Archive for the ‘De la 1ère République’ Category

Lamartine – Nous déclarons la neutralité de l’Etat en matière de culte – AN 24 mars 1837

Tuesday, October 30th, 2007

L’enfant, c’est un être dont la destinée est de vivre en commun avec d’autres hommes, d’être membre utile, incorporé à la société, dont il fait partie, et sa place quelconque dans la société sera d’autant plus juste, et la société elle-même sera d’autant mieux organisée qu’il sera mieux fait pour elle et elle pour lui.

Avoir le plus de rapports possibles avec la société dont il est membre, voilà la destinée de l’enfant comme être sociable, et c’est là ce qui fait la force des religions.
Pourquoi sont-elles si puissantes et si immuables ?
C’est que donnant de bonne heure à tous leurs sectateurs une même foi, un symbole commun, elles forment une seule âme, de tout un peuple, de toute une génération.
Eh bien ! la société est une religion aussi et, pour agir puissamment sur les hommes, avec les hommes, il faut qu’elle leur fasse aussi un symbole commun. Si, avant tout, ce principe est vrai, l’éducation commune est nécessaire ; elle est la conséquence directe, invincible de la destinée même de l’enfant.
En effet, Messieurs, en dehors de cette diversité de vocations et de carrières qui saisissent l’homme plus loin et plus tard dans la vie, il y a une grande et précieuse unité à observer, à conserver, à accroître, s’il est possible, entre tous les hommes, entre tous les enfants destinés à devenir contemporains, compatriotes, concitoyens d’une même famille, quoique devant occuper des rangs divers dans la nation, dans la société.
Sans cela, vous aurez des hommes, vous aurez des individus, mais point de société, point de familles de peuples, point de nation. Vous aurez la juxtaposition d’une innombrable quantité d’hommes, vous n’aurez ni assimilation, ni solidarité, ni unité, ni nationalité.
Pour avoir cette assimilation, cette sympathie intellectuelle, cette incorporation des hommes avec les hommes qui forment la société, il faut indispensablement des idées communes entre eux. Il faut, qu’à leur entrée dans la vie ils aient sucé le même lait, ils soient devenus une même chair et un même sang, ils aient vécu d’abord quelque temps en communion complète d’enseignement et d’instruction ; et de plus, cette communauté des idées générales est tout ce qu’il y a de plus libéral et de plus démocratique au monde…
Cette inégalité des richesses et des conditions sociales, que la nature rend malheureusement inévitable, une société bien faite ne l’étend pas aux patrimoines intellectuels de ses enfants. Elle leur doit à tous une part égale, une part commune de ce fonds commun de civilisation, de morale, de lumière, qu’elle possède.
C’est là la seule loi agraire réalisable, ce partage du domaine intellectuel qui enrichit tout le monde sans appauvrir personne. Ce n’est que par une éducation commune que l’Etat peut le distribuer…