Archive for the ‘Les fossoyeurs’ Category

Des écoles sous contrat Opus dei

Tuesday, October 30th, 2007

78 : Ecole LES TILLEULS à Voisins Le Bretonneux

http://www.lestilleuls78.com/

92 : Collège Privé Hautefeuille à Courbevoie

http://hautefeuille.free.fr/index.htm

OIDEL – Création et relation avec l’Opus dei

Tuesday, October 30th, 2007

Derrière chaque mauvais coup porté à l’Education nationale française, on retrouve au détour de textes, de liens hypertextes une association suisse du canton de Genève qui lui a accordée le statut « d’organisation d’intérêt public ». : OIDEL (l’Organisation internationale pour le droit à l’éducation et la liberté d’enseignement)

Cette organisation a le statut consultatif auprès des Nations Unies, de l’UNESCO et du Conseil de l’Europe et collabore avec l’Union Européenne. Cette OIDEL a opportunément sorti dans le cours de la campagne présidentielle un rapport relatif à « la liberté de l’enseignement en France ». que l’on pouvait consulter sur ce site :http://www.creer-son-ecole.com/fichiers/Rapport_France_2007.pdfCette partie du pré rapport concerne 85 pays. Seule la partie française est aujourd’hui publiée.

Cette OIDEL s’intéresse de prés à la carte scolaire, un sujet très franco français « Choix de l’école et justice sociale : dilemme ou mirage ?  Symposium organisé par l’OIDEL avec la collaboration  d’Enseignement et Liberté, Lisbonne, septembre 2007. »

L’UNAPEL y représente l’enseignement catholique français, pour y traiter de la carte scolaire à laquelle ces établissements ne sont pas soumis : vous avez dit démantèlement du service public français ?

http://www.enseignementliberte.org/el097.htm#EL0971

Quels sont les liens entre plusieurs officines mises en place ou soutenues par des acteurs politiques de premier plan  dont : « Créateurs d’écoles », « SOS éducation », « Créer-son-école », « Enseignement et Liberté », « Famille, Ecole, Education »…

L’Etat fédéral de Genève affirme que l’OIDEL (l’Organisation internationale pour le droit à l’éducation et la liberté d’enseignement) est une création de l’OPUS DEI.

Deux sites du Gouvernement fédéral Genevois le confirme.

Extraits du site 1 :

http://www.geneve.ch/grandconseil/memorial/data/550201/5/550201_5_partie7.asp 

« Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz : Pour nous ce projet de loi pose pas mal de problèmes. Tout d’abord, selon mes informations, l’Université d’été a été créée par l’OIDEL, l’Organisation internationale pour le droit à l’éducation et la liberté d’enseignement, en clair l’école privée. L’OIDEL, elle, a été fondée avec un appui actif de l’Opus Dei, qui est comme vous le savez l’extrême-droite de l’Eglise catholique.
Je ne connais pas l’évolution de cette organisation, depuis 1985, date à laquelle elle a été créée, mais les ONG défendant les droits de l’homme avaient demandé que l’Université d’été se dote d’un conseil des ONG qui marque un peu de distance par rapport à ses fondateurs. Les ONG mêmes qui pensaient que l’université utilisait le nom d’université d’été de manière abusive, puisque beaucoup de formations sont données dans le cadre des droits de l’homme. Est-ce que le fait de s’appeler «Université d’été» suffit pour être légitimée ? Ce qui est sûr, c’est que cette université d’été sur les droits de l’homme a un relais fort bien organisé au niveau du parlement. Et puis, je rappelle qu’elle est déjà financée par le Département fédéral des affaires étrangères de la Confédération, la Direction du développement et de la coopération, la Division politique, l’Unesco, le Centre international des droits de la personne, le Développement de la démocratie, la Loterie romande, la Ville de Genève, etc. »

Extraits du site 2 :

http://www.geneve.ch/grandconseil/data/texte/PL08829B.pdf

« Les liens avec l’OIDEL (Organisation internationale pour le droit à l’éducation et à la liberté d’enseignement), organisation qui a fondé l’UEDH et l’Opus Dei qui a contribué à la création l’OIDEL. M. Trocmé indique que l’Entraide Universitaire mondiale a cofondé l’UEDH avec l’OIDEL mais qu’elle a « fermé ses portes ». L’UEDH a dû obtenir des financements complémentaires. Aujourd’hui, l’OIDEL partage les mêmes bureaux avec l’UEDH et un échange existe entre les deux organisations. A la question de savoir si ces liens ont trait à la promotion de la liberté de la présence d’écoles confessionnelles dans certains pays, il est répondu que les objectifs des deux organisations n’ont rien à voir.

L’OIDEL a un statut consultatif auprès des Nations Unies que l’UEDH n’a pas. C’est donc par ce biais que l’UEDH peut accéder au Palais des Nations et que les participants reçoivent des accréditations, même si les objectifs de l’université d’été n’ont rien à voir avec ceux de l’OIDEL qui a par ailleurs également un statut consultatif auprès de l’UNESCO et du Conseil de l’Europe.

L’UEDH essaie de dissiper ces malentendus et son conseil est composé de personnes de toutes tendances. M. Fernandez (par ailleurs directeur de l’OIDEL, n.d.l.r.) précise encre que s’il est lui-même membre de l’Opus Dei, l’UEDH n’entretient aucune relation avec cette organisation. Il a été appelé pour mettre en place d’UEDH qui ne véhicule aucune idée religieuse.

Les sources de financement. Le pourcentage de 14 % de recette provenant des taxes d’inscription correspond aux taxes payées par les participants des pays développés. Pour le reste, des bourses sont demandées aux communes qui financent un ou une participante. Elle dispense une formation en espagnol, d’où les contacts importants avec l’Amérique latine. Elle privilégie également le français. A la question de savoir si l’Eglise catholique finance l’UEDH vu son lien ave l’OIDEL, M. Fernandez indique que l’UEDH vit des cotisations de ses membres qui sont de 1 000 F par année pour les institutions et 250 F pour les personnes physiques, qui couvrent les frais de fonctionnement. Elle ne reçoit rien de l’Eglise catholique. Elle s’adresse aux gouvernements pour ses projets. »

Même l’OPUS DEI du Paraguay travaille avec l’OIDEL

http://en.romana.org/art/39/6.1/1

Traduction : « Jorge Scala, avocat, professeur d’université et membre de l’OIDEL a donné une conférence à propos de « famille et politique internationale » dans laquelle il a exposé son point de vue sur la relation entre les politiques anti-natalité et divers intérêts économiques. »

Extraits du site de l’OIDEL

CRÉATION

L’OIDEL a été créée en 1985 par quarante personnalités politiques, experts en éducation et parents d’élèves. L’OIDEL a le statut consultatif auprès des Nations Unies, de l’UNESCO et du Conseil de l’Europe. Elle collabore également avec l’Union européenne et avec de nombreuses organisations internationales non gouvernementales. Le Canton de Genève, qui accueille son siège social, a conféré à l’OIDEL le statut ” d’organisation d’intérêt public “.

Les membres fondateurs de l’OIDEL

Charles L. Glenn*, (USA) Doyen de la Faculté d’éducation, Boston University. Lluis Alegre, (E) ancien Parlementaire et Ministre catalan du Commerce. Maria Jesus Barroso Soares*, (P) Présidente de la Fondation Pro Dignitate, ancienne Vice-Présidente de la Commission d´Education du Parlement. Emilio Colombo,(I) ancien Président du Conseil des ministres, ancien Président du Parlement européen. Ramón Durany*, (E) ancien Président de Institució Familiar d’Educació. José María Ferre*, (E) Membre de la direction de Fomento. Concepcio Ferrer*, (E) ancien Membre du Parlement européen. Eugenio Gil*, (E) Directeur d’école. Guy Guermeur*, (F) ancien Membre de l´Assemblée nationale et du Parlement européen. ( Bien connu en France pour la loi qui porte son nom et qui aggrave la loi Debré) Horst Hennert, (D) expert en éducation. Antoine Humblet, (B) ancien Ministre de l´Education, Président honoraire de l´OIDEL. Werner van Kattwijk*, (NE) Président de l´Association des parents d´élèves des écoles protestantes, Vice-Président de l´Association européenne des parents d´élèves. Kurt Malangré, (D) ancien Parlementaire européen, ancien Maire d´Aix-la-Chapelle. Mario Mauro*, (I), Vice-Président du Parlement européen. Joseph Michel, (B) ancien Ministre de l´Education. Alberto Michelini, (I) Conseiller pour les rapports institutionnels avec les gouvernements africains, Mairie de Rome. Juan Antonio Ortega y Díaz-Ambrona, (E) ancien Ministre de l´Education. Jacques Python, (CH) Avocat, Président honoraire de l´OIDEL. Rosa Russo Jervolino, (I) Maire de Naples, ancienne Ministre de l´Intérieur et de l´Education. Stuart Sexton*, (GB) Directeur de IPSET, division de l’Education. Macjej Srebro*,(P) ancien Ministre. Mario Viscovi, (I) ancien Président de l´Association européenne des parents d´élèves. Frank Monagle*, (AUS) Directeur de la Fondation Pared.

* = membre du Comité exécutif (2004-2008)

L’OIDEL poursuit les objectifs suivants :

– contribuer à la recherche dans le domaine du droit à l’éducation, de la liberté d’enseignement et des politiques de l’éducation.

– collaborer avec les organisations internationales et les organes de protection des droits de l’homme, à la promotion du droit à l’éducation et des libertés éducatives

– offrir des sessions de formation en droit à l’éducation et développer un réseau de personnes et d’institutions concernées par la liberté d’enseignement.

– conseiller tous ceux et celles qui sont intéressées par la création, la gestion et le financement de centres scolaires.

– informer l’opinion publique sur les progrès et sur les violations du droit à l’éducation et des libertés éducatives

Les missions sont explicites développer : l’enseignement privé pour désinstitutionnaliser l’Ecole publique laïque.

