein droit.
    En outre, les immeubles et les objets mobiliers, attribués en vertu de la présente loi aux associations, pourront être classés dans les mêmes conditions que s’ils appartenaient à des établissements publics.
    Il n’est pas dérogé, pour le surplus, aux dispositions de la loi du 30 mars 1887.
    Les archives ecclésiastiques et bibliothèques existant dans les archevêchés, évêchés, grands séminaires, paroisses, succursales et leurs dépendances, seront inventoriées et celles qui seront reconnues propriété de l’Etat lui seront restituées.

Article 17

(modifié ensuite par la loi du 31 Décembre 1913 – Journal Officiel du 4 janvier 1914)

    Les immeubles par destination classés en vertu de la loi du 30 mars 1887 ou de la présente loi sont inaliénables et imprescriptibles.
    Dans le cas où la vente ou l’échange d’un objet classé serait autorisé par le ministre compétent, un droit de préemption est accordé : 1° aux associations cultuelles ; 2° aux communes ; 3° aux départements ; 4° aux musées et sociétés d’art et d’archéologie ; 5° à l’Etat. Le prix sera fixé par trois experts que désigneront le vendeur, l’acquéreur et le président du tribunal civil.
    Si aucun des acquéreurs visés ci-dessus ne fait usage du droit de préemption la vente sera libre ; mais il est interdit à l’acheteur d’un objet classé de le transporter hors de France.
    Nul travail de réparation, restauration ou entretien à faire aux monuments ou objets mobiliers classés ne peut être commencé sans l’autorisation du Ministre des Beaux-Arts, ni exécuté hors de la surveillance de son administration, sous peine, contre les propriétaires, occupants ou détenteurs qui auraient ordonné ces travaux, d’une amende de seize à quinze cents francs.
    Tout infraction aux dispositions ci-dessus ainsi qu’à celles de l’article 16 de la présente loi et des articles 4, 10, 11, 12 et 13 de la loi du 30 mars 1887 sera punie d’une amende de cent à dix mille francs et d’un emprisonnement de six jours à trois mois, ou de l’une de ces deux peines seulement.
    La visite des édifices et l’exposition des objets mobiliers classés seront publiques ; elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance.

Titre IV : Des associations pour l’exercice des cultes.

Article 18

    Les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi.

Article 19

(modifié ensuite par la loi 42-1114 du 25 Décembre 1942 – Journal Officiel du 2 janvier 1943 et par le Décret 66-388 du 13 Juin 1966 art. 8 – Journal Officiel du 17 juin 1966)

    Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte et être composés au moins :
    Dans les communes de moins de 1.000 habitants, de sept personnes ;
    Dans les communes de 1.000 à 20.000 habitants, de quinze personnes ;
    Dans les communes dont le nombre des habitants est supérieur à 20.000, de vingt-cinq personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse.
    Chacun de leurs membres pourra s’en retirer en tout temps, après payement des cotisations échues et de celles de l’année courante, nonobstant toute clause contraire.
    Nonobstant toute clause contraire des statuts, les actes de gestion financière et d’administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs seront, chaque année au moins présentés au contrôle de l’assemblée générale des membres de l’association et soumis à son approbation.
    Les associations pourront recevoir, en outre, des cotisations prévues par l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901, le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, percevoir des rétributions : pour les cérémonies et services religieux même par fondation ; pour la location des bancs et sièges ; pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration de ces édifices.
    Elles pourront verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d’autres associations constituées pour le même objet.
    Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux monuments classés.

Article 20

    Ces associations peuvent, dans les formes déterminées par l’article 7 du décret du 16 août 1901, constituer des unions ayant une administration ou une direction centrale ; ces unions seront réglées par l’article 18 et par les cinq derniers paragraphes de l’article 19 de la présente loi.

Article 21

    Les associations et les unions tiennent un état de leurs recettes et de leurs dépenses ; elles dressent chaque année le compte financier de l’année écoulée et l’état inventorié de leurs biens, meubles et immeubles.
    Le contrôle financier est exercé sur les associations et sur les unions par l’administration de l’enregistrement et par l’inspection générale des finances.

Article 22

    Les associations et unions peuvent employer leurs ressources disponibles à la constitution d’un fonds de réserve suffisant pour assurer les frais et l’entretien du culte et ne pouvant, en aucun cas, recevoir une autre destination : le montant de cette réserve ne pourra jamais dépasser une somme égale, pour les unions et associations ayant plus de cinq mille francs (5.000 fr) de revenu, à trois fois et, pour les autres associations, à six fois la moyenne annuelle des sommes dépensées par chacune d’entre elles pour les frais du culte pendant les cinq derniers exercices.
    Indépendamment de cette réserve, qui devra être placée en valeurs nominatives, elles pourront constituer une réserve spéciale dont les fonds devront êtres déposés, en argent ou en titres nominatifs, à la Caisse des dépôts et consignations pour y être exclusivement affectés, y compris les intérêts, à l’achat, à la construction, à la décoration ou à la réparation d’immeubles ou meubles destinés aux besoins de l’association ou de l’union.

Article 23

    Seront punis d’une amende de seize francs à deux cents francs et, en cas de récidive, d’une amende double, les directeurs ou administrateurs d’une association ou d’une union qui auront contrevenu aux articles 18, 19, 20, 21 et 22.
    Les tribunaux pourront, dans le cas d’infraction au paragraphe 1er de l’article 22, condamner l’association ou l’union à verser l’excédent constaté aux établissements communaux d’assistance ou de bienfaisance.
    Ils pourront, en outre, dans tous les cas prévus au paragraphe 1er du présent article, prononcer la dissolution de l’association ou de l’union.

