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Enseignement et Liberté et OIDEL

Tuesday, October 30th, 2007

PROMOUVOIR UNE EDUCATION COMPETITIVE POUR LA SOCIETE DE LA CONNAISSANCE : NORMES INTERNATIONALES ET NORMES NATIONALES.

Communication du Recteur Pécheul, Professeur agrégé des Facultés de Droit
Président de l’Association Enseignement et Liberté

Au Symposium sur Le rôle de la société civile dans la gouvernance de l’éducation,
organisé par l’OIDEL, en collaboration avec l’UNESCO, le gouvernement de Galice et Enseignement et Liberté en septembre 2005.

 

 

La multiplicité des normes juridiques qui encadrent le droit à l’éducation donnerait à penser que les défenseurs de ce droit fondamental pour l’homme peuvent se reposer sur leurs lauriers. L’ONU, l’UNESCO, le Conseil de l’Europe, l’Union européenne, de nombreuses constitutions nationales… ont apporté leur pierre à l’édifice de l’Education pour tous. Au-delà de ces obligations juridiques internationales ou dans leur prolongement, les gouvernements nationaux ont aussi pris des engagements politiques et pour certains des mesures budgétaires conséquentes. Et, nombreux sont les Etats qui se sont engagés à garantir l’éducation pour tous et à œuvrer tout particulièrement en faveur d’une éducation de qualité, gratuite et obligatoire.

 

Pourtant la réalité est cruelle : il reste, de par le monde, entre 850 millions et 900 millions de personnes adultes analphabètes ! Et, plusieurs centaines de millions d’enfants qui devraient aller à l’école primaire sont privés de ce droit essentiel, de cette garantie première de la liberté.

 

C’est dire que l’objectif ambitieux de l’éducation pour tous, celui de la recherche généralisée de l’épanouissement de la personne humaine, complétés aujourd’hui par l’objectif de l’éducation toute la vie, sont bien loin d’être atteints. Notre réunion de Saint Jacques de Compostelle est loin d’être superfétatoire : la tâche à accomplir reste immense.

 

Et nous serions bien prétentieux de croire que cela ne concerne que les pays en voie de développement. Les pays occidentaux, même les plus riches, conservent un taux d’analphabètes et d’illettrés particulièrement important. En France, par exemple, le taux d’illettrisme (qui consiste dans l’incapacité de lire ou d’écrire en le comprenant un texte courant et de faire un rapport entre ce texte et la vie quotidienne) touche entre 15 et 20 % des nouvelles tranches d’âge de la population.

 

Mais évidemment la difficulté est grande car, si les instruments internationaux d’affirmation et de protection du droit à l’éducation sont nombreux (I), l’impact du droit international et des rapports internationaux sur le droit constitutionnel de chaque Etat reste encore bien mesuré (II).

 

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*

 

I. Les instruments internationaux

 

Que le droit à l’éducation soit devenu une préoccupation majeure des institutions internationales et des normes juridiques internationales, cela est indéniable.

 

Au premier rang des systèmes juridiques organisés, on trouve naturellement l’ONU avec, d’une part, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, d’autre part, l’un des deux pactes de 1966.

 

Les normes juridiques et les obligations qui en découlent pour les Etats ont, bien sûr, une vocation universelle.

 

Rédigé après l’article 26 de la déclaration universelle de 1948 [1] , qui proclame que « toute personne a droit à l’éducation », l’article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 est, à cet égard, la disposition du droit international général sur le droit à l’éducation la plus large par sa portée [2] .

 

Depuis l’adoption du Pacte par l’Assemblée générale en 1966, d’autres instruments internationaux ont développé les objectifs vers lesquels l’éducation doit tendre.

 

On y rappelle constamment que les Etats parties sont tenus de veiller à ce que l’enseignement, sous toutes ses formes et à tous les niveaux, réponde aux buts et aux objectifs énoncés au paragraphe 1 de l’article 13 du Pacte, interprété à la lumière de la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous (Jomtien, Thaïlande, 1990) (art. 1), de la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 29, par. 1), de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne (première partie, par. 33, et deuxième partie, par. 80), ainsi que du Plan d’action en vue de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation dans le domaine des droits de l’homme (par. 2).

 

Si tous ces textes vont dans le même sens que le paragraphe 1 de l’article 13 du Pacte, ils renferment également certains éléments qui n’y figurent pas expressément, par exemple la mention de l’égalité entre les sexes et celle du respect de l’environnement [3]

 

Mais, il faut bien constater que la force juridique de tous ces textes est assez aléatoire.

 

Par exemple, le juge constitutionnel français, ou bien encore le juge administratif leur dénient en grande partie l’effet direct et la primauté, c’est-à-dire la possibilité de s’imposer aux normes nationales contraires ou en tout cas aux mesures nationales insuffisantes.

 

Ils estiment, comme nombre de juges nationaux, que de nombreuses règles internationales, ou bien ne concernent que les Etats signataires des conventions internationales, ou bien sont insuffisamment précises pour être applicables par elles-mêmes.

 

En clair, cela signifie qu’un simple particulier, national ou non d’un Etat donné, ne peut pas exiger de cet Etat l’application effective des droits exprimés dans la Déclaration de 1966.

 

Plus concrètement encore, ce droit à l’éducation restera alors lettre morte puisque les victimes des carences d’un Etat n’ont aucun moyen juridique de faire valoir leur droit.

 

C’est dire qu’il reste encore beaucoup à faire pour que le droit à l’éducation (comme d’ailleurs la plupart des droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux) soient à la portée de tous.

 

Pourtant, le droit à l’éducation est sans doute l’un des premiers des droits universels de l’homme. Non pas en terme d’importance quantitative car les droits de l’homme n’ont pas à être mesurés les uns par rapport aux autres, ils forment un tout inséparable : ils sont indivisibles et interdépendants

 

Mais force est bien de reconnaître que le droit à l’éducation est souvent celui qui offre une clef d’accès à tous les autres. Il est ainsi indispensable pour permettre l’exercice de la plupart des autres droits. La connaissance, le savoir et l’information sont, en effet, les conditions principales de l’exercice de l’autonomie des individus et sans doute aussi de l’accès à la dignité de l’être humain.

 

Pour reprendre le fil de la présentation des normes internationales, et dans le prolongement de l’œuvre normatrice de l’ONU stricto sensu, on trouve naturellement celle de l’UNESCO [4]. Sa vocation est aussi universelle et le droit à l’éducation est au cœur même de sa mission. Il fait d’ailleurs partie de son mandat « constitutionnel » [5].

 

On retiendra, entre autres évènements importants, le forum mondial sur l’Education qui s’est tenu à DAKAR au mois d’avril 2000.

 

Chacun sait ici, que parmi les « objectifs de DAKAR », il y a ce droit à l’éducation de base pour tous en tant que droit fondamental de l’homme [6].

 

Puis, sur un plan plus « régional », on trouve le Conseil de l’Europe et la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme .

 

La Convention européenne des droits de l’homme nous intéresse moins d’ailleurs en tant qu’elle proclamerait un droit à l’éducation qu’en tant qu’elle permet de garantir la liberté de l’Education.

 

En Europe, en tout cas, elle donne une assise juridique solide au partage de responsabilité en matière d’éducation puisque, en affirmant le pluralisme et la liberté, elle conduit nécessairement à éviter que la responsabilité de l’éducation soit exclusivement assurée par l’Etat et son service public.

 

Compte tenu de l’action de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, cette liberté est effectivement protégée…. A condition de le lui demander.

 

Toujours sur un plan régional, on ne peut naturellement pas faire l’impasse de l’œuvre de l’Union Européenne et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.

 

Sur, le premier point, le nouvel objectif stratégique pour l’Union européenne est de « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». Ce nouvel objectif stratégique pour l’Union européenne a été énoncé au Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000 [7].

Puis, sur la base d’une proposition de la Commission et de contributions des États membres, le Conseil a adopté le 12 février 2001 le «Rapport sur les objectifs concrets futurs des systèmes d’éducation et de formation». Il s’agit du premier document qui esquisse une approche globale des politiques nationales dans le domaine de l’éducation, dans le contexte de l’Union Européenne, autour de trois objectifs:

· améliorer la qualité et l’efficacité des systèmes d’éducation et de formation dans l’Union Européenne ;

· permettre l’accès de tous à l’éducation et à la formation ‘tout au long de la vie';

· ouvrir les systèmes d’éducation et de formation sur le monde.

Ce Rapport a été approuvé en mars 2001 par le Conseil européen de Stockholm, qui a demandé la préparation d’un programme de travail détaillé. Celui-ci a été adopté le 14 février 2002 et a fait l’objet d’un autre rapport présenté au Conseil Européen de Barcelone des 15-16 mars 2002 [8].

Mais, pour le droit de l’Union Européenne, la difficulté réside ici dans le fait que la question de l’Education n’est pas un domaine qui a été communautarisé. En clair cette question ne relève pas la compétence des institutions de la Communauté européenne. De sorte que les Etats membres de l’Union Européenne (plus exactement de la Communauté Européenne car l’Union n’a pas, pour l’instant, de personnalité juridique) n’ont pas à s’incliner devant les textes d’origine communautaire.

 

Il n’y a, sur ce point, ni primauté ni effet direct du droit communautaire. On ne peut parler que d’harmonisation des politiques nationales.

 

Concrètement, cela signifie qu’il appartient à chaque pays de mettre en œuvre les changements nécessaires en fonction de son contexte et de ses traditions propres, en s’appuyant sur la coopération entre Etats membres au niveau européen. Au travers du partage d’expériences et de bonnes pratiques, d’actions visant la réalisation des objectifs communs, cette coopération a pour but de permettre à chacun de tirer bénéfice d’actions menées avec succès ailleurs. C’est que l’on appelle la méthode ouverte de coordination [9].

 

Quant à la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, elle est aussi (tant que le « traité constitution » ne sera pas adopté en tout cas) dépourvue de force juridique obligatoire. C’est sans doute une source d’inspiration pour les juges européens ou pour les juges nationaux. Mais, juridiquement, elle est en principe sans portée normative réelle. Cela dit, sur la question du droit à l’éducation ou bien encore sur celle de la liberté de l’éducation elle n’est guère révolutionnaire. Elle reprend en grande partie soit les droits prévus par l’article 13 du Pacte de 1966, soit les libertés protégées par la convention européenne des droits de l’homme [10].

 

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II. L’impact du droit international

 

Reste alors à examiner le point de savoir comment la communauté internationale peut effectivement réagir ou intervenir lorsque les Etats ne se conforment pas, eux-mêmes, aux différentes obligations contenues dans les normes internationales de référence qui viennent d’être rappelées [11].

 

Car, si les instruments juridiques internationaux et régionaux sont nombreux, ils ne sont pas automatiquement intégrés dans les systèmes juridiques nationaux.

 

En effet, si les règles internationales concernant les droits de l’homme ont, d’une manière générale, contribué à façonner un statut juridique international de l’individu, leur mise en œuvre nationale se heurte à de nombreuses difficultés quand il s’agit d’en faire bénéficier des catégories particulières comme les femmes et les enfants ou quand il s’agit de l’étendre à des droits économiques et sociaux.

 

Les déclarations des droits sont le plus souvent des textes jugés « symboliques » qui ne lient pas les Etats à l’intérieur de leurs frontières et dans leurs rapports avec les citoyens.

 

Les Etats sont donc libres de mettre en place ou non les moyens pour en assurer le respect.

 

Sans doute la situation est-elle différente selon que l’on a affaire au droit international général (ONU, conventions de l’UNESCO) ou selon que l’on a affaire au droit international régional.

 

Dans le second cas, en effet, l’intégration des obligations juridiques découlant des conventions et des traités est beaucoup plus complète puisque les constitutions nationales des Etats concernés ont le plus souvent accepté, d’avance, la primauté et l’effet direct des obligations nées des conventions européennes et des traités communautaires.

 

L’œuvre unificatrice est d’ailleurs amplifiée par l’intervention de juges européens (CEDH et CJCE) dont la jurisprudence est prolongée par les juges nationaux, pratiquant ce qu’il est convenu d’appeler le « contrôle de conventionalité ».

 

Concrètement, il s’agit pour les juges nationaux, dont la jurisprudence est inspirée par les juges européens, de juger qu’un acte juridique national est contraire à une convention internationale et d’écarter alors l’application de la règle nationale au profit de la convention internationale.

 

C’est, au demeurant, le seul moyen d’assurer la primauté et l’effet direct des conventions internationales.

 

Dans un Etat de droit, en effet, les engagements internationaux ne peuvent être effectifs que si leur violation et les manquements sont sanctionnés par un juge.

 

Tel est le cas, en France pour le droit communautaire ou pour le droit de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

 

On ajoutera, sur ce point, que dans le cas de l’Union européenne ou dans celui du Conseil de l’Europe, l’œuvre de la jurisprudence et l’évolution progressive des choses ont conduit les Etats à rapprocher progressivement leurs législations et à disposer de traditions communes qui, à leur tour et en tant que telles, sont à l’origine de nouvelles unifications des systèmes et donc des obligations juridiques des Etats [12].