Enseignement et Liberté et OIDEL

Tuesday, October 30th, 2007

PROMOUVOIR UNE EDUCATION COMPETITIVE POUR LA SOCIETE DE LA CONNAISSANCE : NORMES INTERNATIONALES ET NORMES NATIONALES.

Communication du Recteur Pécheul, Professeur agrégé des Facultés de Droit
Président de l’Association Enseignement et Liberté

Au Symposium sur Le rôle de la société civile dans la gouvernance de l’éducation,
organisé par l’OIDEL, en collaboration avec l’UNESCO, le gouvernement de Galice et Enseignement et Liberté en septembre 2005.

 

 

La multiplicité des normes juridiques qui encadrent le droit à l’éducation donnerait à penser que les défenseurs de ce droit fondamental pour l’homme peuvent se reposer sur leurs lauriers. L’ONU, l’UNESCO, le Conseil de l’Europe, l’Union européenne, de nombreuses constitutions nationales… ont apporté leur pierre à l’édifice de l’Education pour tous. Au-delà de ces obligations juridiques internationales ou dans leur prolongement, les gouvernements nationaux ont aussi pris des engagements politiques et pour certains des mesures budgétaires conséquentes. Et, nombreux sont les Etats qui se sont engagés à garantir l’éducation pour tous et à œuvrer tout particulièrement en faveur d’une éducation de qualité, gratuite et obligatoire.

 

Pourtant la réalité est cruelle : il reste, de par le monde, entre 850 millions et 900 millions de personnes adultes analphabètes ! Et, plusieurs centaines de millions d’enfants qui devraient aller à l’école primaire sont privés de ce droit essentiel, de cette garantie première de la liberté.

 

C’est dire que l’objectif ambitieux de l’éducation pour tous, celui de la recherche généralisée de l’épanouissement de la personne humaine, complétés aujourd’hui par l’objectif de l’éducation toute la vie, sont bien loin d’être atteints. Notre réunion de Saint Jacques de Compostelle est loin d’être superfétatoire : la tâche à accomplir reste immense.

 

Et nous serions bien prétentieux de croire que cela ne concerne que les pays en voie de développement. Les pays occidentaux, même les plus riches, conservent un taux d’analphabètes et d’illettrés particulièrement important. En France, par exemple, le taux d’illettrisme (qui consiste dans l’incapacité de lire ou d’écrire en le comprenant un texte courant et de faire un rapport entre ce texte et la vie quotidienne) touche entre 15 et 20 % des nouvelles tranches d’âge de la population.

 

Mais évidemment la difficulté est grande car, si les instruments internationaux d’affirmation et de protection du droit à l’éducation sont nombreux (I), l’impact du droit international et des rapports internationaux sur le droit constitutionnel de chaque Etat reste encore bien mesuré (II).

 

***
*

 

I. Les instruments internationaux

 

Que le droit à l’éducation soit devenu une préoccupation majeure des institutions internationales et des normes juridiques internationales, cela est indéniable.

 

Au premier rang des systèmes juridiques organisés, on trouve naturellement l’ONU avec, d’une part, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, d’autre part, l’un des deux pactes de 1966.

 

Les normes juridiques et les obligations qui en découlent pour les Etats ont, bien sûr, une vocation universelle.

 

Rédigé après l’article 26 de la déclaration universelle de 1948 [1] , qui proclame que « toute personne a droit à l’éducation », l’article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 est, à cet égard, la disposition du droit international général sur le droit à l’éducation la plus large par sa portée [2] .

 

Depuis l’adoption du Pacte par l’Assemblée générale en 1966, d’autres instruments internationaux ont développé les objectifs vers lesquels l’éducation doit tendre.

 

On y rappelle constamment que les Etats parties sont tenus de veiller à ce que l’enseignement, sous toutes ses formes et à tous les niveaux, réponde aux buts et aux objectifs énoncés au paragraphe 1 de l’article 13 du Pacte, interprété à la lumière de la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous (Jomtien, Thaïlande, 1990) (art. 1), de la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 29, par. 1), de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne (première partie, par. 33, et deuxième partie, par. 80), ainsi que du Plan d’action en vue de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation dans le domaine des droits de l’homme (par. 2).

 

Si tous ces textes vont dans le même sens que le paragraphe 1 de l’article 13 du Pacte, ils renferment également certains éléments qui n’y figurent pas expressément, par exemple la mention de l’égalité entre les sexes et celle du respect de l’environnement [3]

 

Mais, il faut bien constater que la force juridique de tous ces textes est assez aléatoire.

 

Par exemple, le juge constitutionnel français, ou bien encore le juge administratif leur dénient en grande partie l’effet direct et la primauté, c’est-à-dire la possibilité de s’imposer aux normes nationales contraires ou en tout cas aux mesures nationales insuffisantes.

 

Ils estiment, comme nombre de juges nationaux, que de nombreuses règles internationales, ou bien ne concernent que les Etats signataires des conventions internationales, ou bien sont insuffisamment précises pour être applicables par elles-mêmes.

 

En clair, cela signifie qu’un simple particulier, national ou non d’un Etat donné, ne peut pas exiger de cet Etat l’application effective des droits exprimés dans la Déclaration de 1966.

 

Plus concrètement encore, ce droit à l’éducation restera alors lettre morte puisque les victimes des carences d’un Etat n’ont aucun moyen juridique de faire valoir leur droit.

 

C’est dire qu’il reste encore beaucoup à faire pour que le droit à l’éducation (comme d’ailleurs la plupart des droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux) soient à la portée de tous.

 

Pourtant, le droit à l’éducation est sans doute l’un des premiers des droits universels de l’homme. Non pas en terme d’importance quantitative car les droits de l’homme n’ont pas à être mesurés les uns par rapport aux autres, ils forment un tout inséparable : ils sont indivisibles et interdépendants

 

Mais force est bien de reconnaître que le droit à l’éducation est souvent celui qui offre une clef d’accès à tous les autres. Il est ainsi indispensable pour permettre l’exercice de la plupart des autres droits. La connaissance, le savoir et l’information sont, en effet, les conditions principales de l’exercice de l’autonomie des individus et sans doute aussi de l’accès à la dignité de l’être humain.

 

Pour reprendre le fil de la présentation des normes internationales, et dans le prolongement de l’œuvre normatrice de l’ONU stricto sensu, on trouve naturellement celle de l’UNESCO [4]. Sa vocation est aussi universelle et le droit à l’éducation est au cœur même de sa mission. Il fait d’ailleurs partie de son mandat « constitutionnel » [5].

 

On retiendra, entre autres évènements importants, le forum mondial sur l’Education qui s’est tenu à DAKAR au mois d’avril 2000.

 

Chacun sait ici, que parmi les « objectifs de DAKAR », il y a ce droit à l’éducation de base pour tous en tant que droit fondamental de l’homme [6].

 

Puis, sur un plan plus « régional », on trouve le Conseil de l’Europe et la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme .

 

La Convention européenne des droits de l’homme nous intéresse moins d’ailleurs en tant qu’elle proclamerait un droit à l’éducation qu’en tant qu’elle permet de garantir la liberté de l’Education.

 

En Europe, en tout cas, elle donne une assise juridique solide au partage de responsabilité en matière d’éducation puisque, en affirmant le pluralisme et la liberté, elle conduit nécessairement à éviter que la responsabilité de l’éducation soit exclusivement assurée par l’Etat et son service public.

 

Compte tenu de l’action de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, cette liberté est effectivement protégée…. A condition de le lui demander.

 

Toujours sur un plan régional, on ne peut naturellement pas faire l’impasse de l’œuvre de l’Union Européenne et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.

 

Sur, le premier point, le nouvel objectif stratégique pour l’Union européenne est de « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». Ce nouvel objectif stratégique pour l’Union européenne a été énoncé au Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000 [7].

Puis, sur la base d’une proposition de la Commission et de contributions des États membres, le Conseil a adopté le 12 février 2001 le «Rapport sur les objectifs concrets futurs des systèmes d’éducation et de formation». Il s’agit du premier document qui esquisse une approche globale des politiques nationales dans le domaine de l’éducation, dans le contexte de l’Union Européenne, autour de trois objectifs:

· améliorer la qualité et l’efficacité des systèmes d’éducation et de formation dans l’Union Européenne ;

· permettre l’accès de tous à l’éducation et à la formation ‘tout au long de la vie';

· ouvrir les systèmes d’éducation et de formation sur le monde.

Ce Rapport a été approuvé en mars 2001 par le Conseil européen de Stockholm, qui a demandé la préparation d’un programme de travail détaillé. Celui-ci a été adopté le 14 février 2002 et a fait l’objet d’un autre rapport présenté au Conseil Européen de Barcelone des 15-16 mars 2002 [8].

Mais, pour le droit de l’Union Européenne, la difficulté réside ici dans le fait que la question de l’Education n’est pas un domaine qui a été communautarisé. En clair cette question ne relève pas la compétence des institutions de la Communauté européenne. De sorte que les Etats membres de l’Union Européenne (plus exactement de la Communauté Européenne car l’Union n’a pas, pour l’instant, de personnalité juridique) n’ont pas à s’incliner devant les textes d’origine communautaire.

 

Il n’y a, sur ce point, ni primauté ni effet direct du droit communautaire. On ne peut parler que d’harmonisation des politiques nationales.

 

Concrètement, cela signifie qu’il appartient à chaque pays de mettre en œuvre les changements nécessaires en fonction de son contexte et de ses traditions propres, en s’appuyant sur la coopération entre Etats membres au niveau européen. Au travers du partage d’expériences et de bonnes pratiques, d’actions visant la réalisation des objectifs communs, cette coopération a pour but de permettre à chacun de tirer bénéfice d’actions menées avec succès ailleurs. C’est que l’on appelle la méthode ouverte de coordination [9].