Article 24

    Les édifices affectés à l’exercice du culte appartenant à l’Etat, aux départements ou aux communes continueront à être exemptés de l’impôt foncier et de l’impôt des portes et fenêtres.
    Les édifices servant au logement des ministres des cultes, les séminaires, les facultés de théologie protestante qui appartiennent à l’Etat, aux départements ou aux communes, les biens qui sont la propriété des associations et unions sont soumis aux mêmes impôts que ceux des particuliers.
    Toutefois, les édifices affectés à l’exercice du culte qui ont été attribués aux associations ou unions en vertu des dispositions de l’article 4 de la présente loi sont, au même titre que ceux qui, appartiennent à l’Etat, aux départements et aux communes, exonérés de l’impôt foncier et de l’impôt des portes et fenêtres.
    Les associations et unions ne sont en aucun cas assujetties à la taxe d’abonnement ni à celle imposée aux cercles par article 33 de la loi du 8 août 1890, pas plus qu’à l’impôt de 4 % sur le revenu établi par les lois du 28 décembre 1880 et 29 décembre 1884.

Titre V : Police des cultes.

Article 25

    Les réunions pour la célébration d’une culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités de l’article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l’intérêt de l’ordre public.

 

Article 26

    Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte.

Article 27

    Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte, sont réglées en conformité de l’article 97 du Code de l’administration communale.
    Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l’association cultuelle, par arrêté préfectoral.
    Le règlement d’administration publique prévu par l’article 43 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels le sonneries civiles pourront avoir lieu.

Article 28

    Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions.

Article 29

    Les contraventions aux articles précédents sont punies des peines de police.
    Sont passibles de ces peines, dans le cas des articles 25, 26 et 27, ceux qui ont organisé la réunion ou manifestation, ceux qui y ont participé en qualité de ministres du culte et, dans le cas des articles 25 et 26, ceux qui ont fourni le local.

Article 30

(abrogé ensuite par l’Ordonnance 2000-549 du 15 Juin 2000 art. 7 – Journal Officiel du 22 juin 2000)

    Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi du 28 mars 1882, l’enseignement religieux ne peut être donné aux enfants âgés de six à treize ans, inscrits dans les écoles publiques, qu’en dehors des heures de classe.
    Il sera fait application aux ministres des cultes qui enfreindraient ces prescriptions des dispositions de l’article 14 de la loi précitée.

Article 31

    Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte.

Article 32

    Seront punis des mêmes peines ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d’un culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices.

Article 33

    Les dispositions des deux articles précédents ne s’appliquent qu’aux troubles, outrages ou voies de fait, dont la nature ou les circonstances ne donneront pas lieu à de plus fortes peines d’après les dispositions du Code pénal.

Article 34

    Tout ministre d’un culte qui, dans les lieux où s’exerce ce culte, aura publiquement par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé d’un service public, sera puni d’une amende de 500 francs à trois mille francs et d’un emprisonnement de un mois à un an, ou de l’une de ces deux peines seulement.
    La vérité du fait diffamatoire, mais seulement s’il est relatif aux fonctions, pourra être établi devant le tribunal correctionnel dans les formes prévues par l’article 52 de la loi du 29 juillet 1881. Les prescriptions édictées par l’article 65 de la même loi s’appliquent aux délits du présent article et de l’article qui suit.

Article 35

    Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile.

Article 36

    Dans le cas de condamnation par les tribunaux de police ou de police correctionnelle en application des articles 25 et 26, 34 et 35, l’association constituée pour l’exercice du culte dans l’immeuble où l’infraction a été commise sera civilement responsable.

Titre VI : Dispositions générales.

Article 37

    L’article 463 du Code pénal et la loi du 26 mars 1891 sont applicables à tous les cas dans lesquels la présente loi édicte des pénalités.

Article 38

    Les congrégations religieuses demeurent soumises aux lois des 1er juillet 1901, 4 décembre 1902 et 7 juillet 1904.

Article 39

    Les jeunes gens, qui ont obtenu à titre d’élèves ecclésiastiques la dispense prévue par l’article 23 de la loi du 15 juillet 1889, continueront à en bénéficier conformément à l’article 99 de la loi du 21 mars 1905, à la condition qu’à l’âge de vingt-six ans ils soient pourvus d’un emploi de ministre du culte rétribué par une association cultuelle et sous réserve des justifications qui seront fixées par un règlement d’administration publique.

Article 40

    Pendant huit années à partir de la promulgation de la présente loi, les ministres du culte seront inéligibles au conseil municipal dans les communes où ils exerceront leur ministère ecclésiastique.

Article 41

(abrogé ensuite par le Décret-loi du 4 Avril 1934 – Journal Officiel du 5 avril 1934 en vigueur le 1er janvier 1935)

    Les sommes rendues disponibles chaque année par la suppression du budget des cultes seront réparties entre les communes au prorata du contingent de la contribution foncière des propriétés non bâties qui leur aura été assigné pendant l’excercice qui précèdera la promulgation de la présente loi.

Article 42

(abrogé ensuite par la loi 73-4 du 2 Janvier 1973 art. 2 – Journal Officiel du 3 janvier 1973)

    Les dispositions légales relatives aux jours actuellement feriés sont maintenues.

Article 43

    Un règlement d’administration publique rendu dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente loi déterminera les mesures propres à assurer son application.
    Des règlements d’administration publique détermineront les conditions dans lesquelles la présente loi sera applicable en Algérie et aux colonies.

Article 44

    Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions relatives à l’organisation publique des cultes antérieurement reconnus par l’Etat, ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi et notamment :
1° La loi du 18 germinal an X, portant que la convention passée le 26 messidor an IX entre le pape et le Gouvernement français, ensemble les articles organiques de ladite convention et des cultes protestants, seront exécutés comme des lois de la République ;
2° Le décret du 26 mars 1852 et la loi du 1er août 1879 sur les cultes protestants ;
3° Les décrets du 17 mars 1808, la loi du 8 février 1831 et l’ordonnance du 25 mai 1844 sur le culte israélite ;
4° Les décrets des 22 décembre 1812 et 19 mars 1859 ;
5° Les articles 201 à 208, 260 à 264, 294 du Code pénal ;
6° Les articles 100 et 101, les paragraphes 11 et 12, de l’article 136 et l’article 167 de la loi du 5 avril 1884 ;
7° Le décret du 30 décembre 1809 et l’article 78 de la loi du 26 janvier 1892.