 

En revanche, ces règles (qui assurent donc l’effectivité des obligations internationales des Etats) ne sont, en principe, pas appliquées pour le droit international général.

 

A l’exception de la Cour Internationale de Justice, de la Cour Pénale internationale ou de quelques tribunaux ad hoc, juridictions qui interviennent d’ailleurs dans d’autres domaines que celui de l’Education, il n’existe pas d’organe juridique ayant la compétence, non seulement de sanctionner les manquements des Etats, mais surtout de traduire en obligation nationale, juridique, effective et concrète les engagements internationaux.

 

En l’état actuel des relations internationales, on imagine d’ailleurs mal qu’un système de coercition juridique organisé puisse être institué et surtout, s’il l’était, être institué avec l’efficacité et l’effectivité voulues.

 

Car, encore une fois, en l’état actuel des relations internationales, le principe moteur reste celui de la souveraineté des Etats : souveraineté pour respecter ou non leurs engagements ; souveraineté pour organiser le système juridique et constitutionnel qui les régit.

 

Sans doute, les relations internationales connaissent-elles depuis quelques années une revendication nouvelle pour les questions les plus cruciales : il s’agit du droit d’ingérence.

 

Il en est question, on le sait, pour l’écologie, pour les catastrophes humaines les plus insupportables (ou les plus médiatisées !), ou pour les violations les plus flagrantes des droits de l’homme.

 

Mais on sait aussi que les rapports de forces qui sous-tendent les relations internationales limitent nécessairement l’usage du droit d’ingérence, ou n’en réservent l’application qu’à quelques coups d’éclats.

 

Et, d’ailleurs, les Etats accepteraient-ils un droit d’ingérence pour l’Education. S’inclineraient-ils devant cette belle idée selon laquelle l’Education n’est plus une affaire seulement nationale mais qu’elle concerne l’humanité toute entière ?

 

Si nous ne pouvons le rêver, ou si la réalisation de ce rêve s’avère encore lointaine, il faut alors adopter une démarche pragmatique pour que chaque Etat respecte le droit à l’éducation, le protège et le mette en oeuvre.

 

Peut-être faut-il, comme l’UNESCO se plaît déjà à le pratiquer, concevoir des outils clé en mains pour aider ceux des Etats qui le souhaitent à disposer des techniques propres à réaliser les objectifs de l’Education. Il y a là une affaire de pédagogie.

 

Peut-être aussi faut-il multiplier les instruments d’analyse fiables et indiscutables et en assurer la plus grande diffusion.

 

Au fond, en matière de droits de l’homme, les Etats n’aiment guère figurer dans le bas des tableaux statistiques.

 

C’est alors aux organes d’application et de surveillance des traités que revient la tâche de placer les Etats devant leur responsabilité sur la grande scène médiatique internationale.

 

On rappellera, par exemple, qu’en vertu de l’article 22 du Pacte international relatif au droits économiques, sociaux et culturels, il est institué un mécanisme par lequel le Conseil économique et social peut porter à l’attention des autres organes de l’Organisation des Nations Unies compétents toute question que soulèvent les rapports soumis conformément au Pacte “qui peut aider ces organismes à se prononcer, chacun dans sa propre sphère de compétence, sur l’opportunité de mesures internationales propres à contribuer à la mise en oeuvre effective et progressive du […] Pacte”.

 

Sans doute, la responsabilité visée à l’article 22 incombe au premier chef au Conseil économique et social, mais il appartient aussi au Comité des droits économiques, sociaux et culturels de jouer un rôle actif dans ce domaine, en conseillant et en assistant le Conseil économique et social.

 

Plus généralement on doit certainement approfondir cette idée en considérant que cet article 22 fournit le support juridique permettant d’associer à la mise en œuvre effective du droit à l’éducation tous les organes et institutions de l’ONU qui, d’une manière ou d’une autre, participent aux activités de coopération internationale pour le développement. Sur cette base, il serait donc possible d’adresser les recommandations visées à l’article 22 au Secrétaire général, aux organes subsidiaires du Conseil économique et social comme la Commission des droits de l’homme, la Commission du développement social et la Commission de la condition de la femme, à d’autres organes comme le PNUD, l’UNICEF et le Comité de la planification du développement, à des institutions comme la Banque mondiale et le FMI, et à des institutions spécialisées comme l’OIT, la FAO, l’UNESCO et l’OMS.

 

Au-delà de cette technique juridique l’idée est bien d’associer toutes les institutions internationales autour du droit à l’éducation pour en faire une réelle priorité de la société internationale.

 

 

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Mais, évidemment, il faut au préalable faire accepter l’idée que l’Education est plus qu’un droit social et culturel « ordinaire ».

 

S’il est bien celui qui commande l’effectivité de beaucoup d’autres, il faut certainement le mettre d’avantage en exergue.

 

Pour l’instant, force est bien de constater qu’il n’est jamais classé parmi les premiers au sein des longues énumérations qui caractérisent conventions et chartes des droits fondamentaux.

 

Ainsi, faute de pouvoir imposer à tous les Etats un modèle constitutionnel les contraignant à mettre en œuvre les obligations internationales qu’ils ont souscrites en matière d’éducation, faute de pouvoir aussi espérer raisonnablement utiliser un droit d’ingérence en ce domaine, seule une action concertée et particulièrement forte des institutions internationales permettra de placer le droit à l’éducation au cœur des priorités de l’humanité.

 

Il convient alors de l’affirmer clairement et durablement au travers de la rédaction de nouveaux pactes ou de nouvelles chartes ou au travers d’une nouvelle rédaction des pactes et des chartes en vigueur. A cette occasion, il conviendrait d’affirmer clairement que le droit à l’éducation n’est pas seulement un droit créance mais aussi un « droit liberté ». Cela aurait au moins pour effet de renforcer la protection et l’effet direct de ce droit dans les ordres juridiques nationaux, puisque les droits liberté sont souvent beaucoup mieux protégés que les droits économiques, sociaux et culturels.

 

En tout cas, érigé au rang de liberté, l’éducation ne serait plus la seule affaire de l’Etat : au sein de l’Etat et au dessus de l’Etat cette liberté devrait bien être partagée avec les partenaires de la société civile dans le premier cas, particulièrement protégée par la société internationale dans le second cas.

 

 

[1] Article 26 de la déclaration de 1948 :

1. Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.

2. L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants.

[2] Article 13  du Pacte de 1966 :

 1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l’éducation. Ils conviennent que l’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ils conviennent en outre que l’éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

2. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent qu’en vue d’assurer le plein exercice de ce droit:

a) L’enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous;

b) L’enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris l’enseignement secondaire technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité;

c) L’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité;

d) L’éducation de base doit être encouragée ou intensifiée, dans toute la mesure possible, pour les personnes qui n’ont pas reçu d’instruction primaire ou qui ne l’ont pas reçue jusqu’à son terme;

e) Il faut poursuivre activement le développement d’un réseau scolaire à tous les échelons, établir un système adéquat de bourses et améliorer de façon continue les conditions matérielles du personnel enseignant.

3. Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l’Etat en matière d’éducation, et de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément à leurs propres convictions.

4. Aucune disposition du présent article ne doit être interprétée comme portant atteinte à la liberté des individus et des personnes morales de créer et de diriger des établissements d’enseignement, sous réserve que les principes énoncés au paragraphe 1 du présent article soient observés et que l’éducation donnée dans ces établissements soit conforme aux normes minimales qui peuvent être prescrites par l’Etat.

 Pour un commentaire et une analyse de cet article, voir, par exemple : Droit à l’éducation, portée et mise en œuvre,  UNESCO, Conseil économique et social de l’ONU

 [3] La Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous a été adoptée par 155 délégations gouvernementales; la Déclaration et le Programme d’action de Vienne ont été adoptés par 171 délégations gouvernementales; 191 États ont ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant ou y ont adhéré; le Plan d’action en vue de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation dans le domaine des droits de l’homme a été adopté par consensus en tant que résolution de l’Assemblée générale (49/184).

[4] Voir, par exemple, sur ce point : Y. Daudet et K. Singh, Le droit à l’éducation : analyse des instruments normatifs de l’Unesco, Paris, Unesco 2001.

[5] L’acte constitutif de l’UNESCO énonce, en effet, la détermination : d’assurer à tous le plein et égal accès à l’éducation (…) de réaliser graduellement l’idéal d’une chance égale d’éducation pour tous.

[6] Article 9 – Liberté de pensée, de conscience et de religion

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

 [7] Sur la base d’une proposition de la Commission et de contributions des États membres, le Conseil a adopté en le 12 février 2001 le «Rapport sur les objectifs concrets futurs des systèmes d’éducation et de formation». Il s’agit du premier document qui esquisse une approche globale et cohérente des politiques nationales dans le domaine de l’éducation dans le contexte de l’Union Européenne, autour de trois objectifs: améliorer la qualité et l’efficacité des systèmes d’éducation et de formation dans l’Union Européenne ;  permettre l’accès de tous à l’éducation et à la formation ‘tout au long de la vie';  ouvrir les systèmes d’éducation et de formation sur le monde.

Ce Rapport a été approuvé en mars 2001 par le Conseil européen de Stockholm, qui a demandé la préparation d’un programme de travail détaillé. Celui-ci a été adopté le 14 février 2002 et a fait l’objet d’un rapport présenté au Conseil Européen de Barcelone des 15-16 mars 2002.

Si la Commission avait identifié cinq objectifs concrets à poursuivre (amélioration du niveau de l’éducation et de la formation en Europe, facilitation et généralisation de l’accès à l’éducation et à la formation à tous les stades de la vie, actualisation de la définition des compétences de base pour la société de la connaissance, ouverture de l’éducation et de la formation à l’environnement local, en Europe et au reste du monde et utilisation des ressources de façon optimale), le Conseil a focalisé son attention sur les trois objectifs suivants : Objectif 1 : Accroître la qualité des systèmes d’éducation et de formation ; Objectif 2 : Faciliter l’accès de tous à l’éducation et à la formation ; Objectif 3 : Ouvrir l’éducation et la formation sur le monde

[8] Sur l’évaluation à mi-parcours de la « stratégie de Lisbonne », voir les conclusions du Conseil de l’Union Européenne du 21 février 2005, Communiqué de presse 6079/05 (Presse 20), puis les conclusions du Conseil des 23-24 mai 2005, Communiqué de presse 9060/05 (presse 118).

[9] Le Conseil européen de Lisbonne a préconisé l’utilisation de la méthode ouverte de coordination pour atteindre le nouvel objectif stratégique, c’est-à-dire « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde ». La méthode ouverte de coordination, dont le processus de Luxembourg constitue actuellement la forme la plus achevée, consiste en une stratégie coordonnée pour laquelle les États membres se fixent des objectifs communs et des instruments. Les objectifs communs ont été définis dans le rapport sur les objectifs futurs des systèmes d’éducation et de formation et les instruments seront la définition d’indicateurs et de cibles à atteindre (étalonnage) ainsi que l’échange d’expériences et la vision par les pairs

[10] Article 10 Liberté de pensée, de conscience et de religion

1.      Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

2.      Le droit à l’objection de conscience est reconnu selon les lois nationales qui en régissent l’exercice.

Article 13 Liberté des arts et des sciences
Les arts et la recherche scientifique sont libres. La liberté académique est respectée

Article 14 Droit à l’éducation
1.      Toute personne a droit à l’éducation, ainsi qu’à l’accès à la formation professionnelle et continue.
2.       Ce droit comporte la faculté de suivre gratuitement l’enseignement obligatoire.
3.      La liberté de créer des établissements d’enseignement dans le respect des principes démocratiques, ainsi que le droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques, sont respectés selon les lois nationales qui en régissent l’exercice.

 [11] En France, il faut attendre le développement du contrôle de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel (1971) pour que la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946 soient tenus comme des sources de droit supérieures aux lois. En Europe, les Etats ont accepté que la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg puisse être saisie par tous les ressortissants d’Etats signataires de la convention de 1950.

 [12] Voir, par exemple, sur  ce point, les « traditions constitutionnelles communes » des Etats de l’Union européenne dans le domaine de la liberté de l’enseignement : Actes du Colloque du Sénat, Paris 2002.

Enseignement et Liberté – Le manifeste

Tuesday, October 30th, 2007

Sans liberté de l’enseignement, il n’y a pas de liberté de pensée. Les régimes totalitaires l’ont parfaitement compris. Soucieux d’assurer leur pouvoir par la domination des esprits, ils ont supprimé le droit conféré à chacun de choisir en toute liberté l’enseignement qui lui convient. Ils ont nié qu’il revienne à la famille d’exercer ce droit au nom des enfants mineurs dont elle est seule responsable.