 

Quant à la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, elle est aussi (tant que le « traité constitution » ne sera pas adopté en tout cas) dépourvue de force juridique obligatoire. C’est sans doute une source d’inspiration pour les juges européens ou pour les juges nationaux. Mais, juridiquement, elle est en principe sans portée normative réelle. Cela dit, sur la question du droit à l’éducation ou bien encore sur celle de la liberté de l’éducation elle n’est guère révolutionnaire. Elle reprend en grande partie soit les droits prévus par l’article 13 du Pacte de 1966, soit les libertés protégées par la convention européenne des droits de l’homme [10].

 

***
*

 

II. L’impact du droit international

 

Reste alors à examiner le point de savoir comment la communauté internationale peut effectivement réagir ou intervenir lorsque les Etats ne se conforment pas, eux-mêmes, aux différentes obligations contenues dans les normes internationales de référence qui viennent d’être rappelées [11].

 

Car, si les instruments juridiques internationaux et régionaux sont nombreux, ils ne sont pas automatiquement intégrés dans les systèmes juridiques nationaux.

 

En effet, si les règles internationales concernant les droits de l’homme ont, d’une manière générale, contribué à façonner un statut juridique international de l’individu, leur mise en œuvre nationale se heurte à de nombreuses difficultés quand il s’agit d’en faire bénéficier des catégories particulières comme les femmes et les enfants ou quand il s’agit de l’étendre à des droits économiques et sociaux.

 

Les déclarations des droits sont le plus souvent des textes jugés « symboliques » qui ne lient pas les Etats à l’intérieur de leurs frontières et dans leurs rapports avec les citoyens.

 

Les Etats sont donc libres de mettre en place ou non les moyens pour en assurer le respect.

 

Sans doute la situation est-elle différente selon que l’on a affaire au droit international général (ONU, conventions de l’UNESCO) ou selon que l’on a affaire au droit international régional.

 

Dans le second cas, en effet, l’intégration des obligations juridiques découlant des conventions et des traités est beaucoup plus complète puisque les constitutions nationales des Etats concernés ont le plus souvent accepté, d’avance, la primauté et l’effet direct des obligations nées des conventions européennes et des traités communautaires.

 

L’œuvre unificatrice est d’ailleurs amplifiée par l’intervention de juges européens (CEDH et CJCE) dont la jurisprudence est prolongée par les juges nationaux, pratiquant ce qu’il est convenu d’appeler le « contrôle de conventionalité ».

 

Concrètement, il s’agit pour les juges nationaux, dont la jurisprudence est inspirée par les juges européens, de juger qu’un acte juridique national est contraire à une convention internationale et d’écarter alors l’application de la règle nationale au profit de la convention internationale.

 

C’est, au demeurant, le seul moyen d’assurer la primauté et l’effet direct des conventions internationales.

 

Dans un Etat de droit, en effet, les engagements internationaux ne peuvent être effectifs que si leur violation et les manquements sont sanctionnés par un juge.

 

Tel est le cas, en France pour le droit communautaire ou pour le droit de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

 

On ajoutera, sur ce point, que dans le cas de l’Union européenne ou dans celui du Conseil de l’Europe, l’œuvre de la jurisprudence et l’évolution progressive des choses ont conduit les Etats à rapprocher progressivement leurs législations et à disposer de traditions communes qui, à leur tour et en tant que telles, sont à l’origine de nouvelles unifications des systèmes et donc des obligations juridiques des Etats [12].

 

En revanche, ces règles (qui assurent donc l’effectivité des obligations internationales des Etats) ne sont, en principe, pas appliquées pour le droit international général.

 

A l’exception de la Cour Internationale de Justice, de la Cour Pénale internationale ou de quelques tribunaux ad hoc, juridictions qui interviennent d’ailleurs dans d’autres domaines que celui de l’Education, il n’existe pas d’organe juridique ayant la compétence, non seulement de sanctionner les manquements des Etats, mais surtout de traduire en obligation nationale, juridique, effective et concrète les engagements internationaux.

 

En l’état actuel des relations internationales, on imagine d’ailleurs mal qu’un système de coercition juridique organisé puisse être institué et surtout, s’il l’était, être institué avec l’efficacité et l’effectivité voulues.

 

Car, encore une fois, en l’état actuel des relations internationales, le principe moteur reste celui de la souveraineté des Etats : souveraineté pour respecter ou non leurs engagements ; souveraineté pour organiser le système juridique et constitutionnel qui les régit.

 

Sans doute, les relations internationales connaissent-elles depuis quelques années une revendication nouvelle pour les questions les plus cruciales : il s’agit du droit d’ingérence.

 

Il en est question, on le sait, pour l’écologie, pour les catastrophes humaines les plus insupportables (ou les plus médiatisées !), ou pour les violations les plus flagrantes des droits de l’homme.

 

Mais on sait aussi que les rapports de forces qui sous-tendent les relations internationales limitent nécessairement l’usage du droit d’ingérence, ou n’en réservent l’application qu’à quelques coups d’éclats.

 

Et, d’ailleurs, les Etats accepteraient-ils un droit d’ingérence pour l’Education. S’inclineraient-ils devant cette belle idée selon laquelle l’Education n’est plus une affaire seulement nationale mais qu’elle concerne l’humanité toute entière ?

 

Si nous ne pouvons le rêver, ou si la réalisation de ce rêve s’avère encore lointaine, il faut alors adopter une démarche pragmatique pour que chaque Etat respecte le droit à l’éducation, le protège et le mette en oeuvre.

 

Peut-être faut-il, comme l’UNESCO se plaît déjà à le pratiquer, concevoir des outils clé en mains pour aider ceux des Etats qui le souhaitent à disposer des techniques propres à réaliser les objectifs de l’Education. Il y a là une affaire de pédagogie.

 

Peut-être aussi faut-il multiplier les instruments d’analyse fiables et indiscutables et en assurer la plus grande diffusion.

 

Au fond, en matière de droits de l’homme, les Etats n’aiment guère figurer dans le bas des tableaux statistiques.

 

C’est alors aux organes d’application et de surveillance des traités que revient la tâche de placer les Etats devant leur responsabilité sur la grande scène médiatique internationale.

 

On rappellera, par exemple, qu’en vertu de l’article 22 du Pacte international relatif au droits économiques, sociaux et culturels, il est institué un mécanisme par lequel le Conseil économique et social peut porter à l’attention des autres organes de l’Organisation des Nations Unies compétents toute question que soulèvent les rapports soumis conformément au Pacte “qui peut aider ces organismes à se prononcer, chacun dans sa propre sphère de compétence, sur l’opportunité de mesures internationales propres à contribuer à la mise en oeuvre effective et progressive du […] Pacte”.

 

Sans doute, la responsabilité visée à l’article 22 incombe au premier chef au Conseil économique et social, mais il appartient aussi au Comité des droits économiques, sociaux et culturels de jouer un rôle actif dans ce domaine, en conseillant et en assistant le Conseil économique et social.

 

Plus généralement on doit certainement approfondir cette idée en considérant que cet article 22 fournit le support juridique permettant d’associer à la mise en œuvre effective du droit à l’éducation tous les organes et institutions de l’ONU qui, d’une manière ou d’une autre, participent aux activités de coopération internationale pour le développement. Sur cette base, il serait donc possible d’adresser les recommandations visées à l’article 22 au Secrétaire général, aux organes subsidiaires du Conseil économique et social comme la Commission des droits de l’homme, la Commission du développement social et la Commission de la condition de la femme, à d’autres organes comme le PNUD, l’UNICEF et le Comité de la planification du développement, à des institutions comme la Banque mondiale et le FMI, et à des institutions spécialisées comme l’OIT, la FAO, l’UNESCO et l’OMS.

 

Au-delà de cette technique juridique l’idée est bien d’associer toutes les institutions internationales autour du droit à l’éducation pour en faire une réelle priorité de la société internationale.

 

 

***
*

 

Mais, évidemment, il faut au préalable faire accepter l’idée que l’Education est plus qu’un droit social et culturel « ordinaire ».

 

S’il est bien celui qui commande l’effectivité de beaucoup d’autres, il faut certainement le mettre d’avantage en exergue.

 

Pour l’instant, force est bien de constater qu’il n’est jamais classé parmi les premiers au sein des longues énumérations qui caractérisent conventions et chartes des droits fondamentaux.

 

Ainsi, faute de pouvoir imposer à tous les Etats un modèle constitutionnel les contraignant à mettre en œuvre les obligations internationales qu’ils ont souscrites en matière d’éducation, faute de pouvoir aussi espérer raisonnablement utiliser un droit d’ingérence en ce domaine, seule une action concertée et particulièrement forte des institutions internationales permettra de placer le droit à l’éducation au cœur des priorités de l’humanité.

 

Il convient alors de l’affirmer clairement et durablement au travers de la rédaction de nouveaux pactes ou de nouvelles chartes ou au travers d’une nouvelle rédaction des pactes et des chartes en vigueur. A cette occasion, il conviendrait d’affirmer clairement que le droit à l’éducation n’est pas seulement un droit créance mais aussi un « droit liberté ». Cela aurait au moins pour effet de renforcer la protection et l’effet direct de ce droit dans les ordres juridiques nationaux, puisque les droits liberté sont souvent beaucoup mieux protégés que les droits économiques, sociaux et culturels.

 

En tout cas, érigé au rang de liberté, l’éducation ne serait plus la seule affaire de l’Etat : au sein de l’Etat et au dessus de l’Etat cette liberté devrait bien être partagée avec les partenaires de la société civile dans le premier cas, particulièrement protégée par la société internationale dans le second cas.

 

 

[1] Article 26 de la déclaration de 1948 :

1. Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.

2. L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants.

[2] Article 13  du Pacte de 1966 :

 1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l’éducation. Ils conviennent que l’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ils conviennent en outre que l’éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

2. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent qu’en vue d’assurer le plein exercice de ce droit:

a) L’enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous;

b) L’enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris l’enseignement secondaire technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité;

c) L’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité;

d) L’éducation de base doit être encouragée ou intensifiée, dans toute la mesure possible, pour les personnes qui n’ont pas reçu d’instruction primaire ou qui ne l’ont pas reçue jusqu’à son terme;

e) Il faut poursuivre activement le développement d’un réseau scolaire à tous les échelons, établir un système adéquat de bourses et améliorer de façon continue les conditions matérielles du personnel enseignant.

3. Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l’Etat en matière d’éducation, et de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément à leurs propres convictions.

4. Aucune disposition du présent article ne doit être interprétée comme portant atteinte à la liberté des individus et des personnes morales de créer et de diriger des établissements d’enseignement, sous réserve que les principes énoncés au paragraphe 1 du présent article soient observés et que l’éducation donnée dans ces établissements soit conforme aux normes minimales qui peuvent être prescrites par l’Etat.

 Pour un commentaire et une analyse de cet article, voir, par exemple : Droit à l’éducation, portée et mise en œuvre,  UNESCO, Conseil économique et social de l’ONU

 [3] La Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous a été adoptée par 155 délégations gouvernementales; la Déclaration et le Programme d’action de Vienne ont été adoptés par 171 délégations gouvernementales; 191 États ont ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant ou y ont adhéré; le Plan d’action en vue de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation dans le domaine des droits de l’homme a été adopté par consensus en tant que résolution de l’Assemblée générale (49/184).

[4] Voir, par exemple, sur ce point : Y. Daudet et K. Singh, Le droit à l’éducation : analyse des instruments normatifs de l’Unesco, Paris, Unesco 2001.

[5] L’acte constitutif de l’UNESCO énonce, en effet, la détermination : d’assurer à tous le plein et égal accès à l’éducation (…) de réaliser graduellement l’idéal d’une chance égale d’éducation pour tous.

[6] Article 9 – Liberté de pensée, de conscience et de religion

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

 [7] Sur la base d’une proposition de la Commission et de contributions des États membres, le Conseil a adopté en le 12 février 2001 le «Rapport sur les objectifs concrets futurs des systèmes d’éducation et de formation». Il s’agit du premier document qui esquisse une approche globale et cohérente des politiques nationales dans le domaine de l’éducation dans le contexte de l’Union Européenne, autour de trois objectifs: améliorer la qualité et l’efficacité des systèmes d’éducation et de formation dans l’Union Européenne ;  permettre l’accès de tous à l’éducation et à la formation ‘tout au long de la vie';  ouvrir les systèmes d’éducation et de formation sur le monde.

Ce Rapport a été approuvé en mars 2001 par le Conseil européen de Stockholm, qui a demandé la préparation d’un programme de travail détaillé. Celui-ci a été adopté le 14 février 2002 et a fait l’objet d’un rapport présenté au Conseil Européen de Barcelone des 15-16 mars 2002.

Si la Commission avait identifié cinq objectifs concrets à poursuivre (amélioration du niveau de l’éducation et de la formation en Europe, facilitation et généralisation de l’accès à l’éducation et à la formation à tous les stades de la vie, actualisation de la définition des compétences de base pour la société de la connaissance, ouverture de l’éducation et de la formation à l’environnement local, en Europe et au reste du monde et utilisation des ressources de façon optimale), le Conseil a focalisé son attention sur les trois objectifs suivants : Objectif 1 : Accroître la qualité des systèmes d’éducation et de formation ; Objectif 2 : Faciliter l’accès de tous à l’éducation et à la formation ; Objectif 3 : Ouvrir l’éducation et la formation sur le monde

[8] Sur l’évaluation à mi-parcours de la « stratégie de Lisbonne », voir les conclusions du Conseil de l’Union Européenne du 21 février 2005, Communiqué de presse 6079/05 (Presse 20), puis les conclusions du Conseil des 23-24 mai 2005, Communiqué de presse 9060/05 (presse 118).

[9] Le Conseil européen de Lisbonne a préconisé l’utilisation de la méthode ouverte de coordination pour atteindre le nouvel objectif stratégique, c’est-à-dire « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde ». La méthode ouverte de coordination, dont le processus de Luxembourg constitue actuellement la forme la plus achevée, consiste en une stratégie coordonnée pour laquelle les États membres se fixent des objectifs communs et des instruments. Les objectifs communs ont été définis dans le rapport sur les objectifs futurs des systèmes d’éducation et de formation et les instruments seront la définition d’indicateurs et de cibles à atteindre (étalonnage) ainsi que l’échange d’expériences et la vision par les pairs

[10] Article 10 Liberté de pensée, de conscience et de religion

1.      Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

2.      Le droit à l’objection de conscience est reconnu selon les lois nationales qui en régissent l’exercice.

Article 13 Liberté des arts et des sciences
Les arts et la recherche scientifique sont libres. La liberté académique est respectée

Article 14 Droit à l’éducation
1.      Toute personne a droit à l’éducation, ainsi qu’à l’accès à la formation professionnelle et continue.
2.       Ce droit comporte la faculté de suivre gratuitement l’enseignement obligatoire.
3.      La liberté de créer des établissements d’enseignement dans le respect des principes démocratiques, ainsi que le droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques, sont respectés selon les lois nationales qui en régissent l’exercice.

 [11] En France, il faut attendre le développement du contrôle de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel (1971) pour que la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946 soient tenus comme des sources de droit supérieures aux lois. En Europe, les Etats ont accepté que la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg puisse être saisie par tous les ressortissants d’Etats signataires de la convention de 1950.

 [12] Voir, par exemple, sur  ce point, les « traditions constitutionnelles communes » des Etats de l’Union européenne dans le domaine de la liberté de l’enseignement : Actes du Colloque du Sénat, Paris 2002.

Enseignement et Liberté – Le manifeste

Tuesday, October 30th, 2007

Sans liberté de l’enseignement, il n’y a pas de liberté de pensée. Les régimes totalitaires l’ont parfaitement compris. Soucieux d’assurer leur pouvoir par la domination des esprits, ils ont supprimé le droit conféré à chacun de choisir en toute liberté l’enseignement qui lui convient. Ils ont nié qu’il revienne à la famille d’exercer ce droit au nom des enfants mineurs dont elle est seule responsable.

Dans la France contemporaine, la situation est différente. L’adhésion à la Convention européenne des Droits de l’Homme interdit qu’on touche au principe de la liberté de l’enseignement. Les Français ne toléreraient pas qu’il soit mis en cause. Toute autorité publique se sent obligée de proclamer sa volonté de pluralisme, son souci du respect des consciences.

Mais une chose est le principe, une autre chose d’assurer qu’il sera effectivement respecté. Il ne suffit pas d’affirmer un droit, encore faut-il garantir les conditions de son exercice effectif. Toutes les dispositions législatives et réglementaires récemment adoptées ou actuellement en préparation, tendent à vider de tout contenu la liberté de l’enseignement.

En ce qui concerne l’enseignement privé, la mise en place d’un “grand service public, unifié et laïc de l’Education nationale” mettra fin à vingt-cinq ans de paix scolaire, en privant l’école libre de conditions d’existence qui assuraient son indépendance et sa dignité. Aucune nécessité pratique, aucun principe ne justifie ce projet. Le slogan “A l’école publique, les fonds publics” n’a aucun sens : les parents qui mettent leurs enfants dans une école libre payent l’école publique par leurs impôts, il est normal en sens inverse que les parents qui mettent leurs enfants dans une école publique contribuent à financer l’école libre. Les Français ne s’y sont pas trompés. Ils font preuve de lucidité lorsque, massivement, ils se disent favorables, non seulement au maintien de l’enseignement privé, mais aussi à son financement par l’Etat. Ils manifestent par là leur civisme, en refusant que les seuls parents d’élèves de l’école libre aient à payer deux fois l’instruction de leurs enfants.

En ce qui concerne l’enseignement public, de la réforme des collèges proposée par Louis Legrand à la loi relative aux enseignements supérieurs, tous les projets tendent à l’uniformiser alors que la nécessité impérieuse de la diversification est manifeste. Ils visent tous à restreindre de plus en plus la latitude de choix concédée aux usagers. Ils portent également en germe le risque d’une politisation accrue du contenu des enseignements, de l’administration des établissements, du recrutement des maîtres. On est d’ailleurs en droit de s’interroger sur le respect de l’indispensable neutralité de l’enseignement public au vu de l’imprégnation marxiste de nombreux manuels scolaires d’usage courant.

Préserver l’indépendance de l’enseignement privé dont l’existence constitue un recours contre les excès d’une politisation qu’entraînerait automatiquement le monopole de l’Etat sur l’éducation,

assurer la diversification de l’enseignement public qui doit laisser à ses usagers toutes les possibilités de choix compatibles avec les nécessités de son organisation,

imposer que soit maintenue ou restaurée la neutralité du service public d’éducation, telles sont les principales formes que doit prendre la défense de la liberté de l’enseignement. En les séparant les unes des autres, on risque de s’engager dans des combats dont l’issue est incertaine.

En soutenant tout ce qui contribue à maintenir et promouvoir la liberté de l’enseignement, l’association Enseignement et Liberté permettra à tout citoyen d’apporter son appui à chacun de ces combats.

A un projet global d’inspiration totalitaire, il faut opposer une riposte globale. Inséparable de la liberté de conscience et de la liberté d’opinion, la liberté de l’enseignement, c’est l’affaire de tous.

COMITÉ D’HONNEUR

Le comité d’honneur est constitué par les membres de l’Institut de France ayant approuvé en 1983 ou 1984 le manifeste d’Enseignement et Liberté.

MM. Michel DEON, Michel DROIT, René HUYGUE, Louis LEPRINCE-RINGUET, Jean d’ORMESSON, Alain PEYREFITTE, Maurice RHEIMS, André POUSSIN, et Maurice SCHUMANN, de l’Académie française.

MM. Pierre GRIMAL, Jacques HEURGON et Francis SALET, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

MM. André BLANC-LAPIERRE, Roger BUVAT, Gaston CHARLOT , Pierre DESNUELLE, Jean DIEUDONNE, Roger GAUTHERET, Pierre-Paul GRASSE, Marc JULIA, Pierre KARLI, Raymond LATARJET, Guy LAZORTHES, Pierre LEPINE, André LWOFF, Jean-Jacques TRILLAT et Robert de VERNEJOUL, de l’Académie des sciences.