 

Le Président de la République,
Emile LOUBET
Le président du conseil, ministre des affaires étrangères,
ROUVIER
Le ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes,
Bienvenu MARTIN
Le ministre de l’intérieur,
F. DUBIEF
Le ministre des finances,
P. MERLOU
Le ministre des colonies,
CLEMENTEL.

Ferdinand Buisson – Définition de la laïcité – 1911

Tuesday, October 30th, 2007

 

Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire

Définition du terme : LAICITÉ.

Ce mot est nouveau, et, quoique correctement formé, il n’est pas encore d’un usage général. Cependant le néologisme est nécessaire, aucun autre terme ne permettant d’exprimer sans périphrase la même idée dans son ampleur.

La laïcité de l’école à tous les degrés n’est autre chose que l’application à l’école du régime qui a prévalu dans toutes nos institutions sociales. Nous sommes partis comme la plupart des peuples, d’un état de choses qui consistait essentiellement dans la confusion de tous les pouvoirs et de tous les domaines, dans la subordination de toutes les autorités à une autorité unique, celle de la religion. Ce n’est que par le lent travail des siècles que peu à peu les diverses fonctions de la vie publique se sont distinguées, séparées les unes des autres et affranchies de la tutelle étroite de l’Eglise. La force des choses a de très bonne heure amené la sécularisation de l’armée, puis celle des fonctions administratives et civiles, puis celle de la justice. Toute société qui ne veut pas rester à l’état de théocratie pure est bientôt obligée de constituer comme forces distinctes de l’Eglise, sinon indépendantes et souveraines, les trois pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire.

Mais la sécularisation n’est pas complète quand sur chacun de ces pouvoirs et sur tout l’ensemble de la vie publique et privée le clergé conserve un droit d’immixtion, de surveillance, de contrôle et de veto. Telle était précisément la situation de notre société jusqu’à la Déclaration universelle des droits de l’homme. La Révolution française fit apparaître pour la première fois dans sa netteté entière l’idée de l’Etat laïque, de l’Etat neutre entre tous les cultes, indépendant de tous les clergés, dégagé de toute conception théologique. L’égalité de tous les Français devant la loi, la liberté de tous les citoyens, la constitution de l’état civil et du mariage civil, et en général l’exercice de tous les droits civils désormais assuré en dehors de toute condition religieuse, telles furent les mesures décisives qui consommèrent l’oeuvre de sécularisation. Malgré les réactions, malgré tant de retours directs ou indirects à l’ancien régime, malgré près d’un siècle d’oscillations et d’hésitations politiques, le principe a survécu : la grande idée, la notion fondamentale de l’Etat laïque, c’est à dire la délimitation profonde entre le temporel et le spirituel, est entrée dans nos moeurs de manière à ne plus en sortir. Les inconséquences dans la pratique, les concessions de détail, les hypocrisies masquées sous le nom de respect des traditions, rien n’a pu empêcher la société française de devenir, à tout prendre, la plus laïque, la plus séculière de l’Europe.

Un seul domaine avait échappé jusqu’à ces dernières années à cette transformation : c’était l’instruction publique, ou plus exactement l’instruction primaire, car l’enseignement supérieur n’était plus tenu depuis longtemps à aucune sujétion, et quant à l’enseignement secondaire, il n’y était plus astreint que pour ses élèves internes, c’est à dire en tant que l’Etat se substituant aux familles est tenu d’assurer eaux enfants, dans les murs des collèges où ils sont enfermés, les moyens d’instruction religieuse qu’ils ne peuvent aller rechercher au dehors. L’enseignement primaire public, au contraire, restait essentiellement confessionnel : non seulement l’école devait donner un enseignement dogmatique formel, mais encore, et par une conséquence facile à prévoir, tout dans l’école, maîtres et élèves, programmes et méthodes, livres, règlements, était placé sous l’inspection ou sous la direction des autorités religieuses.

L’histoire même de notre enseignement primaire expliquait ce régime.

Par des motifs divers, tous les gouvernements qui se sont succédé chez nous depuis le Consulat avaient répudié les projets de la Convention et mis tous leurs soins à reconstituer et à maintenir le système ancien de l’école confessionnelle. Un système qui a pour lui une existence de plusieurs siècles, tout un ensemble d’écoles formées et de maîtres en possession d’état, qui a de plus l’approbation du clergé, celle de tous les partis sauf un seul, et qui a enfin en sa faveur des considérations économiques toujours puissantes même auprès des municipalités théoriquement opposées à l’enseignement clérical, ce système ne pouvait être abandonné. Et pour qu’un gouvernement résolût d’y substituer hardiment le régime de la laïcité, il fallait que d’une part l’opinion publique fût revenue aux traditions de 1789 et 1792 et vit d’une vue bien claire la nécessité d’accomplir dans l’instruction publique la même révolution que dans tout le reste de nos institutions, et il fallait d’autre part que le gouvernement fût en mesure de lever les nombreux obstacles préalables qui empêchaient de songer à cette transformation, c’est à dire qu’il fût maître de l’enseignement public, qu’il en tint le budget dans sa main, qu’il l’eût rendu gratuit et obligatoire, qu’il l’eut dégagé de la tutelle des communes et de celle des bienfaiteurs de toute sorte qui, sous prétexte de le doter plus ou moins richement, se réservaient le droit de le faire diriger à leur gré.

C’est à une date très récente encore que ces diverses conditions se sont trouvées remplies et que la loi française a pu établir la laïcité de l’école primaire. On sait après quels débats acharnés et au prix de quels efforts persévérants la loi du 28 mars 1882 a pu être promulguée.

Quelques pays nous avaient précédé dans cette voie.

Dès le commencement du siècle, la Hollande avait adopté le principe de l’école neutre : la loi de 1806 excluait de l’école l’enseignement religieux dogmatique et stipulait que cet enseignement ne pourrait être donné qu’en dehors des heures de classe, par les membres des différentes confessions. La loi de 1857 disait : « L’instruction religieuse est abandonnée aux communions religieuses. Les locaux scolaires pourront, en dehors des heures de classe, être mis à leur disposition pour les élèves qui fréquentent l’école. » Les lois du 17 août 1879 et 3 et 5 juin 1905 ont maintenu cette disposition.