Dans la France contemporaine, la situation est différente. L’adhésion à la Convention européenne des Droits de l’Homme interdit qu’on touche au principe de la liberté de l’enseignement. Les Français ne toléreraient pas qu’il soit mis en cause. Toute autorité publique se sent obligée de proclamer sa volonté de pluralisme, son souci du respect des consciences.

Mais une chose est le principe, une autre chose d’assurer qu’il sera effectivement respecté. Il ne suffit pas d’affirmer un droit, encore faut-il garantir les conditions de son exercice effectif. Toutes les dispositions législatives et réglementaires récemment adoptées ou actuellement en préparation, tendent à vider de tout contenu la liberté de l’enseignement.

En ce qui concerne l’enseignement privé, la mise en place d’un “grand service public, unifié et laïc de l’Education nationale” mettra fin à vingt-cinq ans de paix scolaire, en privant l’école libre de conditions d’existence qui assuraient son indépendance et sa dignité. Aucune nécessité pratique, aucun principe ne justifie ce projet. Le slogan “A l’école publique, les fonds publics” n’a aucun sens : les parents qui mettent leurs enfants dans une école libre payent l’école publique par leurs impôts, il est normal en sens inverse que les parents qui mettent leurs enfants dans une école publique contribuent à financer l’école libre. Les Français ne s’y sont pas trompés. Ils font preuve de lucidité lorsque, massivement, ils se disent favorables, non seulement au maintien de l’enseignement privé, mais aussi à son financement par l’Etat. Ils manifestent par là leur civisme, en refusant que les seuls parents d’élèves de l’école libre aient à payer deux fois l’instruction de leurs enfants.

En ce qui concerne l’enseignement public, de la réforme des collèges proposée par Louis Legrand à la loi relative aux enseignements supérieurs, tous les projets tendent à l’uniformiser alors que la nécessité impérieuse de la diversification est manifeste. Ils visent tous à restreindre de plus en plus la latitude de choix concédée aux usagers. Ils portent également en germe le risque d’une politisation accrue du contenu des enseignements, de l’administration des établissements, du recrutement des maîtres. On est d’ailleurs en droit de s’interroger sur le respect de l’indispensable neutralité de l’enseignement public au vu de l’imprégnation marxiste de nombreux manuels scolaires d’usage courant.

Préserver l’indépendance de l’enseignement privé dont l’existence constitue un recours contre les excès d’une politisation qu’entraînerait automatiquement le monopole de l’Etat sur l’éducation,

assurer la diversification de l’enseignement public qui doit laisser à ses usagers toutes les possibilités de choix compatibles avec les nécessités de son organisation,

imposer que soit maintenue ou restaurée la neutralité du service public d’éducation, telles sont les principales formes que doit prendre la défense de la liberté de l’enseignement. En les séparant les unes des autres, on risque de s’engager dans des combats dont l’issue est incertaine.

En soutenant tout ce qui contribue à maintenir et promouvoir la liberté de l’enseignement, l’association Enseignement et Liberté permettra à tout citoyen d’apporter son appui à chacun de ces combats.

A un projet global d’inspiration totalitaire, il faut opposer une riposte globale. Inséparable de la liberté de conscience et de la liberté d’opinion, la liberté de l’enseignement, c’est l’affaire de tous.

COMITÉ D’HONNEUR

Le comité d’honneur est constitué par les membres de l’Institut de France ayant approuvé en 1983 ou 1984 le manifeste d’Enseignement et Liberté.

MM. Michel DEON, Michel DROIT, René HUYGUE, Louis LEPRINCE-RINGUET, Jean d’ORMESSON, Alain PEYREFITTE, Maurice RHEIMS, André POUSSIN, et Maurice SCHUMANN, de l’Académie française.

MM. Pierre GRIMAL, Jacques HEURGON et Francis SALET, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

MM. André BLANC-LAPIERRE, Roger BUVAT, Gaston CHARLOT , Pierre DESNUELLE, Jean DIEUDONNE, Roger GAUTHERET, Pierre-Paul GRASSE, Marc JULIA, Pierre KARLI, Raymond LATARJET, Guy LAZORTHES, Pierre LEPINE, André LWOFF, Jean-Jacques TRILLAT et Robert de VERNEJOUL, de l’Académie des sciences.

MM. Bernard BUFFET, Jean CARZOU, Pierre DUX, André JACQUEMIN, Christian LANGLOIS, Maurice NOVARINA et Gaston PALEWSKI, de l’Académie des beaux-arts.

MM. Raymond ARON, Jean CAZENEUVE, Jean FOURASTIE, Jean FOYER, Emile JAMES, François LHERMITTE, Henri MAZEAUD, Roland MOUSNIER, André PIETTRE, Raymond POLIN, Raymond TOURNOUX et Raymond TRIBOULET, de l’Académie des sciences morales et politiques.

Enseignement et liberté – La carte scolaire – octobre 2007

Tuesday, October 30th, 2007

L’OIDEL a présenté, lors du Symposium qu’elle vient d’organiser avec notre participation sur le « Choix de l’école versus justice sociale : dilemme ou mirage ? », son Rapport sur les libertés éducatives dans le monde.

 

Du Danemark, premier, à Cuba, dernier, cent pays y sont classés en fonction de critères qui sont :

  • La liberté de créer une école

  • Le financement des écoles privées par la puissance publique

  • L’importance de ce financement

  • La liberté du choix de l’école par les parents

  • Le droit des parents à instruire eux-mêmes leurs enfants

  • L’autonomie pédagogique des écoles privées et leur liberté d’admission des élèves et d’engagement des professeurs.

     

  • Avec un score de 57 sur 100, la France se classe au 29e rang, entre la Roumanie et la Thaïlande, loin derrière le Danemark qui obtient 98, de la Finlande (97), de l’Irlande (95), de la Belgique (93).

     

    Deux pays de l’Union européenne seulement sont classés après nous

    – auxquels on peut ajouter la Turquie, 70e – en raison des résultats particulièrement faibles (4/20 dans les deux cas) obtenus pour la liberté des parents de choisir l’école de leurs enfants ou de choisir l’école à la maison.

     

    La suppression de la carte scolaire promise par M. Sarkozy pendant la campagne électorale, vient de recevoir un commencement d’assouplissement avec, sans que l’on perçoive clairement s’il s’agit d’un engagement ferme ou d’un objectif révisable, la fixation par M. Darcos de l’horizon 2010 pour une libération complète.

     

    L’accroissement de 10 000 environ du nombre de demandes de dérogations est très modeste. Il confirme que, comme nous l’avons toujours dit, la carte scolaire est non seulement injuste, mais aussi injustifiée. L’idée de lui donner une nouvelle vie sous la forme d’un instrument de mixité sociale serait à nos yeux tout aussi injuste et injustifiée.

     

    Enfin, si la suppression de la carte scolaire est un moyen de donner la liberté de choix, cette liberté nécessite aussi la suppression de la règle non écrite qui fige le rapport du nombre de places entre le privé et le public. C’est en raison de ce carcan scolaire que le privé a dû refuser 20 000 élèves cette année, soit le double des bénéficiaires de l’assouplissement de la carte scolaire.

     

    Nous publions dans les pages suivantes des extraits de la communication qui nous avait été demandée pour le Symposium de l’OIDEL sur la carte scolaire. Le texte complet de cette communication va être mis sur notre site Internet dans les prochains jours et nous adresserons à ceux qui n’ont pas accès à Internet et nous en feront la demande un exemplaire du texte complet.

    Recteur Armel Pécheul

     

     

    Symposium de l’OIDEL
    Carte scolaire : les leçons de l’expérience française

     

     

    En France, l’institution de la carte scolaire remonte à l’année 1963. Elle consiste à répartir les élèves en secteurs géographiques d’affectation. Elle permet aussi de répartir géographiquement les postes d’enseignants.

     

    A l’origine, le but poursuivi était essentiellement celui de la planification de la population scolaire. Il s’agissait de maîtriser l’évolution massive des effectifs scolaires due au redressement de la natalité après la guerre et à la prolongation de la scolarité obligatoire à partir de 1959.

     

    Mais, très rapidement, la logique planificatrice a été transcendée par une seconde logique, celle de l’égalitarisme.

     

    Ce mythe français de l’égalitarisme repose essentiellement sur le principe du « moule unique » pour tous les élèves. Il s’ensuit que toutes les écoles et tous les collèges sont supposés assurer la même « réussite » pour tous les élèves quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique. D’où alors, évidemment l’interdiction faite aux parents de choisir l’établissement scolaire de leurs enfants : d’une part, la liberté de choix supposerait que l’on accepte l’idée que tous les établissements scolaires ne sont pas de même niveau (ce qui est impossible à admettre idéologiquement) ; d’autre part, la liberté de choix favoriserait la concurrence entre les établissements scolaires (ce qui est politiquement inacceptable).

     

    Ce mythe français convenait à tous. Les politiques y trouvaient de quoi nourrir leur discours sur « l’égalité des chances ». Les syndicats d’enseignants en tiraient prétexte pour justifier leur revendications quantitatives : plus de professeurs, plus de locaux, plus de crédits.

     

    Malheureusement, les faits sont têtus : l’égalitarisme a le plus souvent conduit à une simple égalité de façade. Par surcroît, la France a connu à son tour la tentation de la discrimination positive : l’égalité des chances a changé de nature.

     

    L’égalitarisme a produit une égalité de façade.

     

    Dans les faits, la carte scolaire n’a pas permis de réaliser l’objectif tendant à instaurer l’égalité des chances.

     

    D’abord, la sectorisation reposait sur un présupposé théorique totalement irréaliste. Il faut, en effet, une bonne dose d’aveuglement idéologique (ou un grand degré d’hypocrisie) pour croire qu’un établissement scolaire situé dans les « beaux quartiers de Paris » est l’égal d’un établissement scolaire des quartiers périphériques défavorisés.

     

    Ensuite, la carte scolaire a été à l’origine de multiples stratégies de contournement et de dérogations qui montrent qu’elle n’a jamais reçu l’adhésion des parents. Ils savent, eux, qu’il existe des bons établissements scolaires… et des moins bons, voire des très mauvais.

     

    Enfin, seul l’enseignement public est soumis à l’obligation de la carte scolaire. De sorte que de nombreux parents font le choix de l’école privée, non seulement en fonction de la qualité ou de la nature de l’enseignement qui peut y être dispensé, mais aussi, bien souvent, parce que ce choix leur permet d’éviter la carte scolaire.

     

    La mutation du contenu du principe d’égalité des chances

     

    En France, les deux principes fondateurs de l’égalité républicaine sont classiquement l’unité et l’uniformité. Les individus doivent être traités, en droit, de la même manière par l’Etat. De sorte que la différenciation et la discrimination sont interdites. Ces principes sont garantis par la Constitution.

     

    Une première brèche a été créée dans le système avec l’institution des ZEP (zone d’éducation prioritaire) par le ministre Savary au mois de juillet 1981. C’est le premier exemple français à la fois de politique de discrimination positive et de territorialisation des politiques éducatives.

     

    La seconde brèche dans le principe d’égalité est celle de la recherche de la discrimination positive puis de la recherche de la « mixité sociale ».

     

    L’idée, longtemps jugée contraire aux principes français les mieux établis, consiste à conférer des avantages particuliers à certaines catégories de personnes en fonction d’une ou de plusieurs de leurs particularités. Appliquée à l’éducation la discrimination positive conduit à sélectionner les meilleurs élèves des établissements jugés défavorisés pour les « transplanter » dans des établissements jugés meilleurs.

     

    Cela reste évidemment un épiphénomène qui ne concerne que quelques individus et qui a plus vocation à servir de symbole ou à alimenter les slogans en faveur de la « diversité » qu’à régler les problèmes de fond. Mais, ce faisant on glisse doucement de la discrimination positive vers la mixité sociale.

     

    Le bilan de la carte scolaire

     

    La carte scolaire a été « assouplie » une première fois en 1983 par André Savary, qui la supprima dans deux départements et trois grandes villes, puis par son successeur Jean-Pierre Chevènement pour six autres départements.

     

    En 1988, après le changement de majorité parlementaire de 1986, quatre-vingt-neuf départements faisaient l’objet de mesures de désectorisation totale ou partielle. Le terme de sectorisation étant substitué à celui de carte scolaire.

     

    En 1993, après cinq ans de gouvernements de gauche, supposés favorables à la carte scolaire, 47% des collèges et 27% des lycées en étaient dispensés.

     

    François Bayrou, ministre de l’Education nationale de 1993 à 1997 dans des gouvernements de droite élus sur des programmes promettant la suppression de la carte scolaire, revient sur ces assouplissements sans que l’on sache exactement aujourd’hui quels sont les établissements qui respectent la sectorisation et ceux qui ne la respectent pas.

     

    On ne sait pas non plus, faute d’avoir cherché à la mesurer, l’incidence de l’application ou non de la carte scolaire sur le niveau moyen des élèves.

     

    Enfin, et c’est le plus étonnant, on ne sait pas évaluer l’importance des déplacements induits par une suppression de la carte scolaire.