MM. Bernard BUFFET, Jean CARZOU, Pierre DUX, André JACQUEMIN, Christian LANGLOIS, Maurice NOVARINA et Gaston PALEWSKI, de l’Académie des beaux-arts.

MM. Raymond ARON, Jean CAZENEUVE, Jean FOURASTIE, Jean FOYER, Emile JAMES, François LHERMITTE, Henri MAZEAUD, Roland MOUSNIER, André PIETTRE, Raymond POLIN, Raymond TOURNOUX et Raymond TRIBOULET, de l’Académie des sciences morales et politiques.

Enseignement et liberté – La carte scolaire – octobre 2007

Tuesday, October 30th, 2007

L’OIDEL a présenté, lors du Symposium qu’elle vient d’organiser avec notre participation sur le « Choix de l’école versus justice sociale : dilemme ou mirage ? », son Rapport sur les libertés éducatives dans le monde.

 

Du Danemark, premier, à Cuba, dernier, cent pays y sont classés en fonction de critères qui sont :

  • La liberté de créer une école

  • Le financement des écoles privées par la puissance publique

  • L’importance de ce financement

  • La liberté du choix de l’école par les parents

  • Le droit des parents à instruire eux-mêmes leurs enfants

  • L’autonomie pédagogique des écoles privées et leur liberté d’admission des élèves et d’engagement des professeurs.

     

  • Avec un score de 57 sur 100, la France se classe au 29e rang, entre la Roumanie et la Thaïlande, loin derrière le Danemark qui obtient 98, de la Finlande (97), de l’Irlande (95), de la Belgique (93).

     

    Deux pays de l’Union européenne seulement sont classés après nous

    – auxquels on peut ajouter la Turquie, 70e – en raison des résultats particulièrement faibles (4/20 dans les deux cas) obtenus pour la liberté des parents de choisir l’école de leurs enfants ou de choisir l’école à la maison.

     

    La suppression de la carte scolaire promise par M. Sarkozy pendant la campagne électorale, vient de recevoir un commencement d’assouplissement avec, sans que l’on perçoive clairement s’il s’agit d’un engagement ferme ou d’un objectif révisable, la fixation par M. Darcos de l’horizon 2010 pour une libération complète.

     

    L’accroissement de 10 000 environ du nombre de demandes de dérogations est très modeste. Il confirme que, comme nous l’avons toujours dit, la carte scolaire est non seulement injuste, mais aussi injustifiée. L’idée de lui donner une nouvelle vie sous la forme d’un instrument de mixité sociale serait à nos yeux tout aussi injuste et injustifiée.

     

    Enfin, si la suppression de la carte scolaire est un moyen de donner la liberté de choix, cette liberté nécessite aussi la suppression de la règle non écrite qui fige le rapport du nombre de places entre le privé et le public. C’est en raison de ce carcan scolaire que le privé a dû refuser 20 000 élèves cette année, soit le double des bénéficiaires de l’assouplissement de la carte scolaire.

     

    Nous publions dans les pages suivantes des extraits de la communication qui nous avait été demandée pour le Symposium de l’OIDEL sur la carte scolaire. Le texte complet de cette communication va être mis sur notre site Internet dans les prochains jours et nous adresserons à ceux qui n’ont pas accès à Internet et nous en feront la demande un exemplaire du texte complet.

    Recteur Armel Pécheul

     

     

    Symposium de l’OIDEL
    Carte scolaire : les leçons de l’expérience française

     

     

    En France, l’institution de la carte scolaire remonte à l’année 1963. Elle consiste à répartir les élèves en secteurs géographiques d’affectation. Elle permet aussi de répartir géographiquement les postes d’enseignants.

     

    A l’origine, le but poursuivi était essentiellement celui de la planification de la population scolaire. Il s’agissait de maîtriser l’évolution massive des effectifs scolaires due au redressement de la natalité après la guerre et à la prolongation de la scolarité obligatoire à partir de 1959.

     

    Mais, très rapidement, la logique planificatrice a été transcendée par une seconde logique, celle de l’égalitarisme.

     

    Ce mythe français de l’égalitarisme repose essentiellement sur le principe du « moule unique » pour tous les élèves. Il s’ensuit que toutes les écoles et tous les collèges sont supposés assurer la même « réussite » pour tous les élèves quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique. D’où alors, évidemment l’interdiction faite aux parents de choisir l’établissement scolaire de leurs enfants : d’une part, la liberté de choix supposerait que l’on accepte l’idée que tous les établissements scolaires ne sont pas de même niveau (ce qui est impossible à admettre idéologiquement) ; d’autre part, la liberté de choix favoriserait la concurrence entre les établissements scolaires (ce qui est politiquement inacceptable).

     

    Ce mythe français convenait à tous. Les politiques y trouvaient de quoi nourrir leur discours sur « l’égalité des chances ». Les syndicats d’enseignants en tiraient prétexte pour justifier leur revendications quantitatives : plus de professeurs, plus de locaux, plus de crédits.

     

    Malheureusement, les faits sont têtus : l’égalitarisme a le plus souvent conduit à une simple égalité de façade. Par surcroît, la France a connu à son tour la tentation de la discrimination positive : l’égalité des chances a changé de nature.

     

    L’égalitarisme a produit une égalité de façade.

     

    Dans les faits, la carte scolaire n’a pas permis de réaliser l’objectif tendant à instaurer l’égalité des chances.

     

    D’abord, la sectorisation reposait sur un présupposé théorique totalement irréaliste. Il faut, en effet, une bonne dose d’aveuglement idéologique (ou un grand degré d’hypocrisie) pour croire qu’un établissement scolaire situé dans les « beaux quartiers de Paris » est l’égal d’un établissement scolaire des quartiers périphériques défavorisés.

     

    Ensuite, la carte scolaire a été à l’origine de multiples stratégies de contournement et de dérogations qui montrent qu’elle n’a jamais reçu l’adhésion des parents. Ils savent, eux, qu’il existe des bons établissements scolaires… et des moins bons, voire des très mauvais.

     

    Enfin, seul l’enseignement public est soumis à l’obligation de la carte scolaire. De sorte que de nombreux parents font le choix de l’école privée, non seulement en fonction de la qualité ou de la nature de l’enseignement qui peut y être dispensé, mais aussi, bien souvent, parce que ce choix leur permet d’éviter la carte scolaire.

     

    La mutation du contenu du principe d’égalité des chances

     

    En France, les deux principes fondateurs de l’égalité républicaine sont classiquement l’unité et l’uniformité. Les individus doivent être traités, en droit, de la même manière par l’Etat. De sorte que la différenciation et la discrimination sont interdites. Ces principes sont garantis par la Constitution.

     

    Une première brèche a été créée dans le système avec l’institution des ZEP (zone d’éducation prioritaire) par le ministre Savary au mois de juillet 1981. C’est le premier exemple français à la fois de politique de discrimination positive et de territorialisation des politiques éducatives.

     

    La seconde brèche dans le principe d’égalité est celle de la recherche de la discrimination positive puis de la recherche de la « mixité sociale ».

     

    L’idée, longtemps jugée contraire aux principes français les mieux établis, consiste à conférer des avantages particuliers à certaines catégories de personnes en fonction d’une ou de plusieurs de leurs particularités. Appliquée à l’éducation la discrimination positive conduit à sélectionner les meilleurs élèves des établissements jugés défavorisés pour les « transplanter » dans des établissements jugés meilleurs.

     

    Cela reste évidemment un épiphénomène qui ne concerne que quelques individus et qui a plus vocation à servir de symbole ou à alimenter les slogans en faveur de la « diversité » qu’à régler les problèmes de fond. Mais, ce faisant on glisse doucement de la discrimination positive vers la mixité sociale.

     

    Le bilan de la carte scolaire

     

    La carte scolaire a été « assouplie » une première fois en 1983 par André Savary, qui la supprima dans deux départements et trois grandes villes, puis par son successeur Jean-Pierre Chevènement pour six autres départements.

     

    En 1988, après le changement de majorité parlementaire de 1986, quatre-vingt-neuf départements faisaient l’objet de mesures de désectorisation totale ou partielle. Le terme de sectorisation étant substitué à celui de carte scolaire.

     

    En 1993, après cinq ans de gouvernements de gauche, supposés favorables à la carte scolaire, 47% des collèges et 27% des lycées en étaient dispensés.

     

    François Bayrou, ministre de l’Education nationale de 1993 à 1997 dans des gouvernements de droite élus sur des programmes promettant la suppression de la carte scolaire, revient sur ces assouplissements sans que l’on sache exactement aujourd’hui quels sont les établissements qui respectent la sectorisation et ceux qui ne la respectent pas.

     

    On ne sait pas non plus, faute d’avoir cherché à la mesurer, l’incidence de l’application ou non de la carte scolaire sur le niveau moyen des élèves.

     

    Enfin, et c’est le plus étonnant, on ne sait pas évaluer l’importance des déplacements induits par une suppression de la carte scolaire.

     

    Une étude sur les effets des mesures de désectorisation prises en 1983 estime que 8 à 20% des élèves y ont eu recours, mais combien auraient bénéficié du régime des dérogations individuelles ou des contournements de la règle ?

     

    Le projet de Xavier Darcos

     

    Conformément à une promesse de Nicolas Sarkozy lors des élections présidentielles, Xavier Darcos, nouveau ministre de l’Education nationale, s’est engagé à supprimer progressivement la carte scolaire d’ici à 2010 et à l’assouplir dès la présente rentrée scolaire, en la remplaçant par de « nouveaux instruments de mixité sociale ».

     

    Alors que les demandes d’inscription devaient être déposées avant le

    30 juin, il a été indiqué lors du Conseil des ministres du 25 juillet que « plus de 13 500 demandes d’inscription supplémentaires hors secteur ont été formulées par les familles ».