En Autriche, le loi du 14 mai 1869, tout en plaçant la religion au nombre des branches obligatoires d’enseignement à l’école primaire, dit que l’enseignement religieux doit être donné par les ministres des différents cultes. Toutefois dans les localités où il n’y a pas d’ecclésiastiques, l’instituteur peut être autorisé à donner des leçons de religion aux enfants de sa confession.

En Suisse, la constitution fédérale de 1874 porte (article 27) : « Les écoles publiques doivent pouvoir être fréquentées par les adhérents de toutes les confessions sans qu’ils aient à souffrir d’aucune façon dans leur liberté de conscience et de croyance ». Cette disposition n’institue pas d’une manière formelle la laïcité de l’école primaire ; aussi, dans presque tous les cantons, l’école est-elle restée confessionnelle ; l’enfant appartenant à un culte autre que celui que professe la majorité des élèves est simplement dispensé d’assister aux leçons de religion. Quelques cantons ont toutefois introduit chez eux la laïcité du personnel enseignant, c’est à dire que les personnes appartenant à des ordres religieux ne peuvent enseigner dans les écoles publiques.

Aux Etats-Unis, l’école publique donne généralement un enseignement religieux non dogmatique, sous la forme de lecture de passages de la Bible ; mais un certain nombre de villes ont établi la neutralité absolue de l’école, c’est à dire ont supprimé la prière et la lecture de la Bible.

En Italie, la loi du 15 juillet 1877 a rayé le catéchisme et l’histoire sainte du nombre des matières obligatoires. Quelques communes ont profité de cette disposition pour donner à leurs écoles primaires un caractère de neutralité ; mais le plus grand nombre ont maintenu comme par le passé, l’enseignement religieux, devenu facultatif aux termes de la loi, mais suivi en fait par l’unanimité des élève.

La législation française est la seule qui ait établi le régime de la laïcité d’une logique et complète : laïcité de l’enseignement, laïcité du personnel enseignant.

Que faut-il entendre par laïcité de l’enseignement ? Nous estimons qu’il faut prendre ces mots dans le sens qui se présente le premier à l’esprit, c’est à dire dans leur acception la plus correcte et la plus simple : l’enseignement primaire est laïque, en ce qu’il ne se confond plus avec l’enseignement religieux. L’école, de confessionnelle qu’elle était, est devenue laïque, c’est à dire étrangère à toute église ; elle n’est plus seulement « mixte quant au culte », situation qui pendant longtemps a marqué pour ainsi dire, la transition entre les deux régimes : elle est « neutre quant au culte ». Les élèves de toutes les communions y sont indistinctement admis, mais les représentants d’aucune communion n’y ont plus d’autorité, n’y ont plus accès. C’est la séparation, si longtemps demandée en vain, de l’Eglise et de l’école. L’instituteur à l’école, le curé à l’église, le maire à la mairie. Nul ne peut se dire proscrit du domaine où il n’a pas entrée : c’est le fait même de la distinction des attributions qui n’a rien de blessant pour personne ni de préjudiciable pour aucun service.

Réduit à ces termes, le problème de la laïcité ne peut donner lieu ni à de bien vives discussions, ni à des difficultés sérieuses, quelques efforts qu’on tente pour les faire naître. Mais est-il possible de se tenir à ces lignes générales ? Le culte de la logique, que nous professons plus peut être qu’un autre peuple, n’exige-t-il pas que nous disions où commence et où finit la laïcité ? Suffit-il que le prêtre n’entre pas dans l’école, que le catéchisme n’y soit pas enseigné ni les prières récitées, pour que l’enseignement lui-même soit laïque ? Si l’instituteur lui-même a des convictions religieuses, comment ne les communiquera-t-il pas à ses élèves ? S’il n’en a pas ou s’il les dissimule, sera-t-il vraiment à la hauteur de se mission éducatrice ? Ainsi envisagé, le problème s’élève et s’étend, la question législative et administrative fait place à la question philosophique et pédagogique. Essayons sinon de la résoudre, du moins d’indiquer en quel sens la solution nous semble devoir être cherchée.