     

    Une étude sur les effets des mesures de désectorisation prises en 1983 estime que 8 à 20% des élèves y ont eu recours, mais combien auraient bénéficié du régime des dérogations individuelles ou des contournements de la règle ?

     

    Le projet de Xavier Darcos

     

    Conformément à une promesse de Nicolas Sarkozy lors des élections présidentielles, Xavier Darcos, nouveau ministre de l’Education nationale, s’est engagé à supprimer progressivement la carte scolaire d’ici à 2010 et à l’assouplir dès la présente rentrée scolaire, en la remplaçant par de « nouveaux instruments de mixité sociale ».

     

    Alors que les demandes d’inscription devaient être déposées avant le

    30 juin, il a été indiqué lors du Conseil des ministres du 25 juillet que « plus de 13 500 demandes d’inscription supplémentaires hors secteur ont été formulées par les familles ».

     

    Aux priorités accordées lors de ces demandes d’inscription, aux raisons médicales et à la scolarisation d’un frère ou d’une sœur dans l’établissement souhaité ont été ajoutés les élèves boursiers, au mérite ou sur critères sociaux et les élèves dont le domicile est proche de l’établissement souhaité.

     

    Ont été écartées les obligations professionnelles des parents et la continuation de la scolarité après déménagement, motifs retenus jusqu’à présent.

    La disparition progressive de la carte scolaire accompagnée de l’amélioration d’une mixité sociale et du renforcement de l’égalité des chances à laquelle le nouveau ministre a décidé de s’atteler ressemble à la quadrature du cercle.

    Faussée dès le départ parce que la véritable égalité des chances suppose une sélection qui est refusée et parce que la mixité sociale revendiquée est le faux nom d’une improbable mixité culturelle, la réforme annoncée ne pourrait aboutir qu’à l’instauration de quotas dans les établissements scolaires.

    Ces quotas conduiraient inévitablement à la multiplication du nombre des mécontents et à l’accroissement des distorsions entre les besoins d’éducation et les moyens de les satisfaire, à l’exemple de ce que l’on peut constater avec les quotas laitiers.

    La seule façon juste et efficace de réformer la carte scolaire serait de la supprimer, car, comme dans le cas du tabac en France après la guerre, c’est le rationnement qui est la cause de la pénurie. Cette suppression n’a guère de chance d’être mise en œuvre, car elle impliquerait la fermeture des établissements désertés. La réforme en cours rejoindra-t-elle le cimetière des réformes inaccomplies, avec pour épitaphe le titre d’une pièce de Shakespeare : Much ado about nothing.

     

    ILFM

    Tuesday, October 30th, 2007

    Loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics du 15 mars 2004

    Tuesday, October 30th, 2007

    Article 1erIl est inséré, dans le code de l’éducation, après l’article L. 141-5, un article L. 141-5-1 ainsi rédigé :« Art. L. 141-5-1. – Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.« Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève. »Article 2I. – La présente loi est applicable :1° Dans les îles Wallis et Futuna ;2° Dans la collectivité départementale de Mayotte ;3° En Nouvelle-Calédonie, dans les établissements publics d’enseignement du second degré relevant de la compétence de l’Etat en vertu du III de l’article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.II. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :1° Au premier alinéa de l’article L. 161-1, les références : « L. 141-4, L. 141-6 » sont remplacées par les références : « L. 141-4, L. 141-5-1, L. 141-6 » ;2° A l’article L.162-1, les références : « L.141-4 à L. 141-6 » sont remplacées par les références : « L. 141-4, L. 141-5, L. 141-5-1, L. 141-6 » ;3° A l’article L.163-1, les références : « L.141-4 à L. 141-6 » sont remplacées par les références : « L. 141-4, L. 141-5, L. 141-6 » ;4° L’article L. 164-1 est ainsi modifié :a) Les références : « L. 141-4 à L. 141-6 » sont remplacées par les références : « L. 141-4, L. 141-5, L. 141-6 » ;b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :« L’article L. 141-5-1 est applicable aux établissements publics d’enseignement du second degré mentionnés au III de l’article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie qui relèvent de la compétence de l’Etat. »III. –  Dans l’article L. 451-1 du même code, il est inséré, après la référence : « L. 132-1, », la référence : « L. 141-5-1, ».Article 3Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à compter de la rentrée de l’année scolaire qui suit sa publication.Article 4Les dispositions de la présente loi font l’objet d’une évaluation un an après son entrée en vigueur.

     

     

    La Constitution du 4 octobre 1958

    Tuesday, October 30th, 2007

    Préambule

    Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004.

    En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d’Outre-Mer qui manifestent la volonté d’y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l’idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique.

    Article 1er :

    La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

    Titre I – De la Souveraineté

    Article 2 :

    La langue de la République est le français

    L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.

    L’hymne national est la Marseillaise.

    La devise de la République est Liberté, Égalité, Fraternité.

    Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

    Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946

    Tuesday, October 30th, 2007

    Préambule

    Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

    Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après :

    La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme.

    Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République.

    Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.

    Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.

    Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.

    Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.

    Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.

    La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

    Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.

    La Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.

    La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat.

    La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n’entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple.

    Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix.

    La France forme avec les peuples d’outre-mer une Union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion.

    L’Union française est composée de nations et de peuples qui mettent en commun ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer leur sécurité.

    Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l’arbitraire, elle garantit à tous l’égal accès aux fonctions publiques et l’exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus.

    Loi sur les associations – 1 juillet 1901

    Tuesday, October 30th, 2007

    TITRE Ier

    Article premier

        L’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations.

    Article 2

        Les associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration préalable, mais elles ne jouiront de la capacité juridique que si elles se sont conformées aux dispositions de l’article 5.

    Article 3

        Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet.

    Article 4

        Tout membre d’une association qui n’est pas formée pour un temps déterminé peut s’en retirer en tout temps, après paiement des cotisations échues et de l’année courante, nonobstant toute clause contraire.

    Article 5
    (modifié ensuite par l’ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 art. 4 – Journal Officiel du 29 juillet 2005 – en vigueur le 1er janvier 2006)

        Toute association qui voudra obtenir la capacité juridique prévue par l’article 6 devra être rendue publique par les soins de ses fondateurs.
        La déclaration préalable en sera faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l’arrondissement où l’association aura son siège social. Elle fera connaître le titre et l’objet de l’association, le siège de ses établissements et les noms, professions et domiciles de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction. Il en sera donné récépissé.
        Deux exemplaires des statuts seront joints à la déclaration.
      Les associations sont tenues de faire connaître, dans les trois mois, tous les changements survenus dans leur administration ou direction, ainsi que toutes les modifications apportées à leurs statuts.

        Ces modifications et changements ne sont opposables aux tiers qu’à partir du jour où ils auront été déclarés.

       Les modifications et changements seront en outre consignés sur un registre spécial qui devra être présenté aux autorités administratives ou judiciaires chaque fois qu’elles en feront la demande.

    Article 6
    (modifié ensuite par l’ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 art. 2 – Journal Officiel du 29 juillet 2005 – en vigueur le 1er janvier 2006)

        Toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer, en dehors des subventions de l’État, des départements et des communes :

    1° Les cotisations de ses membres ou les sommes au moyen desquelles ces cotisations ont été rédimées, ces sommes ne pouvant être supérieures à 500 F ;
    2° Le local destiné à l’administration de l’association et à la réunion de ses membres ;
    3° Les immeubles strictement nécessaires à l’accomplissement du but qu’elle se propose.

    Article 7
    (modifié ensuite par la loi n° 71-604 du 20 juillet 1971 – Journal Officiel du 21 juillet 1971)

        En cas de nullité prévue par l’article 3, la dissolution de l’association sera prononcée par le tribunal civil, soit à la requête de tout intéressé, soit à la diligence du ministère public.
        En cas d’infraction aux dispositions de l’article 5, la dissolution pourra être prononcée à la requête de tout intéressé ou du ministère public.

    Article 8
    (modifié ensuite par l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 – Journal Officiel du 22 septembre 2000 – en vigueur le 1er janvier 2002)

        Seront punis d’une amende de 16 à 200 F, et, en cas de récidive, d’une amende double, ceux qui auront contrevenu aux dispositions de l’article 5.
        Seront punis d’une amende de 16 à 5.000 F, et d’un emprisonnement de six jours à un an, les fondateurs, directeurs ou administrateurs de l’association qui se serait maintenue ou reconstituée illégalement après le jugement de dissolution.
        Seront punies de la même peine toutes les personnes qui auront favorisé la réunion des membres de l’association dissoute, en consentant l’usage d’un local dont elles disposent.

    Article 9

        En cas de dissolution volontaire, statutaire ou prononcée par justice, les biens de l’association seront dévolus conformément aux statuts ou, à défaut de disposition statutaire, suivant les règles déterminées en assemblée générale.

    TITRE II

    Article 10
    (modifié ensuite par la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 art. 17 – Journal Officiel du 24 juillet 1987)

        Les associations peuvent être reconnues d’utilité publique par décret rendus en la forme des règlements d’administration publique.

    Article 11
    (modifié ensuite par l’ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 art. 2 – Journal Officiel du 29 juillet 2005 – en vigueur le 1er janvier 2006)

        Ces associations peuvent faire tous les actes de la vie civile qui ne sont pas interdits par leurs statuts, mais elles ne peuvent posséder ou acquérir d’autres immeubles que ceux nécessaires au but qu’elles se proposent. Toutes les valeurs mobilières d’une association doivent être placées en titres nominatifs.
        Elles peuvent recevoir des dons et des legs dans les conditions prévues par l’article 910 du code civil et l’article 5 de la loi du 4 février 1901. Les immeubles compris dans un acte de donation ou dans une disposition testamentaire qui ne seraient pas nécessaires au fonctionnement de l’association sont aliénés dans les délais et la forme prescrits par le décret ou l’arrêté qui autorise l’acceptation de la libéralité ; le prix en est versé à la caisse de l’association.

        Elles ne peuvent accepter une donation mobilière ou immobilière avec réserve d’usufruit au profit du donateur.

    Article 12
    (abrogé ensuite par le décret du 12 avril 1939 – Journal Officiel du 16 avril 1939)

        Les associations composées en partie d’étrangers, celles ayant des administrateurs étrangers ou leur siège à l’étranger, et dont les agissements seraient de nature soit à fausser les conditions normales des marchés des valeurs ou des marchandises, soit à menacer la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat, dans les conditions prévues par les articles 75 à 101 du code pénal, pourront être dissoutes par décret du président de la République, rendu en Conseil des ministres.
        Les fondateurs, directeurs ou administrateurs de l’association qui se serait maintenue ou reconstituée illégalement après le décret de dissolution seront punis des meines portées par l’article 8, paragraphe 2.

    TITRE III

    Article 13
    (modifié ensuite par la loi n° 42-505 du 8 avril 1942 – Journal Officiel du 17 avril 1942)

        Aucune congrégation religieuse ne peut se former sans une autorisation donnée par une loi qui déterminera les conditions de son fonctionnement.
        Elle ne pourra fonder aucun nouvel établissement qu’en vertu d’un décret rendu en Conseil d’Etat.
        La dissolution de la congrégation ou la fermeture de tout établissement pourront être prononcées par décret rendu en Conseil des ministres.

    Article 14
    (abrogé ensuite par la loi du 3 septembre 1940 – Journal Officiel du 4 septembre 1940)

        Nul n’est admis à diriger, soit directement, soit par personne interposée, un établissement d’enseignement, de quelque ordre qu’il soit, ni à y donner l’enseignement, s’il appartient à une congrégation religieuse non autorisée.
        Les contrevenants seront punis des peines prévues par l’article 8, paragraphe 2. La fermeture de l’établissement pourra, en outre, être prononcée par le jugement de condamnation.

    Article 15
    (modifié ensuite par le décret n° 2004-1159 du 29 octobre 2004 art. 19 – Journal Officiel du 31 octobre 2004 – en vigueur le 1er janvier 2005)

        Toute congrégation religieuse tient un état de ses recettes et dépenses ; elle dresse chaque année le compte financier de l’année écoulée et l’état inventorié de ses biens meubles et immeubles.
        La liste complète de ses membres, mentionnant leur nom patronymique, ainsi que le nom sous lequel ils sont désignés dans la congrégation, leur nationalité, âge et lieu de naissance, la date de leur entrée, doit se trouver au siège de la congrégation.

        Celle-ci est tenue de représenter sans déplacement, sur toute réquisition du préfet à lui même ou à son délégué, les comptes, états et listes ci-dessus indiqués.

        Seront punis des peines portées au paragraphe 2 de l’article 8 les représentants ou directeurs d’une congrégation qui auront fait des communications mensongères ou refusé d’obtempérer aux réquisitions du préfet dans les cas prévus par le présent article.

    Article 16
    (abrogé ensuite par la loi n° 42-505 du 8 avril 1942 – Journal Officiel du 17 avril 1942)

        Toute congrégation formée sans autorisation sera déclarée illicite.
        Ceux qui en auront fait partie seront punis des peines édictées à l’article 8, paragraphe 2.
        La peine applicable aux fondateurs et administrateurs sera portée au double.