     

    Aux priorités accordées lors de ces demandes d’inscription, aux raisons médicales et à la scolarisation d’un frère ou d’une sœur dans l’établissement souhaité ont été ajoutés les élèves boursiers, au mérite ou sur critères sociaux et les élèves dont le domicile est proche de l’établissement souhaité.

     

    Ont été écartées les obligations professionnelles des parents et la continuation de la scolarité après déménagement, motifs retenus jusqu’à présent.

    La disparition progressive de la carte scolaire accompagnée de l’amélioration d’une mixité sociale et du renforcement de l’égalité des chances à laquelle le nouveau ministre a décidé de s’atteler ressemble à la quadrature du cercle.

    Faussée dès le départ parce que la véritable égalité des chances suppose une sélection qui est refusée et parce que la mixité sociale revendiquée est le faux nom d’une improbable mixité culturelle, la réforme annoncée ne pourrait aboutir qu’à l’instauration de quotas dans les établissements scolaires.

    Ces quotas conduiraient inévitablement à la multiplication du nombre des mécontents et à l’accroissement des distorsions entre les besoins d’éducation et les moyens de les satisfaire, à l’exemple de ce que l’on peut constater avec les quotas laitiers.

    La seule façon juste et efficace de réformer la carte scolaire serait de la supprimer, car, comme dans le cas du tabac en France après la guerre, c’est le rationnement qui est la cause de la pénurie. Cette suppression n’a guère de chance d’être mise en œuvre, car elle impliquerait la fermeture des établissements désertés. La réforme en cours rejoindra-t-elle le cimetière des réformes inaccomplies, avec pour épitaphe le titre d’une pièce de Shakespeare : Much ado about nothing.

     

    ILFM

    Tuesday, October 30th, 2007

    Quand sauver les Lettres écrit à SOS Education et Philippe NEMO

    Saturday, October 20th, 2007

    Une trop longue erreur 

    Article Philippe NEMO LE FIGARO

    16 septembre 2003 

    ÉDUCATION La commission nationale sur l’école a commencé hier ses travaux
    Une trop longue erreur 
    [16 septembre 2003]
    Jean-Pierre Raffarin a installé hier la commission d’une quarantaine de personnalités qui pilotera le «débat national sur l’école» dont l’ambition est de déboucher sur une révision de la loi d’orientation de 1989, socle du système éducatif actuel. L’éducation va ainsi occuper le devant de la scène jusqu’en 2004, date à laquelle le gouvernement entend faire voter une nouvelle loi d’orientation «pour les quinze ans à venir», selon le ministre Luc Ferry. Nous publions ci-dessous deux contributions au débat.Il est urgent de comprendre que les crises successives de l’Éducation nationale ne sont pas des phénomènes ponctuels, mais sont le résultat d’une même erreur initiale dans la politique scolaire du pays commise il y a plus de quarante ans et jamais corrigée depuis. Après y avoir longtemps réfléchi (1), je pense pouvoir retracer ce qui s’est réellement passé pendant ce presque demi-siècle. La tragédie s’est nouée en trois actes.

    Acte 1. Au lendemain de la guerre, en 1947, les communistes Langevin et Wallon proposèrent de réaliser en France l’école unique, creuset de l’homme nouveau socialiste. Repoussé par deux fois à la Chambre sous la IVe République, ce projet fut mis en œuvre, paradoxalement, par De Gaulle au début de la Ve.

    On unifia le système scolaire, jusque-là divisé en trois grands secteurs plus ou moins indépendants, le primaire, le secondaire et le technique. On supprima les classes primaires des lycées, les classes secondaires du primaire (les «cours complémentaires») et, peu à peu, on homogénéisa les programmes de façon à supprimer les filières.

    Le «collège unique», faussement attribué à l’initiative de M. Haby, ne fut que l’étape finale de ce processus, qui était programmé dès 1958. L’Éducation nationale devint alors un monstrueux système bureaucratique, et ses syndicats montèrent en puissance à mesure qu’augmenta, dans un système administratif unifié, leur pouvoir de nuire.
    Dès cette date, l’Éducation ne fut plus nationale. Elle fut, de jure, cogérée par le ministère et les syndicats. De facto, elle fut gérée par les syndicats seuls, car les ministres passaient (et souvent sautaient), alors que les syndicats restaient. Je dis bien que l’Éducation «nationale» usurpe désormais ce qualificatif, car la nation, qui n’a d’autre organe d’expression que le suffrage universel, et d’autres représentants légitimes que le Parlement et le Gouvernement, n’eut plus jamais, de ce jour, son mot à dire dans la politique éducative du pays.

    Acte II. Pourtant, aussitôt mise en place, l’école unique se révéla produire l’inverse de l’effet recherché. Au lieu de résorber les inégalités scolaires, on s’aperçut qu’elle les exacerbait. On découvrit en effet, dès le début des années 1960 que, quand on place dans une même école et devant un même professeur les 20% d’élèves qui allaient auparavant au lycée et les 80% qui allaient à l’école communale et dans les cours complémentaires, c’étaient toujours les premiers nommés, c’est-à-dire les enfants des milieux «privilégiés», qui réussissaient. Le résultat réellement produit par un cours ne dépend pas en effet seulement du cours lui-même, mais aussi des structures mentales des élèves qui le reçoivent.

    Pour suivre l’enseignement secondaire classique, qui, même élémentaire, est déjà par nature scientifique, il faut, dès l’entrée en 6e à l’âge de 10 ans, avoir atteint ce que les psychologues de l’intelligence comme Jean Piaget appelle le stade de la pensée «abstraite» et «désintéressée». Or ce stade n’est atteint à l’âge de l’entrée en 6e que par les enfants vivant dans un milieu familial où leur intelligence abstraite est activement stimulée, c’est-à-dire dans les milieux «bourgeois».

    Dans ces conditions, l’école unique conduisait à une double catastrophe. Non seulement c’étaient encore les fils de polytechniciens qui devenaient polytechniciens, donc l’école unique ne changeait rien en pratique. Mais, ce qui était pire, ce privilège devenait légitime, puisque tous les enfants, désormais scolarisés dans une même école, étaient censés avoir eu les mêmes chances.

    Constatant cet échec, le gouvernement gaulliste aurait pu renoncer à l’école unique et revenir à l’école méritocratique de Jules Ferry, qui avançait plus lentement, mais plus sûrement, vers la «démocratisation» souhaitée par tous. Mais cette correction de trajectoire ne pouvait pas être acceptée par les syndicats qui, grâce à la tourmente de 1968, imposèrent leurs propres solutions. Celles-ci consistaient en une fuite en avant. Puisque l’«alignement vers le haut» du plan Langevin-Wallon ne fonctionnait pas, on procéderait à un «alignement par le bas». En un mot, on primariserait le secondaire. Cela tombait bien: la majorité des professeurs du secondaire de l’époque étaient d’anciens instituteurs.

    C’est à partir de cette date que l’Éducation dite nationale commença à détruire purement et simplement l’enseignement secondaire français traditionnel. Rejetant une tradition éprouvée, on donna carte blanche aux «pédagogues». On décréta le caractère oppressif des savoirs. On refondit tous les programmes dans le sens du flou, de l’incohérence et de l’appauvrissement. On rendit impossible la structuration de l’esprit en cassant net, au nom de la spontanéité des «apprenants», le processus d’acquisition méthodique des savoirs.

    L’affaire se compliqua par le fait que les réformateurs, menés par la FEN et le SGEN, ne purent, malgré tous leurs efforts, imposer l’intégralité de leurs réformes. La logique de celles-ci aurait été de supprimer jusqu’à la notion même de programme, donc la structuration des collèges et lycées en classes annuelles successives, donc aussi toute hiérarchie entre catégories d’enseignants. Or le SNES communiste veillait aux intérêts corporatifs des professeurs agrégés et certifiés. Il combattit les «pédagos» autant qu’il le put. Il en résulta une situation bloquée, provoquant un lent pourrissement. Il n’y eut plus, bientôt, de véritable programme national.

    Acte III. Dans les décennies 1960 et 1970, l’école avait subrepticement changé de fonction sociale: elle était devenue peu à peu une simple garderie de la jeunesse. Et c’est parce qu’elle jouait passablement bien ce nouveau rôle qu’on l’a dédouana de ne plus jouer correctement son rôle d’éducation et d’instruction.

    Il y eut des raisons sociologiques profondes, tant structurelles et conjoncturelles, à cette transformation insensible de l’école. D’abord, le travail des femmes s’était généralisé; or les femmes ne peuvent quitter la maison si les enfants ne sont pas gardés à l’extérieur. Ensuite, à partir du début des années 1970, le chômage de masse s’était développé en Europe, et l’on avait réagi à cette pression exercée contre l’emploi en diminuant la durée du travail, soit celle du travail hebdomadaire, soit celle de la vie de travail, ce dernier facteur se décomposant à son tour en abaissement de l’âge de la retraite et en retardement de l’entrée sur le marché de l’emploi. C’est ainsi que la durée moyenne de scolarisation doubla, passant de neuf ans aux lendemains de la guerre à plus de dix-huit ans aujourd’hui. Pendant la même période, les dépenses scolaires décuplaient en francs constants. Ainsi les jeunes étaient-ils gardés entre quatre murs au lieu d’entrer sur le marché du travail et d’y faire baisser les salaires, ou, pire, d’envahir la rue.

    Inutile de dire que le niveau scolaire de la nation, dans le même temps, ne décupla ni ne doubla, à supposer qu’il ait augmenté un peu ou même n’ait pas régressé. Par conséquent, si l’on évalue l’output de l’institution scolaire en termes de niveau, on peut dire que la productivité marginale de chaque franc supplémentaire dépensé pour l’école, ou de chaque heure supplémentaire passée à l’école, a tendu vers zéro ou même est devenue négative. Pourquoi la société ne s’est-elle pas révoltée contre ce scandaleux gâchis? La réponse est claire: c’est que l’investissement public fut réellement productif si l’on prend pour critère non le niveau scolaire, mais la capacité à garder efficacement la jeunesse. L’argent dépensé a réellement servi à construire des écoles et à payer des gardiens.