Si par laïcité de l’enseignement primaire, il fallait entendre la réduction de cet enseignement à l’étude de la lecture et de l’écriture, de l’orthographe et de l’arithmétique, à des leçons de choses et à des leçons de mots, toute allusion aux idées morales, philosophiques et religieuses étant interdite comme une infraction à la stricte neutralité, nous n’hésitons à dire que c’en serait fait de notre enseignement national. Ce serait ramener l’instituteur au rôle presque machinal de l’ancien magister dont les deux attributs distinctifs étaient la férule et la plume d’oie, l’une résumant toute sa méthode et l’autre tout son art. Si l’instituteur ne doit pas être un éducateur, quelques titres qu’on lui donne, quelque position qu’on lui assure, quelque savoir qu’il possède, sa mission est amoindrie et tronquée au point de n’être plus digne du respect qui l’entoure aujourd’hui. L’enfant du peuple a besoin d’autre chose que de l’apprentissage technique de l’alphabet et de la table de Pythagore ; il a besoin, comme on l’a si heureusement dit, d’une éducation libérale, et c’est la dignité de l’instituteur et la noblesse de l’école de donner cette éducation sans sortir des cadres modestes de l’enseignement populaire. Or qui peut prétendre qu’il y ait une éducation sans un ensemble d’influences morales, sans une certaine culture générale de l’âme, sans quelques notions sur l’homme lui-même, sur ses devoirs et sur sa destinée? Il faut donc que l’instituteur puisse être un maître de morale en même temps qu’un maître de langue ou de calcul, pour que son oeuvre soit complète. Il faut qu’il continue à avoir charge d’âmes et à en être profondément pénétré. Il faut qu’il ait le droit et le devoir de parler autant au coeur qu’à l’esprit, de surveiller dans chaque enfant l’éducation de la conscience au moins à l’égal de toute autre partie de son enseignement. Et un tel rôle est incompatible avec l’affectation de la neutralité, ou de l’indifférence, ou du mutisme obligatoire sur toutes les questions d’ordre moral, philosophique et religieux. « Il y a bien deux espèces de neutralité de l’école, disait très bien le ministre de l’instruction publique au cours de la discussion de la loi de 1882 : il y a la neutralité confessionnelle et la neutralité philosophique. Et il ne s’agit dans cette loi que de le neutralité philosophique. Et il ne s’agit dans cette loi que de la neutralité confessionnelle ». L’instituteur se doit, doit à ses élèves et doit à l’Etat de ne prendre parti dans l’exercice de ses fonctions ni pour ni contre aucun culte, aucune église, aucune doctrine religieuse, ce domaine étant et devant rester le domaine sacré de la conscience. Mais on pousserait le système à l’absurde si l’on prétendait demander au maître de ne pas prendre parti entre le bien et le mal, entre la morale du devoir et la morale du plaisir, entre le patriotisme et l’égoïsme, si on lui interdisait de faire appel aux sentiments généreux, aux émotions nobles, à toutes ces grandes et hautes idées morales que l’humanité se transmet sous des noms divers depuis quelques mille ans comme le patrimoine de la civilisation et du progrès. Et le ministre a eu raison, aussi longtemps qu’a duré la discussion de cette loi, et malgré tous les efforts de ses adversaires, de s’obstiner à les ramener toujours de la spéculation et de la logique à outrance aux faits et aux considérations pratiques ; il avait pour lui le bon sens et l’expérience quand il soutenait qu’en somme l’enseignement de la morale n’est ni une impossibilité, ni une contradiction avec le caractère neutre de l’école. – Mais quelle morale ? ne cessait-on de lui demander. Et il ne cessait de répondre : « Mais tout simplement la bonne vieille morale de nos pères, la nôtre, la vôtre, car nous n’en avons qu’une. Nous avons plusieurs théories,mais dans la pratique c’est la même morale que nous avons reçue de nos parents et que nous transmettons à nos enfants. Oui, ajoutait-il en terminant, quoique vous fassiez pour obscurcir cette notion, oui, la société laïque peut donner un enseignement moral, oui les instituteurs peuvent enseigner la morale sans se livrer aux recherches métaphysiques. Ce n’est pas le principe de la chose qu’ils enseigneront, c’est la chose elle-même, c’est la bonne, la vieille, l’antique morale humaine ».

La laïcité de l’école n’exclut donc pas l’éducation morale, elle lui donne au contraire un rôle et une portée qu’elle n’avait jamais eus auparavant. Aussi les nouveaux programmes ont-ils fait une place à part à cet enseignement laïque de la morale, en lui imprimant un caractère distinct de tous les autres enseignements.

« Tandis que les autres études, dit l’instruction du 27 juillet 1882, développent chacune un ordre spécial d’aptitudes et de connaissances utiles, celle-ci tant à développer dans l’homme l’homme lui-même, c’est à dire un coeur, une intelligence, une conscience. Cette élaboration n’a pas pour but de faire savoir, mais de faire vouloir ; elle émeut plus qu’elle ne démontre ; devant agir sur l’être sensible, elle procède plus du coeur que du raisonnement ; elle n’entreprend pas d’analyser toutes les raisons de l’acte moral, elle cherche avant tout à le produire, à le répéter, à en faire une habitude qui gouverne la vie. A l’école primaire surtout, ce n’est pas une science, c’est un art, l’art d’incliner la volonté vers le bien.

« L’instituteur est chargé de cette partie de l’éducation, en même temps que des autres, comme représentant de la société : la société laïque et démocratique a en effet l’intérêt le plus direct à ce que tous ses membres soient initiés de bonne heure et par des leçons ineffaçables au sentiment de leur dignité et à un sentiment non moins profond de leur devoir et de leur responsabilité personnelle….

« Sa mission est don bien définie : elle consiste à fortifier, à enraciner dans l’âme de ses élèves pour toute leur vie, en les faisant passer dans la pratique quotidienne, ces notions essentielles de moralité humaine, communes à toutes les doctrines et nécessaires à tous les hommes civilisés. Il peut remplir cette mission sans avoir à faire personnellement ni adhésion, ni opposition à aucune des diverses croyances confessionnelles auxquelles ses élèves associent et mêlent les principes généraux de la morale. Il prend ces enfants tels qu’ils lui viennent, avec leurs idées et leur langage, avec les croyances qu’ils tiennent de la famille, et il n’a d’autre souci que de leur apprendre à en tirer ce qu’elles contiennent de plus précieux au point de vue social, c’est à dire les préceptes d’une haute moralité… Plus tard, devenus citoyens, ils seront peut-être séparés par des opinions dogmatiques, mais du moins ils seront d’accord dans la pratique pour placer le but de la vie aussi haut que possible, pour avoir la même horreur de tout ce qui est bas et vil, la même admiration de ce qui est noble et généreux, la même délicatesse dans l’appréciation du devoir. »

Quant à la laïcité du personnel enseignant, elle fut posée dans le principe par la loi du 30 octobre 1886, qui dit, à l’article 17 : «Dans les écoles publiques de tout ordre, l’enseignement est exclusivement confié à un personnel laïque». Mais la transition fut ménagée par les dispositions de l’article suivant. Ce fut seulement dans les départements où une école normale soit d’instituteurs, soit d’institutrices, aurait fonctionné depuis quatre ans, qu’il ne serait fait aucune nomination nouvelle soit d’instituteur, soit d’institutrice congréganiste. Pour les écoles de garçons, la loi fixa un délai à l’expiration duquel la substitution du personnel laïque au personnel congréganiste devait être achevée : la laïcisation devait être complète dans un laps de temps de cinq ans après la promulgation de la loi. Pour les écoles de filles, comme la difficulté à se procurer un personnel laïque féminin était plus grande, aucun délais ne fut imparti par la loi de 1886 ; mais, seize ans plus tard, l’article 70 de la loi de finances du 30 mars 1902 combla cette lacune en ces termes : « dans les écoles primaires publiques de tout ordre ayant un personnel congréganiste, la substitution du personnel laïque au personnel congréganiste devra être complète dans le laps de trois ans à partir du 1er janvier 1903. Toutefois ce délai pourra être porté à dix ans à compter de la même date pour les communes où la laïcisation rendra nécessaire l’acquisition ou la construction d’une maison d’école. »

En 1901, ce ne fut plus dans l’école publique seulement, mais dans l’école privée, qu’une partie du personnel congréganiste se vit refuser le droit d’enseigner : l’article 14 de la loi du 1er juillet 1901 interdit l’enseignement aux membres des congrégations non autorisées. La loi du 7 juillet 1904 alla plus loin et acheva la suppression totale de l’enseignement congréganiste : elle déclara, dans son article 1er, que « l’enseignement de tout ordre et de toute nature est interdit en France aux congrégations », et que « les congrégations exclusivement enseignantes seront supprimées dans un délai maximum de dix ans ».