    Article 17
    (modifié ensuite par la loi n° 42-505 du 8 avril 1942 – Journal Officiel du 17 avril 1942)

        Sont nuls tous actes entre vifs ou testamentaires, à titre onéreux ou gratuit, accomplis soit directement, soit par personne interposée, ou toute autre voie indirecte, ayant pour objet de permettre aux associations légalement ou illégalement formées de se soustraire aux dispositions des articles 2, 6, 9, 11, 13, 14 et 16.
        Sont légalement présumées personnes interposées au profit des congrégations religieuses, mais sous réserve de la preuve contraire :

    1° Les associés à qui ont été consenties des ventes ou fait des dons ou legs, à moins, s’il s’agit de dons ou legs, que le bénéficiaire ne soit l’héritier en ligne directe du déposant ;
    2° L’associé ou la société civile ou commerciale composée en tout ou partie de membres de la congrégation, propriétaire de tout immeuble occupé par l’association ;
    3° Le propriétaire de tout immeuble occupé par l’association, après qu’elle aura été déclarée illicite.

        La nullité pourra être prononcée soit à la diligence du ministère public, soit à la requête de tout intéressé.

    Article 18
    (modifié ensuite par la loi du 17 juillet 1903 – Journal Officiel du 18 juillet 1903)

        Les congrégations existantes au moment de la promulgation de la présente loi, qui n’auraient pas été antérieurement autorisées ou reconnues, devront, dans le délai de trois mois, justifier qu’elles ont fait les diligences nécessaires pour se conformer à ses prescriptions.
        À défaut de cette justification, elles sont réputées dissoutes de plein droit. Il en sera de même des congrégations auxquelles l’autorisation aura été refusée.
        La liquidation des biens détenus par elles aura lieu en justice. Le tribunal, à la requête du ministère public, nommera, pour y procéder, un liquidateur qui aura pendant toute la durée de la liquidation tous les pouvoirs d’un administrateur séquestre.
        Le jugement ordonnant la liquidation sera rendu public dans la forme prescrite pour les annonces légales.

        Les biens et valeurs appartenant aux membres de la congrégation antérieurement à leur entrée dans la congrégation, ou qui leur seraient échus depuis, soit par succession ab intestat en ligne directe ou collatérale, soit par donation ou legs en ligne directe, leur seront restitués.
        Les dons et legs qui leur auraient été faits autrement qu’en ligne directe pourront être également revendiqués, mais à charge par les bénéficiaires de faire la preuve qu’ils n’ont pas été les personnes interposées prévues par l’article 17.

        Les biens et valeurs acquis, à titre gratuit et qui n’auraient pas été spécialement affectés par l’acte de libéralité à une oeuvre d’assistance pourront être revendiqués par le donateur, ses héritiers ou ayants droit, ou par les héritiers ou ayants droit du testateur, sans qu’il puisse leur être opposé aucune prescription pour le temps écoulé avant le jugement prononçant la liquidation.
        Si les biens et valeurs ont été donnés ou légués en vue de gratifier non les congréganistes, mais de pourvoir à une oeuvre d’assistance, ils ne pourront être revendiqués qu’à charge de pourvoir à l’accomplissement du but assigné à la libéralité.
        Toute action en reprise ou revendication devra, à peine de forclusion, être formée contre le liquidateur dans le délai de six mois à partir de la publication du jugement. Les jugements rendus contradictoirement avec le liquidateur, et ayant acquis l’autorité de la chose jugée, sont opposables à tous les intéressés.
        Passé le délai de six mois, le liquidateur procédera à la vente en justice de tous les immeubles qui n’auraient pas été revendiqués ou qui ne seraient pas affectés à une oeuvre d’assistance.
        Le produit de la vente, ainsi que toutes les valeurs mobilières, sera déposé à la Caisse des dépôts et consignations.

        L’entretien des pauvres hospitalisés sera, jusqu’à l’achèvement de la liquidation, considéré comme frais privilégiés de liquidation.
        S’il n’y a pas de contestation ou lorsque toutes les actions formées dans le délai prescrit auront été jugées, l’actif net est réparti entre les ayants droit.

        Le règlement d’administration publique visé par l’article 20 de la présente loi déterminera, sur l’actif resté libre après le prélèvement ci-dessus prévu, l’allocation, en capital ou sous forme de rente viagère, qui sera attribuée aux membres de la congrégation dissoute qui n’auraient pas de moyens d’existence assurés ou qui justifieraient avoir contribué à l’acquisition des valeurs mises en distribution par le produit de leur travail personnel.

    Article 19
    (abrogé ensuite par la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 art. 323 – Journal Officiel du 23 décembre 1992 – en vigueur le 1er mars 1994)

        Les dispositions de l’article 463 du code pénal sont applicables aux délits prévus par le présente loi.

    Article 20

        Un règlement d’administration publique déterminera les mesures propres à assurer l’exécution de la présente loi.

    Article 21

        Sont abrogés les articles 291, 292, 293 du code pénal, ainsi que les dispositions de l’article 294 du même code relatives aux associations ; l’article 20 de l’ordonnance du 5-8 juillet 1820 ; la loi du 10 avril 1834 ; l’article 13 du décret du 28 juillet 1848 ; l’article 7 de la loi du 30 juin 1881 ; la loi du 14 mars 1872 ; le paragraphe 2, article 2, de la loi du 24 mai 1825 ; le décret du 31 janvier 1852 et, généralement, toutes les dispositions contraires à la présente loi.
        Il n’est en rien dérogé pour l’avenir aux lois spéciales relatives aux syndicats professionnels, aux sociétés de commerce et aux sociétés de secours mutuels.

    Article 21 bis
    (ajouté par la loi n° 81-909 du 9 octobre 1981, art. 3 –Journal Officiel du 10 octobre 1981 – rectificatif au Journal Officiel du 16 octobre 1981)

            La présente loi est applicable aux territoires d’outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte.

    Le Président de la République :
    EMILE LOUBET.

    Le Président du Conseil, ministre de l’intérieur et des cultes :
    WALDECK-ROUSSEAU.

    Loi de séparation des Eglises et de l’Etat – 9 décembre 1905

    Tuesday, October 30th, 2007

     
    Le Sénat et la Chambre des Députés ont adopté,
    Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit : 
     

    Titre Ier : Principes.

    Article 1

        La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

     

    Article 2

        La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.
        Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
        Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3.

    Titre II : Attribution des biens, pensions.

    Article 3

        Les établissements dont la suppression est ordonnée par l’article 2 continueront provisoirement de fonctionner, conformément aux dispositions qui les régissent actuellement, jusqu’à l’attribution de leurs biens aux associations prévues par le titre IV et au plus tard jusqu’à l’expiration du délai ci-après.
        Dès la promulgation de la présente loi, il sera procédé par les agents de l’administration des domaines à l’inventaire descriptif et estimatif :
        1° Des biens mobiliers et immobiliers desdits établissements ;
        2° Des biens de l’Etat, des départements et des communes dont les mêmes établissements ont la jouissance.
       Ce double inventaire sera dressé contradictoirement avec les représentants légaux des établissements ecclésiastiques ou eux dûment appelés par une notification faite en la forme administrative.
        Les agents chargés de l’inventaire auront le droit de se faire communiquer tous titres et documents utiles à leurs opérations.

    Article 4

        Dans le délai d’un an, à partir de la promulgation de la présente loi, les biens mobiliers et immobiliers des menses, fabriques, conseils presbytéraux, consistoires et autres établissements publics du culte seront, avec toutes les charges et obligations qui les grèvent et avec leur affectation spéciale, transférés par les représentants légaux de ces établissements aux associations qui, en se conformant aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice, se seront légalement formées, suivant les prescriptions de l’article 19, pour l’exercice de ce culte dans les anciennes circonscriptions desdits établissements.

    Article 5

        Ceux des biens désignés à l’article précédent qui proviennent de l’Etat et qui ne sont pas grevés d’une fondation pieuse créée postérieurement à la loi du 18 germinal an X feront retour à l’Etat.
       Les attributions de biens ne pourront être faites par les établissements ecclésiastiques qu’un mois après la promulgation du règlement d’administration publique prévu à l’article 43. Faute de quoi la nullité pourra en être demandée devant le tribunal de grande instance par toute partie intéressée ou par le ministère public.
        En cas d’aliénation par l’association cultuelle de valeurs mobilières ou d’immeubles faisant partie du patrimoine de l’établissement public dissous, le montant du produit de la vente devra être employé en titres de rente nominatifs ou dans les conditions prévues au paragraphe 2 de l’article 22.
         L’acquéreur des biens aliénés sera personnellement responsable de la régularité de cet emploi.
        Les biens revendiqués par l’Etat, les départements ou les communes ne pourront être aliénés, transformés ni modifiés jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la revendication par les tribunaux compétents.

    Article 6

    (modifié ensuite par loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

        Les associations attributaires des biens des établissements ecclésiastiques supprimés seront tenues des dettes de ces établissements ainsi que de leurs emprunts sous réserve des dispositions du troisième paragraphe du présent article ; tant qu’elles ne seront pas libérées de ce passif, elles auront droit à la jouissance des biens productifs de revenus qui doivent faire retour à l’Etat en vertu de l’article 5.
        Les annuités des emprunts contractés pour dépenses relatives aux édifices religieux, seront supportées par les associations en proportion du temps pendant lequel elles auront l’usage de ces édifices par application des dispositions du titre III.
        Dans le cas où l’Etat, les départements ou les communes rentreront en possession de ceux des édifices dont ils sont propriétaires, ils seront responsables des dettes régulièrement contractées et afférentes auxdits édifices.

    Article 7

    (modifié ensuite par loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

        Les biens mobiliers ou immobiliers grevés d’une affectation charitable ou d’une toute autre affectation étrangère à l’exercice du culte seront attribués, par les représentants légaux des établissements ecclésiastiques, aux services ou établissements publics ou d’utilité publique, dont la destination est conforme à celle desdits biens. Cette attribution devra être approuvée par le préfet du département où siège l’établissement ecclésiastique. En cas de non-approbation, il sera statué par décret en Conseil d’Etat.
        Toute action en reprise ou en revendication devra être excercée dans un délai de six mois à partir du jour où l’arrêté préfectoral ou le décret approuvant l’attribution aura été inséré au Journal Officiel. L’action ne pourra être intentée qu’en raison de donations ou de legs et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe.

    Article 8

        Faute par un établissement ecclésiastique d’avoir, dans le délai fixé par l’article 4, procédé aux attributions ci-dessus prescrites, il y sera pourvu par décret.
        A l’expiration dudit délai, les biens à attribuer seront, jusqu’à leur attribution, placés sous séquestre.
        Dans le cas où les biens attribués en vertu de l’article 4 et du paragraphe 1er du présent article seront, soit dès l’origine, soit dans la suite, réclamés par plusieurs associations formées pour l’exercice du même culte, l’attribution qui en aura été faite par les représentants de l’établissement ou par décret pourra être contestée devant le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, lequel prononcera en tenant compte de toutes les circonstances de fait.
        La demande sera introduite devant le Conseil d’Etat, dans le délai d’un an à partir de la date du décret ou à partir de la notification, à l’autorité préfectorale, par les représentants légaux des établissements publics du culte, de l’attribution effectuée par eux. Cette notification devra être faite dans le délai d’un mois.
        L’attribution pourra être ultérieurement contestée en cas de scission dans l’association nantie, de création d’association nouvelle par suite d’une modification dans le territoire de la circonscription ecclésiastique et dans le cas où l’association attributaire n’est plus en mesure de remplir son objet.

    Article 9

    (modifié ensuite par la loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

        A défaut de toute association pour recueillir les biens d’un établissement public du culte, ces biens seront attribués par décret à des établissements communaux d’assistance ou de bienfaisance situés dans les limites territoriales de la circonscription ecclésiastique intéressée.
        En cas de dissolution d’une association, les biens qui lui auront été dévolus en exécution des articles 4 et 8 seront attribués par décret rendu en Conseil d’Etat, soit à des associations analogues dans la même circonscription ou, à leur défaut, dans les circonscriptions les plus voisines, soit aux établissements visés au paragraphe 1er du présent article.
        Toute action en reprise ou en revendication devra être exercée dans un délai de six mois à partir du jour où le décret aura été inséré au Journal Officiel. L’action ne pourra être intentée qu’en raison de donations ou de legs et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe.

    Article 10

    (modifié ensuite par la loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

        Les attributions prévues par les articles précédents ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor.