    La preuve que la fonction sociale réelle de l’école est désormais celle d’une garderie est que c’est aux manquements de cette seule fonction que des «signaux sociaux» s’allument. On ne voit jamais les parents défiler dans la rue si le professeur de français fait une faute d’orthographe par ligne, ou si le professeur de mathématiques se perd dans ses équations (ce qui est courant aujourd’hui). En revanche si, un seul matin, un gardien, absent, pour quelque raison que ce soit, manque devant une classe, ou si les professeurs sont en grève, ou si l’on menace de fermer une classe dans une agglomération qui se dépeuple, tous événements qui empêchent les parents d’aller travailler en paix, c’est alors que la société réagit brutalement et que l’institution scolaire est sommée de se justifier. A midi, les parents occupent l’école. Le recteur doit s’expliquer l’après-midi devant la télévision régionale, et le ministre au journal de 20h.

    On a là l’explication, navrante mais objectivement vraie, du fait stupéfiant que les grands acteurs sociaux n’aient rien fait pour corriger la dérive mortelle de notre système éducatif depuis que son échec est devenu patent. Les associations de parents d’élèves n’ont eu en vue, par définition, que la fonction de garderie. Les syndicats d’enseignants n’ont eu en vue que l’augmentation continue des postes rendue possible par l’aubaine d’une inflation scolaire indéfinie (et de toute façon, ils ne peuvent critiquer leur œuvre). Quant aux politiques, ils se sont platement alignés sur les préoccupations immédiates de la masse de leurs électeurs, en sacrifiant, comme c’est devenu habituel dans nos démocraties médiatiques, les intérêts à long terme du pays.

    Le problème est que la France, si elle en reste à la situation actuelle de son système éducatif, va subir la plus effroyable décadence de son histoire: la perte de son statut de grand pays scientifique et technologique. Et je ne vois pas très bien comment on peut espérer faire fonctionner une démocratie digne de ce nom, et en général toutes les institutions, organisations et entreprises d’un pays moderne, dans une société où progressent illettrisme, ignorance et obscurantisme.

    Je suis persuadé qu’il n’y a de solution au problème scolaire de notre pays que par la remise en cause radicale de l’option communisante du plan Langevin-Wallon prise et absurdement conservée depuis quarante ans. Il faut un pluralisme scolaire, tant à l’intérieur du système public que par le développement d’un nouveau secteur privé. Il faut qu’on puisse créer librement des écoles et des réseaux d’écoles, et qu’il y ait une émulation entre ceux-ci, seul processus qui sera de nature à créer une spirale vertueuse et à engendrer un vigoureux renouvellement. Quel homme politique aura le courage de faire un pas dans le sens de cette libération?

    *Professeur à l’ESCP-EAP.
    (1)Pourquoi ont-ils tué Jules Ferry?, Grasset, 1991; Le Chaos pédagogique, Albin Michel, 1993. «La fonction de garderie de l’école: une explication de la dégradation de sa fonction pédagogique», in École et société. Les paradoxes de la démocratie, par Raymond Boudon, Nathalie Bulle et Mohamed Cherkaoui, PUF, 2001. 
     

    “Le pluralisme scolaire” : résumé

    (Texte en lien sur “Pluralisme scolaire” : lettre à SOS-Education)

    POLITIQUE EDUCATIVE

    Numéro 1 Juillet 2004

     

    Le pluralisme scolaire
    Par Philippe Nemo

    Pourquoi le pluralisme scolaire ?

    En matière d’ éducation, ni le pur marché ni le monopole public ne sont satisfaisants. L’expérience montre que le meilleur système scolaire est formé d’écoles autonomes financées par la collectivité.

    Ce système pourrait être mis en oeuvre progressivement. Correctement conçu, il permettrait d’offrir un accès à tous les enfants sans condition de ressources financières, un enseignement adapté aux besoins de chacun, une garantie contre toute dérive politique, idéologique ou sectaire, une gestion rigoureuse des fonds publics, une responsabilisation des parents, des chefs d’établissements et des enseignants.

    Comment faire ?

    La création d’écoles autonomes peut être faite en quatre étapes :

    1) Le Parlement vote un cahier des charges qui prévoit:

    un programme minimum pour chaque niveau scolaire ;

    des normes minimales de compétences et de diplômes pour les enseignants

    de normes de sécurité et d’ hygiène pour les bâtiments ;

    des normes de bonne moralité pour les personnels ;

    l’obligation d’enseigner les règles morales et civiques de base de la vie commune et l’interdiction d’enseigner des valeurs qui leur soient contraires.

    2) Chaque école candidate à l’autonomie établit précisément un “projet d’école”

    Ce projet d’école doit respecter les normes indiquées dans le cahier des charges. Mais il peut prévoir des programmes plus riches, des niveaux d’exigence plus grands, des enseignements et activités pédagogiques supplémentaires.

    3) Ce projet est soumis à l’agrément d’un organisme de contrôle.

    On peut s’inspirer du modèle de la COB ou du CSA. Son rôle est de déterminer si oui ou non le projet d’école est conforme au cahier des charges.

    4) Si le projet est accepté

    — > L’école reçoit une dotation financière annuelle.

    — > Cette dotation est proportionnelle au nombre et à l’âge des enfants inscrits.

    — > L’école est régulièrement inspectée par l’organisme de contrôle qui pourra retirer l’agrément si l’école ne respecte pas le projet qui avait été accepté.

    Forme juridiqueL’école sera une personne morale de droit privé : société, association ou fondation. Elle sera l’employeur de ses personnels enseignants et administratifs avec des contrats de travail de droit privé.Les écoles pourront se regrouper en réseaux, afin de mettre en commun certaines activités pédagogiques, éviter la fermeture intellectuelle et offrir des évolutions de carrière aux enseignants. Chaque réseau d’école accumulera alors expérience, compétence, ainsi qu’une culture et une identité propres qui permettront à terme l’émergence dans nos sociétés de foyers intellectuels et spirituels nouveaux.

    Le Parlement, en introduisant cette réforme de manière progressive, pourra montrer aux Français qu’il engage une véritable réforme. Il pourra prévoir qu’au début, seul un petit nombre d’écoles, à statut expérimental, seront concernées. Il faudra prévoir que des professeurs et des personnels d’encadrement du système public puissent être détachés dans les nouvelles écoles sans que leur statut, leurs droits et le déroulement de leur carrière soient remis en question.

     

     

    “Pluralisme scolaire” : lettre à SOS-Education


    Paris, le 23/10/04.

    Madame,

    Je vous remercie de l’intérêt que vous avez manifesté envers le livre que j’ai écrit, et je vous sais gré de m’avoir transmis, par votre courrier daté du 27 août dernier, la brochure “Politique éducative” dans laquelle Philippe Nemo expose le projet de réforme de l’éducation qu’il a mis au point, et que SOS-Education soutient.

    J’ai lu cette brochure avec toute l’attention qu’elle requiert, et puisque vous m’avez sollicitée à son sujet, je me permets de vous livrer quelques-unes des réflexions qu’elle m’inspire.

    Si je partage à certains points de vue le diagnostic de SOS-Education sur l’état actuel du système scolaire, je me sens en totale opposition vis-à-vis des solutions que vous préconisez, qui sont sous-tendues par des pré-supposés idéologiques qui ne sont pas les miens.

    Ainsi, je dénonce comme vous l’emprise sur la formation des maîtres et sur les corps d’inspection de certains dogmes pédagogiques aussi absurdes que dangereux qui empêchent les professeurs d’exercer leur métier librement, et qui interdisent aux élèves d’apprendre quoi que ce soit de manière solide ; comme vous, je déplore le piètre niveau auquel on amène les bacheliers, responsable de l’échec de 40% d’entre eux dans les études supérieures ; comme vous, je stigmatise un égalitarisme forcené qui, sous prétexte d’offrir à tous une prétendue “réussite”, a nivelé les diplômes par le bas, a banni les redoublements, a uniformisé le cursus de tous élèves, et a induit une hétérogénéité ingérable des classes ainsi qu’un illettrisme scolaire aux proportions scandaleuses.

    Toutefois, pour peu que vous ayez lu mon livre jusqu’au bout, pour peu que vous ayez consulté les analyses du collectif Sauver les lettres auquel j’appartiens (www.sauv.net), il ne vous aura pas échappé que mes amis du collectif et moi-même croyons envers et contre tout en une école républicaine forte, capable de transmettre à tous les élèves qui lui sont confiés, quelles que soient leurs origines sociale, confessionnelle, culturelle, un patrimoine commun de connaissances à la portée universelle, véritable ciment de la nation en même temps que facteur de promotion sociale pour les plus pauvres.

    Loin de moi, loin de nous, donc, l’idée d’un réseau d’établissements indépendants qui, sur la base d’une charte minimale imposée par l’Etat, proposeraient leurs propres “projets d’école” aux contenus d’enseignement les plus divers. Cette idée repose sur des thèses qui me sont étrangères : la première affirme que l’école, pour reprendre les termes de M. Nemo, “n’est qu’une des nombreuses institutions porteuses et responsables de vérité, en parallèle avec les Eglises, les sociétés savantes, (…) les organismes culturels en général” (p.3) — il s’agit d’une thèse relativiste, qui à mes yeux peut conduire au pire obscurantisme ; la seconde thèse affirme la nécessité d’établir le “pluralisme” éducatif sur le modèle du pluralisme politique ou économique — on a affaire ici à l’ultra-libéralisme, qui étend abusivement à tous les domaines de l’activité humaine le concept d’ailleurs dévoyé de liberté.