Jean Jaurès – Les libertés du personnel enseignant – AN 21 juin 1894

Tuesday, October 30th, 2007

Je n’entend pas non plus suivre notre éminent et illustre contradicteur dans les considérations générales, très élevées, de pédagogie et de morale, de biologie et de sociologie qu’il a développées, et certes ce n’est pas moi qui aurais la tentation, qui aurais le droit de reprocher à un orateur de donner une formule philosophique aux questions qui se débattent dans une enceinte. Je désire tout d’abord, avant de poser quelques questions très précises à M. le ministre de l’Instruction publique, retenir des observations de l’honorable M. Lannelongue ce qui a trait immédiatement à l’interpellation qui se développe en ce moment. Je l’avoue, parmi les idées émises par notre collègue, il en est qui m’ont profondément surpris dans sa bouche parce qu’elles me paraissent absolument contradictoires avec la conception de l’enseignement laïque, rationnel et républicain, tel qu’il a été élaboré depuis près de quinze ans par les hommes qui se sont succédé dans les Chambres.

[…] Pour les instituteurs du peuple, la neutralité obligatoire, le silence obligatoire, pas d’opinion politique, pas d’expression publique de l’opinion politique, pas de liberté pour eux : la consigne et rien que la consigne. Pour les professeurs de l’enseignement secondaire, une sorte de liberté tempérée et mitigée, et pour cette haute aristocratie de l’enseignement supérieur …une liberté absolue. En bas à l’usage du peuple, à l’usage de ceux qui travaillent tous les jours, une sorte d’automatisme, de mécanisme réglé par le préfet dans chaque chef lieu de département. Au milieu, dans l’enseignement secondaire, une sorte d’organisation mixte, qui n’est ni le mécanisme, ni la liberté. Et en haut, pour l’élite des classes dirigeantes, ce nouveau privilège : la liberté de penser ! Voilà ce que pour notre part, nous n’admettons pas, et en ne l’acceptant pas, ne le repoussant, en le répudiant, c’est nous – personne ne pourra le contester – qui restons dans l’esprit de la Révolution française. La Révolution française, par ces trois mots d’enseignement primaire, d’enseignement secondaire et d’enseignement supérieur, indiquait une série, mais non pas une hiérarchie. C’était d’un bout à l’autre, depuis l’école de hameau jusqu’à l’institut central, jusqu’aux immenses laboratoires d’où sortent les découvertes nouvelles, un même enseignement qui devait conduire par degrés tous les esprits de l’éducation élémentaire à la part d’éducation supérieure qui peut revenir à chaque citoyen. Voilà quel était le programme d’enseignement, la conception de la Révolution française ; c’était un tout solidaire dont les trois ordres d’enseignement sont des parties liées, mais non pas cette sorte de superposition de liberté en haut et de servitude ou de domestication en bas. Une autre idée m’a surpris, j’ose dire troublé, dans le discours de mon éminent collègue. Il a dit – j’examinerai dans un instant le sens de la portée de ses paroles – il a dit : « A l’école, pour les instituteurs, pour l’enseignement primaire, il faut la neutralité politique absolue ». […] Précisément – et je prie ceux qui en douteraient de l’exactitude de mes paroles de se reporter aux débats officiels – au Sénat, on demandait à M. Jules Ferry si la neutralité existait dans l’école, et M. Jules Ferry répondait à M. Buffet ces paroles qui sont restées dans mon esprit : «la neutralité religieuse, oui ; mais pas la neutralité politique. L’école de la République doit enseigner la République».

En fait, à moins que nous ne cherchiez à déserter l’esprit laïque et républicain, que sont donc les programmes de l’enseignement dans nos écoles primaires ? Sont-ce des programmes d’effacement, d’abdication, de neutralité dégradée, humiliée ? Non, c’est l’affirmation du droit politique de tous les hommes sous la forme de la République ; c’est l’affirmation du droit égal pour toutes les consciences de résoudre par la seule raison tous les problèmes de l’univers…

Jules Ferry – Lettre aux instituteurs – 17 novembre 1883

Tuesday, October 30th, 2007

 Monsieur l’instituteur,

    Des diverses obligations que le régime nouveau vous impose, celle, assurément, qui vous tient le plus à coeur, celle qui vous apporte le plus lourd surcroît de travail et de souci, c’est la mission qui vous est confiée de donner à vos élèves l’éducation morale et l’instruction civique ; vous me saurez gré de répondre à vos préoccupations en essayant de bien fixer le caractère et l’objet de ce nouvel enseignement.

    La loi du 28 mars se caractérise par deux dispositions qui se complètent sans se contredire : d’une part, elle met en dehors du programme obligatoire l’enseignement de tout dogme particulier ; d’autre part, elle y place au premier rang l’enseignement moral et civique. L’instruction religieuse appartient aux familles et à l’Eglise, l’instruction morale à l’Ecole.