    Article 11

        Les ministres des cultes qui, lors de la promulgation de la présente loi, seront âgés de plus de soixante ans révolus et qui auront, pendant trente ans au moins, rempli des fonctions ecclésiastiques rémunérées par l’Etat, recevront une pension annuelle et viagère égale aux trois quarts de leur traitement.
        Ceux qui seront âgés de plus de quarante-cinq ans et qui auront, pendant vingt ans au moins, rempli des fonction ecclésiastiques rémunérées par l’Etat recevront une pension annuelle et viagère égale à la moitié de leur traitement.
        Les pensions allouées par les deux paragraphes précédents ne pourront pas dépasser 1500 francs (15 F).
        En cas de décès des titulaires, ces pensions sont réversibles. jusqu’à concurrence de la moitié de leur montant au profit de la veuve et des orphelins mineurs laissés par le défunt et, jusqu’à concurrence du quart, au profit de la veuve sans enfants mineurs. A la majorité des orphelins, leur pension s’éteindra de plein droit.
        Les ministres des cultes actuellement salariés par l’Etat, qui ne seront pas dans les conditions ci-dessus, recevront, pendant quatre ans à partir de la suppression du budget des cultes, une allocation égale à la totalité de leur traitement pour la première année, aux deux tiers pour la deuxième à la moitié pour la troisième, au tiers pour la quatrième.
        Toutefois, dans les communes de moins de 1000 habitants et pour les ministres des cultes qui continueront à y remplir leurs fonctions, la durée de chacune des quatre périodes ci-dessus indiquée sera doublée.
        Les départements et les communes pourront, sous les mêmes conditions que l’Etat, accorder aux ministres des cultes actuellement salariés, par eux, des pensions ou des allocations établies sur la même base et pour une égale durée.
        Réserve et faite des droits acquis en matière de pensions par application de la législation antérieure, ainsi que des secours accordés, soit aux anciens ministres des différents cultes, soit à leur famille.
        Les pensions prévues aux deux premiers paragraphes du présent article ne pourront se cumuler avec toute autre pension ou tout autre traitement alloué, à titre quelconque par l’Etat les départements ou les communes.
        La loi du 27 juin 1885, relative au personnel des facultés de théologie catholique supprimées est applicable aux professeurs, chargés de cours, maîtres de conférences et étudiants des facultés de théologie protestante.
        Les pensions et allocation prévues ci-dessus seront incessibles et insaisissables dans les mêmes conditions que les pensions civiles. Elles cesseront de plein droit en cas de condamnation à une peine afflictive ou infamante ou en cas de condamnation pour l’un des délits prévus aux articles 34 et 35 de la présente loi.
        Le droit à l’obtention ou a la jouissance d’une pension ou allocation sera suspendu par les circonstances qui font perdre la qualité de Français durant la privation de cette qualité.
        Les demandes de pension devront être, sous peine de forclusion, formées dans le délai d’un an après la promulgation de la présente loi.

    Titre III : Des édifices des cultes.

    Article 12

    (modifié ensuite par la loi 98-546 du 2 Juillet 1998 art. 94 I – Journal Officiel du 3 juillet 1998)

        Les édifices qui ont été mis à la disposition de la nation et qui, en vertu de la loi du 18 germinal an X, servent à l’exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres (cathédrales, églises, chapelles, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), ainsi que leur dépendances immobilières, et les objets mobiliers qui les garnissaient au moment où lesdits édifices ont été remis aux cultes, sont et demeurent propriétés de l’Etat, des départements, des communes.
        Pour ces édifices, comme pour ceux postérieurs à la loi du 18 germinal an X, dont l’Etat, les départements et les communes seraient propriétaires, y compris les facultés de théologie protestante, il sera procédé conformément aux dispositions des articles suivants.

    Article 13

    (modifié ensuite par la loi 98-546 du 2 Juillet 1998 art. 94 II – Journal Officiel du 3 juillet 1998)

        Les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II.
        La cessation de cette jouissance, et, s’il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret, sauf recours au Conseil d’Etat statuant au contentieux :
    1° Si l’association bénéficiaire est dissoute ;
    2° Si, en dehors des cas de force majeure, le culte cesse d’être célébré pendant plus de six mois consécutifs ;
    3° Si la conservation de l’édifice ou celle des objets mobiliers classés en vertu de la loi de 1887 et de l’article 16 de la présente loi est compromise par insuffisance d’entretien, et après mise en demeure dûment notifiée du conseil municipal ou, à son défaut du préfet ;
    4° Si l’association cesse de remplir son objet ou si les édifices sont détournés de leur destination ;
    5° Si elle ne satisfait pas soit aux obligations de l’article 6 ou du dernier paragraphe du présent article, soit aux prescriptions relatives aux monuments historiques.
        La désaffectation et ces immeubles pourra, dans les cas ci-dessus prévus être prononcée par décret rendu en Conseil d’Etat. En dehors de ces cas, elle ne pourra l’être que par une loi.
        Les immeubles autrefois affectés aux cultes et dans lesquels les cérémonies du culte n’auront pas été célébrées pendant le délai d’un an antérieurement à la présente loi, ainsi que ceux qui ne seront pas réclamés par une association cultuelle dans le délai de deux ans après sa promulgation, pourront être désaffectés par décret.
        Il en est de même pour les édifices dont la désaffectation aura été demandée antérieurement au 1er juin 1905.
        Les établissements publics du culte, puis les associations bénéficiaires, seront tenus des réparations de toute nature, ainsi que des frais d’assurance et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles les garnissant.

    Article 14

    (modifié ensuite par la loi du 13 Avril 1908 – Journal Officiel du 14 avril 1908)

        Les archevêchés, évêchés, les presbytères et leurs dépendances, les grands séminaires et facultés de théologie protestante seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations prévues à l’article 13, savoir : les archevêchés, et évêchés pendant une période de deux années ; les presbytères dans les communes où résidera le ministre du culte, les grands séminaires et facultés de théologie protestante, pendant cinq années à partir de la promulgation de la présente loi.
        Les établissements et associations sont soumis, en ce qui concerne ces édifices, aux obligations prévues par le dernier paragraphe de l’article 13. Toutefois, ils ne seront pas tenus des grosses réparations.
        La cessation de la jouissance des établissements et associations sera prononcée dans les conditions et suivant les formes déterminées par l’article 13. Les dispositions des paragraphes 3 et 5 du même article sont applicables aux édifices visés par le paragraphe 1er du présent article.
        La distraction des parties superflues des presbytères laissés à la disposition des associations cultuelles pourra, pendant le délai prévu au paragraphe 1er, être prononcée pour un service public par décret rendu en Conseil d’Etat.
    A l’expiration des délais de jouissance gratuite, la libre disposition des édifices sera rendue à l’Etat, aux départements ou aux communes.
        Les indemnités de logement incombant actuellement aux communes, à défaut de presbytère, par application de l’article 136 de la loi du 5 avril 1884, resteront à leur charge pendant le délai de cinq ans. Elles cesseront de plein droit en cas de dissolution de l’association.

    Article 15

        Dans les départements de la Savoie, de la Haute-Savoie et des Alpes-Maritimes, la jouissance des édifices antérieurs à la loi du 18 germinal an X, servant à l’exercice des cultes ou au logement de leurs ministres, sera attribuée par les communes sur le territoire desquelles ils se trouvent, aux associations cultuelles, dans les conditions indiquées par les articles 12 et suivants de la présente loi. En dehors de ces obligations, les communes pourront disposer librement de la propriété de ces édifices.
        Dans ces mêmes départements, les cimetières resteront la propriété des communes.

    Article 16

        Il sera procédé à un classement complémentaire des édifices servant à l’exercice public du culte (cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), dans lequel devront être compris tous ceux de ces édifices représentant, dans leur ensemble ou dans leurs parties, une valeur artistique ou historique.
        Les objets mobiliers ou les immeubles par destination mentionnés à l’article 13, qui n’auraient pas encore été inscrits sur la liste de classement dressée en vertu de la loi du 30 mars 1887, sont, par l’effet de la présente loi, ajoutés à ladite liste. Il sera procédé par le ministre compétent, dans le délai de trois ans, au classement définitif de ceux de ces objets dont la conservation présenterait, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt suffisant. A l’expiration de ce délai, les autres objets seront déclassés de plein droit.
        En outre, les immeubles et les objets mobiliers, attribués en vertu de la présente loi aux associations, pourront être classés dans les mêmes conditions que s’ils appartenaient à des établissements publics.
        Il n’est pas dérogé, pour le surplus, aux dispositions de la loi du 30 mars 1887.
        Les archives ecclésiastiques et bibliothèques existant dans les archevêchés, évêchés, grands séminaires, paroisses, succursales et leurs dépendances, seront inventoriées et celles qui seront reconnues propriété de l’Etat lui seront restituées.

    Article 17

    (modifié ensuite par la loi du 31 Décembre 1913 – Journal Officiel du 4 janvier 1914)

        Les immeubles par destination classés en vertu de la loi du 30 mars 1887 ou de la présente loi sont inaliénables et imprescriptibles.
        Dans le cas où la vente ou l’échange d’un objet classé serait autorisé par le ministre compétent, un droit de préemption est accordé : 1° aux associations cultuelles ; 2° aux communes ; 3° aux départements ; 4° aux musées et sociétés d’art et d’archéologie ; 5° à l’Etat. Le prix sera fixé par trois experts que désigneront le vendeur, l’acquéreur et le président du tribunal civil.
        Si aucun des acquéreurs visés ci-dessus ne fait usage du droit de préemption la vente sera libre ; mais il est interdit à l’acheteur d’un objet classé de le transporter hors de France.
        Nul travail de réparation, restauration ou entretien à faire aux monuments ou objets mobiliers classés ne peut être commencé sans l’autorisation du Ministre des Beaux-Arts, ni exécuté hors de la surveillance de son administration, sous peine, contre les propriétaires, occupants ou détenteurs qui auraient ordonné ces travaux, d’une amende de seize à quinze cents francs.
        Tout infraction aux dispositions ci-dessus ainsi qu’à celles de l’article 16 de la présente loi et des articles 4, 10, 11, 12 et 13 de la loi du 30 mars 1887 sera punie d’une amende de cent à dix mille francs et d’un emprisonnement de six jours à trois mois, ou de l’une de ces deux peines seulement.
        La visite des édifices et l’exposition des objets mobiliers classés seront publiques ; elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance.

    Titre IV : Des associations pour l’exercice des cultes.

    Article 18

        Les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi.

    Article 19

    (modifié ensuite par la loi 42-1114 du 25 Décembre 1942 – Journal Officiel du 2 janvier 1943 et par le Décret 66-388 du 13 Juin 1966 art. 8 – Journal Officiel du 17 juin 1966)

        Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte et être composés au moins :
        Dans les communes de moins de 1.000 habitants, de sept personnes ;
        Dans les communes de 1.000 à 20.000 habitants, de quinze personnes ;
        Dans les communes dont le nombre des habitants est supérieur à 20.000, de vingt-cinq personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse.
        Chacun de leurs membres pourra s’en retirer en tout temps, après payement des cotisations échues et de celles de l’année courante, nonobstant toute clause contraire.
        Nonobstant toute clause contraire des statuts, les actes de gestion financière et d’administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs seront, chaque année au moins présentés au contrôle de l’assemblée générale des membres de l’association et soumis à son approbation.
        Les associations pourront recevoir, en outre, des cotisations prévues par l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901, le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, percevoir des rétributions : pour les cérémonies et services religieux même par fondation ; pour la location des bancs et sièges ; pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration de ces édifices.
        Elles pourront verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d’autres associations constituées pour le même objet.
        Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux monuments classés.

    Article 20

        Ces associations peuvent, dans les formes déterminées par l’article 7 du décret du 16 août 1901, constituer des unions ayant une administration ou une direction centrale ; ces unions seront réglées par l’article 18 et par les cinq derniers paragraphes de l’article 19 de la présente loi.

    Article 21

        Les associations et les unions tiennent un état de leurs recettes et de leurs dépenses ; elles dressent chaque année le compte financier de l’année écoulée et l’état inventorié de leurs biens, meubles et immeubles.
        Le contrôle financier est exercé sur les associations et sur les unions par l’administration de l’enregistrement et par l’inspection générale des finances.

    Article 22

        Les associations et unions peuvent employer leurs ressources disponibles à la constitution d’un fonds de réserve suffisant pour assurer les frais et l’entretien du culte et ne pouvant, en aucun cas, recevoir une autre destination : le montant de cette réserve ne pourra jamais dépasser une somme égale, pour les unions et associations ayant plus de cinq mille francs (5.000 fr) de revenu, à trois fois et, pour les autres associations, à six fois la moyenne annuelle des sommes dépensées par chacune d’entre elles pour les frais du culte pendant les cinq derniers exercices.
        Indépendamment de cette réserve, qui devra être placée en valeurs nominatives, elles pourront constituer une réserve spéciale dont les fonds devront êtres déposés, en argent ou en titres nominatifs, à la Caisse des dépôts et consignations pour y être exclusivement affectés, y compris les intérêts, à l’achat, à la construction, à la décoration ou à la réparation d’immeubles ou meubles destinés aux besoins de l’association ou de l’union.