    Tout d’abord, quelles “vérités” l’école a-t-elle vocation de professer ? M. Nemo semble confondre sous ce terme “idées et savoirs”, c’est-à-dire croyances religieuses, opinions politiques, valeurs morales, et connaissances savantes. Or à mes yeux seules ces dernières ont leur place à l’école, car, contrairement au reste, elles peuvent faire l’objet d’un consensus et constituer les programmes scolaires nationaux. Or, M. Nemo, en niant qu’un tel consensus soit possible (selon lui “les familles qui ont des savoirs différents (…) ne peuvent admettre pour leurs enfants une école unique enseignant à tous exactement les mêmes programmes” p.5), imagine sans doute de laisser se développer des écoles où, comme c’est déjà hélas le cas aux Etats-Unis, on prétend prouver aux élèves la fausseté des théories darwiniennes sur l’évolution des espèces, au motif qu’elles contredisent la Bible ; ou encore, des écoles qui rayeraient de leur programme d’histoire l’épisode de la Shoah, considéré par les révisionnistes comme non établi… A cet égard, je ne partage pas l’optimisme (ou la naïveté) de M. Nemo qui croit au “mimétisme vertueux du pluralisme” qui empêcherait “l’éclatement et la divergence des modèles scolaires” (p.6).

    En imaginant que le “cahier des charges” qui lierait ces écoles à l’Etat exclurait effectivement de telles dérives (comme il est suggéré p.18), je reste convaincue qu’il serait aberrant de répondre servilement, étroitement, aux demandes éducatives des familles. On sait que les “besoins” des élèves, exprimés pour eux par leurs parents, sont construits bien plus qu’innés. Plutôt que de conforter ces déterminismes socio-culturels en les considérant comme des données naturelles, il appartient à l’école de donner aux jeunes gens les moyens de s’en affranchir. Il y aurait donc, selon les vœux de M. Nemo, des écoles distinctes pour les enfants de ceux qui “ne lisent pas les même journaux, ne votent pas pour les mêmes partis, n’ont pas les mêmes soucis et projets professionnels, les mêmes genres et styles de vie, etc.” (p.2), autrement dit des écoles pour les enfants d’ouvriers et des écoles pour les enfants de cadres, pour les enfants de “gauche” et pour les enfants “de droite”, pour les enfants de familles catholiques et pour les enfants de familles juives ou musulmanes? L’idéal laïc et républicain y sombrerait tout entier .

    J’ai pour ma part la conviction que, si l’on assigne encore à l’école la mission, esquissée par le plan Langevin-Wallon dès 1947, d’ “offrir à tous d’égales possibilités de développement, (d’)ouvrir à tous l’accès à la culture” ou encore d’élever “le niveau culturel de la nation”, il revient à l’Etat d’élaborer des programmes permettant de réaliser cet idéal, autrement dit d’établir un répertoire précis, progressif, cohérent et ambitieux de connaissances à inculquer au fil de leur scolarité à tous les jeunes gens. C’est l’absence de tels programmes qui explique la faillite actuelle de l’école. C’est au contraire par l’application de tels programmes que l’école parviendra à créer une véritable communauté nationale, à abolir les frontières de la “connivence culturelle”, à contrer la reproduction sociale : apprenons sérieusement à tous nos élèves le français et les mathématiques, langages capables de développer leur rationalité et leur capacité de compréhension du réel ; enseignons les langues vivantes, et aussi le grec et le latin qui sont le fondement de notre langue et de notre civilisation ; les éléments d’histoire, de géographie, des arts et des sciences, disciplines qui forment le jugement et la sensibilité ; et il y a fort à parier que nous rendrons ces futurs citoyens libres, plus égaux et plus fraternels.

    Or, le projet de SOS-Education entend parvenir à la cohésion sociale par des moyens autrement plus coercitifs. S’il autorise le “pluralisme” en matière d’enseignement des connaissances, M. Nemo manifeste au contraire un curieux dogmatisme quant aux valeurs dont l’école doit se faire le vecteur : semblant ignorer qu’il profère là une de ces “vérités” sujettes à caution qu’il dénonce ailleurs, il affirme que “les hommes doivent partager les valeurs de la société démocratique et libérale”; bien pire, cédant à un ethno-centrisme de mauvais aloi (pour ne pas dire plus!), il fait l’éloge de la “modernité” et des “seules sociétés où (celle-ci) ait émergé, “les sociétés d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord où se (sont) affirmées les valeurs et les institutions de la démocratie libérale” (p. 5). Il en conclut que “dans toutes les écoles on doit enseigner les règles de la vie commune de la société démocratique” (p.6). Pour ma part, il n’est bien entendu pas question d’enseigner des valeurs ou des principes qui soient contraires à ceux de notre République. Mais je préfère rester fidèle au vœu d’un des fondateurs de l’idéal scolaire républicain, Condorcet lui-même, vœu formulé dans son Rapport sur l’Instruction publique de 1792 : “ni la Constitution française, ni même la Déclaration des droits ne seront présentées à aucune classe de citoyens comme des tables descendues du ciel, qu’il faut adorer et croire”. En effet, je pense qu’il est dangereux d’enseigner des valeurs toutes faites – c’est ce que fait déjà trop bien l’école actuelle, par le biais de pseudos-matières comme l’ECJS, de parodies de procédures démocratiques comme “les conseils d’enfants”, ou par le libellé même de certains sujets du brevet ou du baccalauréat, qui demandent aux élèves de réciter un catéchisme républicain très “politiquement correct” : on imite ni plus ni moins les cours de morale de jadis, qui excluaient toute formation de l’esprit critique. Or je note que dans son référendum national sur l’école”, SOS-Education propose justement de remettre en place “des cours de morale, de civisme et de politesse”. A l’opposé, je pense que l’on doit laisser aux familles les domaines de la morale et de la politesse, et que la seule éducation “citoyenne” qui vaille à l’école est celle qui, par le truchement de connaissances historiques, géographiques, littéraires et philosophiques solides inculquées aux élèves, leur donnera les moyens de juger des différentes “valeurs” et d’adhérer ou non, en toute liberté, à ces valeurs.

    Pour finir, je me dois d’exprimer mon désaccord le plus total quant à la vision caricaturale, voire injurieuse, que M. Nemo donne de certains aspects de l’école et de ses enseignants. Je déplore qu’un intellectuel tel que lui, docteur d’Etat ès-lettres et sciences humaines, se complaise à conforter des clichés que toutes les enquêtes sociologiques sérieuses démentent : par exemple, étant sur le terrain, je récuse le fait qu’il y ait chez les enseignants “un nombre extrêmement élevé d’absences et de négligences, de talents inemployés, une atmosphère générale de démotivation, de laisser-aller et de découragement (p.11)”. Je m’étonne de relever dans l’exposé d’un projet qui se veut objectif l’expression de fantasmes anti-gauche et d’un anti-syndicalisme primaire : l’école française serait “dominée par les syndicats marxistes” (p.6), à tel point que le ministre de l’Education nationale ne pourrait “prendre que les mesures dont il s’est assuré préalablement qu’elles avaient l’aval des syndicats” (p.10) – M. Nemo a manifestement oublié ce qui s’est passé au printemps 2003 ! ; ou encore l’école en tant qu’institution d’Etat participerait d’une “conception absolutiste ou totalitaire de l’Etat” (p.7). Je suis scandalisée du fait que M. Nemo, négligeant sans doute des anicroches aussi dérisoires que le sort récent des employés de Moulinex, d’Alsthom ou de Daewoo, considère “les modes d’organisation et de management qui sont ceux de toute l’économie” comme “une gestion rationnelle et humaine du travail, des personnels et des carrières” (p.11), et qu’il veuille de ce fait en faire bénéficier l’activité éducative ! Enfin, je remarque non sans amusement que les travers de l’école “monopolistique” que dénonce M. Nemo ne feront que se renforcer si le “pluralisme” qu’il préconise entrait dans les faits : les difficultés qu’éprouvent aujourd’hui les familles défavorisées à s’y retrouver dans les “repères clandestins et ésotériques” (p.21) qui distinguent les bons cursus scolaires des mauvais ne se répéteront-elles pas avec différents “réseaux d’écoles” proposant chacun un “label” garantissant tel ou tel type d’éducation ? Le projet des socialistes révolutionnaires qui consiste à forger un “homme nouveau” (p.9), et qui imprègnerait l’école actuelle, ne ressemble-t-il pas étrangement au rêve de M. Nemo qui souhaite que, en changeant la “manière d’enseigner l’histoire, la littérature, (…) la philosophie”, on élabore par le biais des réseaux d’écoles des “modèles civilisationnels correspondant à notre temps, à ses structures géopolitiques et aux perspectives qu’ont désormais en commun tous les hommes civilisés” (p.26) ?

    Il m’apparaît donc clairement, à l’issue de la lecture du projet que vous m’avez soumis, que les analyses de M. Nemo, et les buts poursuivis par SOS-Education divergent absolument des miens, et de ceux du collectif Sauver les lettres.

    Sauver les lettres défend certes la liberté pédagogique des enseignants en ce qui concerne les méthodes d’enseignement, car nous considérons notre métier comme un artisanat plutôt qu’une science : chaque professeur doit pouvoir élaborer ses propres méthodes selon sa personnalité et celle de ses élèves. Mais Sauver les lettres ne renonce pas pour autant à l’idée que l’instruction du peuple relève d’une mission étatique. Je dis bien l’instruction, et non l’éducation, et surtout pas le dressage “citoyen” qui n’est qu’une variante de la fabrique d’un “homme nouveau” sur le moule d’une idéologie particulière.

    Nous défendons le modèle d’une école républicaine qui n’a encore jamais existé : une école qui soit capable de hisser l’ensemble de la population sur un socle exigeant de connaissances, et qui pour cela se dote de programmes et d’horaires adéquats à l’échelle de la nation, ainsi que de moyens financiers suffisants pour assurer une formation exigeante des maîtres, un recrutement en nombre de ces derniers, le développement des redoublements, des structures d’aide précoce aux élèves en difficulté, et le recrutement en nombre des personnels nécessaires au bon fonctionnement des établissements.

    En espérant avoir répondu à votre demande et clarifié nos positions respectives, je vous prie de recevoir, Madame, mes sincères salutations.

    Fanny Capel, auteur de Qui a eu cette idée folle un jour de casser l’école ?

    11/2004