    Le législateur n’a donc pas entendu faire une oeuvre purement négative. Sans doute, il a eu pour premier objet de séparer l’Ecole de l’Eglise, d’assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances qui sont communes et indispensables à tous, de l’aveu de tous. Mais il y a autre chose dans la loi du 28 mars : elle affirme la volonté de fonder chez nous une éducation nationale et de la fonder sur des notions du devoir et du droit, que le législateur n’hésite pas à inscrire au nombre des premières vérités que nul ne peut ignorer. Pour cette partie capitale de l’éducation, c’est sur vous, Monsieur, que les Pouvoirs Publics ont compté. En vous dispensant de l’enseignement religieux, on n’a pas songé à vous décharger de l’enseignement moral : ç’eut été vous enlever ce qui fait la dignité de votre profession. Au contraire, il a paru tout naturel que l’instituteur, en même temps qu’il apprend aux enfants à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale, qui ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage et du calcul.

    En vous conférant de telles fonctions, le Parlement s’est-il trompé ? A-t-il trop présumé de vos forces, de votre bon vouloir, de votre compétence ? Assurément, il eût encouru ce reproche s’il avait imaginé de charger tout à coup quatre-vingt mille instituteurs et institutrices d’une sorte de cours ex professo sur les principes, les origines et les fins dernières de la morale.

    Les uns vous disent : «Votre tâche d’éducateur est impossible à remplir.» Les autres : “Elle est banale et insignifiante.” C’est placer le but ou trop haut ou trop bas. Laissez-moi vous expliquer que la tâche n’est ni au-dessus de vos forces, ni au-dessous de votre estime, et pourtant d’une grande importance, extrêmement simple, mais extrêmement difficile.

    J’ai dit que votre rôle en matière d’éducation morale est très limité. Vous n’avez à enseigner, à proprement parler, rien de nouveau, rien qui ne vous soit familier, comme à tous les honnêtes gens. Et quand on vous parle de mission et d’apostolat vous n’avez pas à vous y méprendre. Vous n’êtes point l’apôtre d’un nouvel évangile ; le législateur n’a pas voulu faire de vous ni un philosophe, ni un théologien improvisé. Il ne vous demande rien qu’on ne puisse demander à tout homme de coeur et de sens. Il est impossible que vous voyiez chaque jour tous les enfants, qui se pressent autour de vous, écoutant vos leçons, observant votre conduite, s’inspirant de vos exemples, à l’âge où l’esprit s’éveille, où le coeur s’ouvre, où la mémoire s’enrichit, sans que l’idée vous vienne aussitôt de profiter de cette docilité, de cette confiance, pour leur transmettre, avec les connaissances scolaires proprement dites, les principes mêmes de la morale, j’entends simplement de cette bonne et antique morale que nous avons reçue de nos pères et que nous nous honorons tous de suivre dans les relations de la vie, sans nous mettre en peine d’en discuter les bases philosophiques. Vous êtes l’auxiliaire et, à certains égards, le suppléant du père de famille ; parlez donc à son enfant comme vous voudriez que l’on parlât au vôtre : avec force et autorité, toutes les fois qu’il s’agit d’une vérité incontestée, d’un précepte de la morale commune, avec la plus grande réserve, dès que vous risquez d’effleurer un sentiment religieux. Vous étiez embarrassé pour savoir jusqu’où il vous est d’aller dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pourrez vous en tenir. Au moment de proposer à vos élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s’il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait, de bonne foi, refuser son assentiment à ce qu’il entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment ; car ce que vous allez communiquer à l’enfant, ce n’est pas que votre sagesse, c’est la sagesse du genre humain, c’est une de ces idées d’ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l’humanité. Si étroit que vous semble peut-être un cercle d’action ainsi tracé, faites-vous un devoir d’honneur de n’en jamais sortir. Restez en-deçà de cette limite plutôt que de vous exposer à la franchir ; vous ne toucherez jamais avec trop de scrupule à cette chose délicate et sacrée qu’est la conscience de l’enfant. Mais une fois que vous vous êtes ainsi loyalement enfermé dans l’humaine et sûre région de la morale usuelle, que vous demande-t-on ? Des discours ? des dissertations savantes ? de brillants exposés ? un docte enseignement ? Non, la famille et la société vous demandent de les aider à bien élever leurs enfants, à en faire des honnêtes gens. C’est dire qu’elles attendent de vous non des paroles, mais des actes, non pas un enseignement de plus à inscrire au programme, mais un service tout pratique que vous pouvez rendre au pays plutôt comme homme que comme professeur.

    Il ne s’agit plus là d’une série de vérités à démontrer, mais, ce qui est tout autrement laborieux, d’une longue suite d’influences morales à exercer sur de jeunes êtres à force de patience, de fermeté, de douceur, d’élévation dans le caractère et de puissance persuasive. On a compté sur vous pour leur apprendre à bien vivre, par la manière même dont vous vivez avec eux et devant eux. On a osé prétendre pour vous que, d’ici à quelques générations, les habitudes et les idées des populations au milieu desquelles vous aurez exercé attestent les bons effets de vos leçons de morale.    Ce sera dans l’Histoire un honneur particulier pour notre corps enseignant d’avoir mérité d’inspirer aux chambres françaises cette opinion qu’il y a dans chaque instituteur, dans chaque institutrice, un auxiliaire naturel du progrès moral et social, une personne dont l’influence ne peut manquer en quelque sorte, d’élever autour d’elle le niveau des moeurs. Ce rôle est assez beau pour que vous n’éprouviez nul besoin de l’agrandir. D’autres se chargeront plus tard d’achever l’ouvre que vous ébauchez dans l’enfant et d’ajouter à l’enseignement primaire de la morale un complément de culture philosophique ou religieuse. Pour vous, bornez-vous à l’office que la société vous assigne et qui a aussi sa noblesse: «poser dans l’âme des enfants les premiers et solides fondements de la simple moralité».