    Article 23

        Seront punis d’une amende de seize francs à deux cents francs et, en cas de récidive, d’une amende double, les directeurs ou administrateurs d’une association ou d’une union qui auront contrevenu aux articles 18, 19, 20, 21 et 22.
        Les tribunaux pourront, dans le cas d’infraction au paragraphe 1er de l’article 22, condamner l’association ou l’union à verser l’excédent constaté aux établissements communaux d’assistance ou de bienfaisance.
        Ils pourront, en outre, dans tous les cas prévus au paragraphe 1er du présent article, prononcer la dissolution de l’association ou de l’union.

    Article 24

        Les édifices affectés à l’exercice du culte appartenant à l’Etat, aux départements ou aux communes continueront à être exemptés de l’impôt foncier et de l’impôt des portes et fenêtres.
        Les édifices servant au logement des ministres des cultes, les séminaires, les facultés de théologie protestante qui appartiennent à l’Etat, aux départements ou aux communes, les biens qui sont la propriété des associations et unions sont soumis aux mêmes impôts que ceux des particuliers.
        Toutefois, les édifices affectés à l’exercice du culte qui ont été attribués aux associations ou unions en vertu des dispositions de l’article 4 de la présente loi sont, au même titre que ceux qui, appartiennent à l’Etat, aux départements et aux communes, exonérés de l’impôt foncier et de l’impôt des portes et fenêtres.
        Les associations et unions ne sont en aucun cas assujetties à la taxe d’abonnement ni à celle imposée aux cercles par article 33 de la loi du 8 août 1890, pas plus qu’à l’impôt de 4 % sur le revenu établi par les lois du 28 décembre 1880 et 29 décembre 1884.

    Titre V : Police des cultes.

    Article 25

        Les réunions pour la célébration d’une culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités de l’article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l’intérêt de l’ordre public.

     

    Article 26

        Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte.

    Article 27

        Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte, sont réglées en conformité de l’article 97 du Code de l’administration communale.
        Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l’association cultuelle, par arrêté préfectoral.
        Le règlement d’administration publique prévu par l’article 43 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels le sonneries civiles pourront avoir lieu.

    Article 28

        Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions.

    Article 29

        Les contraventions aux articles précédents sont punies des peines de police.
        Sont passibles de ces peines, dans le cas des articles 25, 26 et 27, ceux qui ont organisé la réunion ou manifestation, ceux qui y ont participé en qualité de ministres du culte et, dans le cas des articles 25 et 26, ceux qui ont fourni le local.

    Article 30

    (abrogé ensuite par l’Ordonnance 2000-549 du 15 Juin 2000 art. 7 – Journal Officiel du 22 juin 2000)

        Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi du 28 mars 1882, l’enseignement religieux ne peut être donné aux enfants âgés de six à treize ans, inscrits dans les écoles publiques, qu’en dehors des heures de classe.
        Il sera fait application aux ministres des cultes qui enfreindraient ces prescriptions des dispositions de l’article 14 de la loi précitée.

    Article 31

        Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte.

    Article 32

        Seront punis des mêmes peines ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d’un culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices.

    Article 33

        Les dispositions des deux articles précédents ne s’appliquent qu’aux troubles, outrages ou voies de fait, dont la nature ou les circonstances ne donneront pas lieu à de plus fortes peines d’après les dispositions du Code pénal.

    Article 34

        Tout ministre d’un culte qui, dans les lieux où s’exerce ce culte, aura publiquement par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé d’un service public, sera puni d’une amende de 500 francs à trois mille francs et d’un emprisonnement de un mois à un an, ou de l’une de ces deux peines seulement.
        La vérité du fait diffamatoire, mais seulement s’il est relatif aux fonctions, pourra être établi devant le tribunal correctionnel dans les formes prévues par l’article 52 de la loi du 29 juillet 1881. Les prescriptions édictées par l’article 65 de la même loi s’appliquent aux délits du présent article et de l’article qui suit.

    Article 35

        Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile.

    Article 36

        Dans le cas de condamnation par les tribunaux de police ou de police correctionnelle en application des articles 25 et 26, 34 et 35, l’association constituée pour l’exercice du culte dans l’immeuble où l’infraction a été commise sera civilement responsable.

    Titre VI : Dispositions générales.

    Article 37

        L’article 463 du Code pénal et la loi du 26 mars 1891 sont applicables à tous les cas dans lesquels la présente loi édicte des pénalités.

    Article 38

        Les congrégations religieuses demeurent soumises aux lois des 1er juillet 1901, 4 décembre 1902 et 7 juillet 1904.

    Article 39

        Les jeunes gens, qui ont obtenu à titre d’élèves ecclésiastiques la dispense prévue par l’article 23 de la loi du 15 juillet 1889, continueront à en bénéficier conformément à l’article 99 de la loi du 21 mars 1905, à la condition qu’à l’âge de vingt-six ans ils soient pourvus d’un emploi de ministre du culte rétribué par une association cultuelle et sous réserve des justifications qui seront fixées par un règlement d’administration publique.

    Article 40

        Pendant huit années à partir de la promulgation de la présente loi, les ministres du culte seront inéligibles au conseil municipal dans les communes où ils exerceront leur ministère ecclésiastique.

    Article 41

    (abrogé ensuite par le Décret-loi du 4 Avril 1934 – Journal Officiel du 5 avril 1934 en vigueur le 1er janvier 1935)

        Les sommes rendues disponibles chaque année par la suppression du budget des cultes seront réparties entre les communes au prorata du contingent de la contribution foncière des propriétés non bâties qui leur aura été assigné pendant l’excercice qui précèdera la promulgation de la présente loi.

    Article 42

    (abrogé ensuite par la loi 73-4 du 2 Janvier 1973 art. 2 – Journal Officiel du 3 janvier 1973)

        Les dispositions légales relatives aux jours actuellement feriés sont maintenues.

    Article 43

        Un règlement d’administration publique rendu dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente loi déterminera les mesures propres à assurer son application.
        Des règlements d’administration publique détermineront les conditions dans lesquelles la présente loi sera applicable en Algérie et aux colonies.

    Article 44

        Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions relatives à l’organisation publique des cultes antérieurement reconnus par l’Etat, ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi et notamment :
    1° La loi du 18 germinal an X, portant que la convention passée le 26 messidor an IX entre le pape et le Gouvernement français, ensemble les articles organiques de ladite convention et des cultes protestants, seront exécutés comme des lois de la République ;
    2° Le décret du 26 mars 1852 et la loi du 1er août 1879 sur les cultes protestants ;
    3° Les décrets du 17 mars 1808, la loi du 8 février 1831 et l’ordonnance du 25 mai 1844 sur le culte israélite ;
    4° Les décrets des 22 décembre 1812 et 19 mars 1859 ;
    5° Les articles 201 à 208, 260 à 264, 294 du Code pénal ;
    6° Les articles 100 et 101, les paragraphes 11 et 12, de l’article 136 et l’article 167 de la loi du 5 avril 1884 ;
    7° Le décret du 30 décembre 1809 et l’article 78 de la loi du 26 janvier 1892.

     

    Le Président de la République,
    Emile LOUBET
    Le président du conseil, ministre des affaires étrangères,
    ROUVIER
    Le ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes,
    Bienvenu MARTIN
    Le ministre de l’intérieur,
    F. DUBIEF
    Le ministre des finances,
    P. MERLOU
    Le ministre des colonies,
    CLEMENTEL.

    Ferdinand Buisson – Définition de la laïcité – 1911

    Tuesday, October 30th, 2007

     

    Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire

    Définition du terme : LAICITÉ.

    Ce mot est nouveau, et, quoique correctement formé, il n’est pas encore d’un usage général. Cependant le néologisme est nécessaire, aucun autre terme ne permettant d’exprimer sans périphrase la même idée dans son ampleur.

    La laïcité de l’école à tous les degrés n’est autre chose que l’application à l’école du régime qui a prévalu dans toutes nos institutions sociales. Nous sommes partis comme la plupart des peuples, d’un état de choses qui consistait essentiellement dans la confusion de tous les pouvoirs et de tous les domaines, dans la subordination de toutes les autorités à une autorité unique, celle de la religion. Ce n’est que par le lent travail des siècles que peu à peu les diverses fonctions de la vie publique se sont distinguées, séparées les unes des autres et affranchies de la tutelle étroite de l’Eglise. La force des choses a de très bonne heure amené la sécularisation de l’armée, puis celle des fonctions administratives et civiles, puis celle de la justice. Toute société qui ne veut pas rester à l’état de théocratie pure est bientôt obligée de constituer comme forces distinctes de l’Eglise, sinon indépendantes et souveraines, les trois pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire.

    Mais la sécularisation n’est pas complète quand sur chacun de ces pouvoirs et sur tout l’ensemble de la vie publique et privée le clergé conserve un droit d’immixtion, de surveillance, de contrôle et de veto. Telle était précisément la situation de notre société jusqu’à la Déclaration universelle des droits de l’homme. La Révolution française fit apparaître pour la première fois dans sa netteté entière l’idée de l’Etat laïque, de l’Etat neutre entre tous les cultes, indépendant de tous les clergés, dégagé de toute conception théologique. L’égalité de tous les Français devant la loi, la liberté de tous les citoyens, la constitution de l’état civil et du mariage civil, et en général l’exercice de tous les droits civils désormais assuré en dehors de toute condition religieuse, telles furent les mesures décisives qui consommèrent l’oeuvre de sécularisation. Malgré les réactions, malgré tant de retours directs ou indirects à l’ancien régime, malgré près d’un siècle d’oscillations et d’hésitations politiques, le principe a survécu : la grande idée, la notion fondamentale de l’Etat laïque, c’est à dire la délimitation profonde entre le temporel et le spirituel, est entrée dans nos moeurs de manière à ne plus en sortir. Les inconséquences dans la pratique, les concessions de détail, les hypocrisies masquées sous le nom de respect des traditions, rien n’a pu empêcher la société française de devenir, à tout prendre, la plus laïque, la plus séculière de l’Europe.

    Un seul domaine avait échappé jusqu’à ces dernières années à cette transformation : c’était l’instruction publique, ou plus exactement l’instruction primaire, car l’enseignement supérieur n’était plus tenu depuis longtemps à aucune sujétion, et quant à l’enseignement secondaire, il n’y était plus astreint que pour ses élèves internes, c’est à dire en tant que l’Etat se substituant aux familles est tenu d’assurer eaux enfants, dans les murs des collèges où ils sont enfermés, les moyens d’instruction religieuse qu’ils ne peuvent aller rechercher au dehors. L’enseignement primaire public, au contraire, restait essentiellement confessionnel : non seulement l’école devait donner un enseignement dogmatique formel, mais encore, et par une conséquence facile à prévoir, tout dans l’école, maîtres et élèves, programmes et méthodes, livres, règlements, était placé sous l’inspection ou sous la direction des autorités religieuses.

    L’histoire même de notre enseignement primaire expliquait ce régime.

    Par des motifs divers, tous les gouvernements qui se sont succédé chez nous depuis le Consulat avaient répudié les projets de la Convention et mis tous leurs soins à reconstituer et à maintenir le système ancien de l’école confessionnelle. Un système qui a pour lui une existence de plusieurs siècles, tout un ensemble d’écoles formées et de maîtres en possession d’état, qui a de plus l’approbation du clergé, celle de tous les partis sauf un seul, et qui a enfin en sa faveur des considérations économiques toujours puissantes même auprès des municipalités théoriquement opposées à l’enseignement clérical, ce système ne pouvait être abandonné. Et pour qu’un gouvernement résolût d’y substituer hardiment le régime de la laïcité, il fallait que d’une part l’opinion publique fût revenue aux traditions de 1789 et 1792 et vit d’une vue bien claire la nécessité d’accomplir dans l’instruction publique la même révolution que dans tout le reste de nos institutions, et il fallait d’autre part que le gouvernement fût en mesure de lever les nombreux obstacles préalables qui empêchaient de songer à cette transformation, c’est à dire qu’il fût maître de l’enseignement public, qu’il en tint le budget dans sa main, qu’il l’eût rendu gratuit et obligatoire, qu’il l’eut dégagé de la tutelle des communes et de celle des bienfaiteurs de toute sorte qui, sous prétexte de le doter plus ou moins richement, se réservaient le droit de le faire diriger à leur gré.

    C’est à une date très récente encore que ces diverses conditions se sont trouvées remplies et que la loi française a pu établir la laïcité de l’école primaire. On sait après quels débats acharnés et au prix de quels efforts persévérants la loi du 28 mars 1882 a pu être promulguée.

    Quelques pays nous avaient précédé dans cette voie.

    Dès le commencement du siècle, la Hollande avait adopté le principe de l’école neutre : la loi de 1806 excluait de l’école l’enseignement religieux dogmatique et stipulait que cet enseignement ne pourrait être donné qu’en dehors des heures de classe, par les membres des différentes confessions. La loi de 1857 disait : « L’instruction religieuse est abandonnée aux communions religieuses. Les locaux scolaires pourront, en dehors des heures de classe, être mis à leur disposition pour les élèves qui fréquentent l’école. » Les lois du 17 août 1879 et 3 et 5 juin 1905 ont maintenu cette disposition.