    Dans une telle oeuvre, ce n’est pas avec des difficultés de théorie et de haute spéculation que vous avez à mesurer ; c’est avec des défauts, des vices, des préjugés grossiers. Ces défauts, il ne s’agit pas de les condamner, tout le monde ne les condamne-t-il pas ? mais de les faire disparaître par une succession de petites victoires obscurément remportées. Il ne suffit donc pas que vos élèves aient compris et retenu vos leçons, il faut surtout que leur caractère s’en ressente ; ce n’est pas dans l’école, c’est surtout hors de l’école qu’on pourra juger ce qu’a valu votre enseignement. Au reste, voulez-vous en juger par vous-mêmes dès à présent, et voir si votre enseignement est bien engagé dans cette voie, la seule bonne ? Vous leur avez parlé par exemple du respect dû à la loi : si cette leçon ne les empêche pas au sortir de la classe, de commettre une fraude, un acte, fût-il léger, de contrebande ou de braconnage, vous n’avez rien fait encore. La leçon de morale n’a pas porté. Ou bien, vous leur avez expliqué ce que c’est que la Justice et la Vérité : en sont-ils assez profondément pénétrés pour aimer mieux avouer une faute que la dissimuler par un mensonge, pour se refuser à une indélicatesse ou à un passe-droit en leur faveur ?

    Vous avez flétri l’égoïsme et fait l’éloge du dévouement : ont-ils, le moment d’après, abandonné un camarade en péril, pour ne songer qu’à eux-mêmes ? Votre leçon est à recommencer.

    De ce caractère plus pratique de l’éducation morale à l’école primaire, il me semble facile de tirer les règles qui doivent vous guider dans le choix de vos moyens d’enseignement.

    Une seule méthode vous permettra d’obtenir les résultats que nous souhaitons : peu de formules, peu d’abstractions, beaucoup d’exemples et surtout d’exemples pris sur le vif de la réalité. Ces leçons veulent un autre ton, une autre allure que tout le reste de la classe, je ne sais quoi de plus personnel, de plus intime, de plus grave. Ce n’est pas le livre qui parle, ce n’est même plus le fonctionnaire, c’est pour ainsi le père de famille dans toute la sincérité de sa conviction et de son ment.

    Est-ce à dire qu’on puisse vous demander de vous répandre en sorte d’improvisation perpétuelle, sans aliment et sans appui du dehors ? Personne n’y a songé ; et, bien loin de vous manquer, les secours extérieurs qui vous sont offerts ne peuvent vous embarrasser que par richesse et leur diversité. Des philosophes et des publicistes, dont quelques-uns comptent parmi les plus autorisés de notre temps et de notre pays, ont tenu à honneur de se faire vos collaborateurs, ils ont mis à votre disposition ce que leur doctrine a de plus pur et de plus élevé. Rien ne prouve mieux le prix que l’opinion publique attache à l’établissement d’une forte culture morale par l’école primaire. L’enseignement laïque de la morale n’est donc estimé ni impossible, ni inutile, que la mesure décrétée par le législateur a éveillé aussitôt un si grand écho dans le pays.

    C’est ici, cependant, qu’il importe de distinguer de plus près entre l’essentiel et l’accessoire, entre l’enseignement moral qui est obligatoire et les moyens d’enseignement qui ne le sont pas. Si quelques personnes au courant de la pédagogie moderne, ont pu croire que nos livres scolaires d’instruction morale et civique allaient être une sorte de catéchisme nouveau, c’est là une erreur que ni vous, ni vos collègues n’avez pu commettre. Aucun livre ne vous arrive imposé par l’autorité universitaire. Comme tous les ouvrages que vous employez, et plus encore que tous les autres, le livre de morale est, entre vos mains, un auxiliaire et rien de plus, un instrument dont vous vous servez sans vous y asservir.

     Les familles se méprendraient sur le caractère de votre enseignement moral si elles pouvaient croire qu’il réside dans l’usage exclusif d’un livre, même excellent. C’est à vous de mettre la vérité morale à la portée de toutes les intelligences, même de celles qui n’auraient, pour suivre vos leçons, le secours d’aucun manuel.

     Mais, vous le voyez, dans ces trois degrés , ce qui importe, ce n’est pas l’action du livre, c’est la vôtre. Il ne faudrait pas que le livre vint, en quelque sorte, s’interposer entre vos élèves et vous, refroidir vos paroles, en émousser l’impression sur l’âme des élèves, vous réduire au rôle de simple répétiteur de la morale. Le livre est fait pour vous, et non vous pour le livre. Il est votre conseiller et votre guide, mais c’est vous qui devez rester le guide et le conseiller par excellence de vos élèves.

    Il est juste que vous ayez à cet égard autant de liberté que vous avez de responsabilité. Mais quelque solution que vous préfériez, je ne saurais trop vous le redire, faites toujours bien comprendre que vous mettez votre amour-propre, ou plutôt votre honneur, non pas à adopter tel ou tel livre, mais à faire pénétrer profondément dans les jeunes générations l’enseignement pratique des bonnes règles et des bons sentiments.

    Il dépend de vous de hâter par votre manière d’agir, le moment où cet enseignement sera partout, non pas seulement accepté, mais apprécié, honoré, aimé, comme il mérite de l’être. Les populations mêmes dont on a cherché à exciter les inquiétudes ne résisteront pas longtemps à l’expérience qui se fera sous leurs yeux. Quand elles vous auront vu à l’ouvre, quand elles reconnaîtront que vous n’avez d’autre arrière-pensée que de leur rendre leurs enfants plus instruits et meilleurs, quand elles remarqueront que vos leçons de morale commencent à produire de l’effet, que leurs enfants rapportent de votre classe de meilleures habitudes, des manières plus douces et plus respectueuses, plus de droiture, plus d’obéissance, plus de goût pour le travail, plus de soumission au devoir, enfin tous les signes d’une incessante amélioration morale, alors la cause de l’Ecole laïque sera gagnée, le bon sens du père et de la mère ne s’y tromperont pas, et ils n’auront pas besoin qu’on leur apprenne ce qu’ils vous doivent d’estime, de confiance et de gratitude.

    J’ai essayé de vous donner, Monsieur, une idée aussi précise que possible d’une partie de votre tâche, qui est, à certains égards, nouvelle, qui de toutes est la plus délicate, permettez-moi d’ajouter que c’est aussi celle qui vous laissera les plus intimes et les plus durables satisfactions. Je serais heureux si j’avais contribué, par cette lettre, à vous montrer toute l’importance qu’y attache le Gouvernement de la République et si je vous avais décidé à redoubler d’effort pour préparer à notre pays une génération de bons citoyens.