    En Autriche, le loi du 14 mai 1869, tout en plaçant la religion au nombre des branches obligatoires d’enseignement à l’école primaire, dit que l’enseignement religieux doit être donné par les ministres des différents cultes. Toutefois dans les localités où il n’y a pas d’ecclésiastiques, l’instituteur peut être autorisé à donner des leçons de religion aux enfants de sa confession.

    En Suisse, la constitution fédérale de 1874 porte (article 27) : « Les écoles publiques doivent pouvoir être fréquentées par les adhérents de toutes les confessions sans qu’ils aient à souffrir d’aucune façon dans leur liberté de conscience et de croyance ». Cette disposition n’institue pas d’une manière formelle la laïcité de l’école primaire ; aussi, dans presque tous les cantons, l’école est-elle restée confessionnelle ; l’enfant appartenant à un culte autre que celui que professe la majorité des élèves est simplement dispensé d’assister aux leçons de religion. Quelques cantons ont toutefois introduit chez eux la laïcité du personnel enseignant, c’est à dire que les personnes appartenant à des ordres religieux ne peuvent enseigner dans les écoles publiques.

    Aux Etats-Unis, l’école publique donne généralement un enseignement religieux non dogmatique, sous la forme de lecture de passages de la Bible ; mais un certain nombre de villes ont établi la neutralité absolue de l’école, c’est à dire ont supprimé la prière et la lecture de la Bible.

    En Italie, la loi du 15 juillet 1877 a rayé le catéchisme et l’histoire sainte du nombre des matières obligatoires. Quelques communes ont profité de cette disposition pour donner à leurs écoles primaires un caractère de neutralité ; mais le plus grand nombre ont maintenu comme par le passé, l’enseignement religieux, devenu facultatif aux termes de la loi, mais suivi en fait par l’unanimité des élève.

    La législation française est la seule qui ait établi le régime de la laïcité d’une logique et complète : laïcité de l’enseignement, laïcité du personnel enseignant.

    Que faut-il entendre par laïcité de l’enseignement ? Nous estimons qu’il faut prendre ces mots dans le sens qui se présente le premier à l’esprit, c’est à dire dans leur acception la plus correcte et la plus simple : l’enseignement primaire est laïque, en ce qu’il ne se confond plus avec l’enseignement religieux. L’école, de confessionnelle qu’elle était, est devenue laïque, c’est à dire étrangère à toute église ; elle n’est plus seulement « mixte quant au culte », situation qui pendant longtemps a marqué pour ainsi dire, la transition entre les deux régimes : elle est « neutre quant au culte ». Les élèves de toutes les communions y sont indistinctement admis, mais les représentants d’aucune communion n’y ont plus d’autorité, n’y ont plus accès. C’est la séparation, si longtemps demandée en vain, de l’Eglise et de l’école. L’instituteur à l’école, le curé à l’église, le maire à la mairie. Nul ne peut se dire proscrit du domaine où il n’a pas entrée : c’est le fait même de la distinction des attributions qui n’a rien de blessant pour personne ni de préjudiciable pour aucun service.

    Réduit à ces termes, le problème de la laïcité ne peut donner lieu ni à de bien vives discussions, ni à des difficultés sérieuses, quelques efforts qu’on tente pour les faire naître. Mais est-il possible de se tenir à ces lignes générales ? Le culte de la logique, que nous professons plus peut être qu’un autre peuple, n’exige-t-il pas que nous disions où commence et où finit la laïcité ? Suffit-il que le prêtre n’entre pas dans l’école, que le catéchisme n’y soit pas enseigné ni les prières récitées, pour que l’enseignement lui-même soit laïque ? Si l’instituteur lui-même a des convictions religieuses, comment ne les communiquera-t-il pas à ses élèves ? S’il n’en a pas ou s’il les dissimule, sera-t-il vraiment à la hauteur de se mission éducatrice ? Ainsi envisagé, le problème s’élève et s’étend, la question législative et administrative fait place à la question philosophique et pédagogique. Essayons sinon de la résoudre, du moins d’indiquer en quel sens la solution nous semble devoir être cherchée.

    Si par laïcité de l’enseignement primaire, il fallait entendre la réduction de cet enseignement à l’étude de la lecture et de l’écriture, de l’orthographe et de l’arithmétique, à des leçons de choses et à des leçons de mots, toute allusion aux idées morales, philosophiques et religieuses étant interdite comme une infraction à la stricte neutralité, nous n’hésitons à dire que c’en serait fait de notre enseignement national. Ce serait ramener l’instituteur au rôle presque machinal de l’ancien magister dont les deux attributs distinctifs étaient la férule et la plume d’oie, l’une résumant toute sa méthode et l’autre tout son art. Si l’instituteur ne doit pas être un éducateur, quelques titres qu’on lui donne, quelque position qu’on lui assure, quelque savoir qu’il possède, sa mission est amoindrie et tronquée au point de n’être plus digne du respect qui l’entoure aujourd’hui. L’enfant du peuple a besoin d’autre chose que de l’apprentissage technique de l’alphabet et de la table de Pythagore ; il a besoin, comme on l’a si heureusement dit, d’une éducation libérale, et c’est la dignité de l’instituteur et la noblesse de l’école de donner cette éducation sans sortir des cadres modestes de l’enseignement populaire. Or qui peut prétendre qu’il y ait une éducation sans un ensemble d’influences morales, sans une certaine culture générale de l’âme, sans quelques notions sur l’homme lui-même, sur ses devoirs et sur sa destinée? Il faut donc que l’instituteur puisse être un maître de morale en même temps qu’un maître de langue ou de calcul, pour que son oeuvre soit complète. Il faut qu’il continue à avoir charge d’âmes et à en être profondément pénétré. Il faut qu’il ait le droit et le devoir de parler autant au coeur qu’à l’esprit, de surveiller dans chaque enfant l’éducation de la conscience au moins à l’égal de toute autre partie de son enseignement. Et un tel rôle est incompatible avec l’affectation de la neutralité, ou de l’indifférence, ou du mutisme obligatoire sur toutes les questions d’ordre moral, philosophique et religieux. « Il y a bien deux espèces de neutralité de l’école, disait très bien le ministre de l’instruction publique au cours de la discussion de la loi de 1882 : il y a la neutralité confessionnelle et la neutralité philosophique. Et il ne s’agit dans cette loi que de le neutralité philosophique. Et il ne s’agit dans cette loi que de la neutralité confessionnelle ». L’instituteur se doit, doit à ses élèves et doit à l’Etat de ne prendre parti dans l’exercice de ses fonctions ni pour ni contre aucun culte, aucune église, aucune doctrine religieuse, ce domaine étant et devant rester le domaine sacré de la conscience. Mais on pousserait le système à l’absurde si l’on prétendait demander au maître de ne pas prendre parti entre le bien et le mal, entre la morale du devoir et la morale du plaisir, entre le patriotisme et l’égoïsme, si on lui interdisait de faire appel aux sentiments généreux, aux émotions nobles, à toutes ces grandes et hautes idées morales que l’humanité se transmet sous des noms divers depuis quelques mille ans comme le patrimoine de la civilisation et du progrès. Et le ministre a eu raison, aussi longtemps qu’a duré la discussion de cette loi, et malgré tous les efforts de ses adversaires, de s’obstiner à les ramener toujours de la spéculation et de la logique à outrance aux faits et aux considérations pratiques ; il avait pour lui le bon sens et l’expérience quand il soutenait qu’en somme l’enseignement de la morale n’est ni une impossibilité, ni une contradiction avec le caractère neutre de l’école. – Mais quelle morale ? ne cessait-on de lui demander. Et il ne cessait de répondre : « Mais tout simplement la bonne vieille morale de nos pères, la nôtre, la vôtre, car nous n’en avons qu’une. Nous avons plusieurs théories,mais dans la pratique c’est la même morale que nous avons reçue de nos parents et que nous transmettons à nos enfants. Oui, ajoutait-il en terminant, quoique vous fassiez pour obscurcir cette notion, oui, la société laïque peut donner un enseignement moral, oui les instituteurs peuvent enseigner la morale sans se livrer aux recherches métaphysiques. Ce n’est pas le principe de la chose qu’ils enseigneront, c’est la chose elle-même, c’est la bonne, la vieille, l’antique morale humaine ».

    La laïcité de l’école n’exclut donc pas l’éducation morale, elle lui donne au contraire un rôle et une portée qu’elle n’avait jamais eus auparavant. Aussi les nouveaux programmes ont-ils fait une place à part à cet enseignement laïque de la morale, en lui imprimant un caractère distinct de tous les autres enseignements.

    « Tandis que les autres études, dit l’instruction du 27 juillet 1882, développent chacune un ordre spécial d’aptitudes et de connaissances utiles, celle-ci tant à développer dans l’homme l’homme lui-même, c’est à dire un coeur, une intelligence, une conscience. Cette élaboration n’a pas pour but de faire savoir, mais de faire vouloir ; elle émeut plus qu’elle ne démontre ; devant agir sur l’être sensible, elle procède plus du coeur que du raisonnement ; elle n’entreprend pas d’analyser toutes les raisons de l’acte moral, elle cherche avant tout à le produire, à le répéter, à en faire une habitude qui gouverne la vie. A l’école primaire surtout, ce n’est pas une science, c’est un art, l’art d’incliner la volonté vers le bien.

    « L’instituteur est chargé de cette partie de l’éducation, en même temps que des autres, comme représentant de la société : la société laïque et démocratique a en effet l’intérêt le plus direct à ce que tous ses membres soient initiés de bonne heure et par des leçons ineffaçables au sentiment de leur dignité et à un sentiment non moins profond de leur devoir et de leur responsabilité personnelle….

    « Sa mission est don bien définie : elle consiste à fortifier, à enraciner dans l’âme de ses élèves pour toute leur vie, en les faisant passer dans la pratique quotidienne, ces notions essentielles de moralité humaine, communes à toutes les doctrines et nécessaires à tous les hommes civilisés. Il peut remplir cette mission sans avoir à faire personnellement ni adhésion, ni opposition à aucune des diverses croyances confessionnelles auxquelles ses élèves associent et mêlent les principes généraux de la morale. Il prend ces enfants tels qu’ils lui viennent, avec leurs idées et leur langage, avec les croyances qu’ils tiennent de la famille, et il n’a d’autre souci que de leur apprendre à en tirer ce qu’elles contiennent de plus précieux au point de vue social, c’est à dire les préceptes d’une haute moralité… Plus tard, devenus citoyens, ils seront peut-être séparés par des opinions dogmatiques, mais du moins ils seront d’accord dans la pratique pour placer le but de la vie aussi haut que possible, pour avoir la même horreur de tout ce qui est bas et vil, la même admiration de ce qui est noble et généreux, la même délicatesse dans l’appréciation du devoir. »

    Quant à la laïcité du personnel enseignant, elle fut posée dans le principe par la loi du 30 octobre 1886, qui dit, à l’article 17 : «Dans les écoles publiques de tout ordre, l’enseignement est exclusivement confié à un personnel laïque». Mais la transition fut ménagée par les dispositions de l’article suivant. Ce fut seulement dans les départements où une école normale soit d’instituteurs, soit d’institutrices, aurait fonctionné depuis quatre ans, qu’il ne serait fait aucune nomination nouvelle soit d’instituteur, soit d’institutrice congréganiste. Pour les écoles de garçons, la loi fixa un délai à l’expiration duquel la substitution du personnel laïque au personnel congréganiste devait être achevée : la laïcisation devait être complète dans un laps de temps de cinq ans après la promulgation de la loi. Pour les écoles de filles, comme la difficulté à se procurer un personnel laïque féminin était plus grande, aucun délais ne fut imparti par la loi de 1886 ; mais, seize ans plus tard, l’article 70 de la loi de finances du 30 mars 1902 combla cette lacune en ces termes : « dans les écoles primaires publiques de tout ordre ayant un personnel congréganiste, la substitution du personnel laïque au personnel congréganiste devra être complète dans le laps de trois ans à partir du 1er janvier 1903. Toutefois ce délai pourra être porté à dix ans à compter de la même date pour les communes où la laïcisation rendra nécessaire l’acquisition ou la construction d’une maison d’école. »

    En 1901, ce ne fut plus dans l’école publique seulement, mais dans l’école privée, qu’une partie du personnel congréganiste se vit refuser le droit d’enseigner : l’article 14 de la loi du 1er juillet 1901 interdit l’enseignement aux membres des congrégations non autorisées. La loi du 7 juillet 1904 alla plus loin et acheva la suppression totale de l’enseignement congréganiste : elle déclara, dans son article 1er, que « l’enseignement de tout ordre et de toute nature est interdit en France aux congrégations », et que « les congrégations exclusivement enseignantes seront supprimées dans un délai maximum de dix ans ».